L’élection législative partielle en Ariège vire à l’affrontement national

Martine Frogier photographiée le 30 mars à Varilhes.

Loin d’avoir apaisé les esprits, la victoire de Martine Froger face à Bénédicte Taurine continue d’alimenter les dissensions et les règlements de compte à ciel ouvert…

POLITIQUE - Une participation famélique (37.8 %), un enjeu anecdotique (un siège qui ne bouleverse pas les équilibres de l’Assemblée), mais un psychodrame qui a duré toute la nuit. Voilà comment pourrait se résumer la victoire de la dissidente socialiste Martine Froger, au deuxième tour de l’élection législative partielle en Ariège face à l’insoumise Bénédicte Taurine ce dimanche 2 avril.

Un duel des gauches dans ce bastion historique socialiste dont l’issue a largement dépassé les frontières de cette famille politique, tant celui-ci symbolise les tensions nationales et conforte les postures de chaque camp. Premier étage de ce millefeuille politique : la division de la gauche et le réveil des fantômes du dernier Congrès du PS.

Olivier Faure contesté

Car pour les socialistes anti-NUPES, cette victoire porte un sacré coup (si ce n’est le coup de grâce) à la ligne portée par Olivier Faure, accusée de se ranger derrière la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

« Suivre aveuglément un homme ne peut être le barycentre de la gauche, sauf à se complaire dans une culture minoritaire et contestataire. Il y a une alternative possible pour notre pays avec une gauche sociale, écologiste, laïque et européenne. La seule demain à pouvoir battre l’extrême droite », s’est félicitée dans un tweet la présidente socialiste de la région Occitanie, qui s’est personnellement engagée dans cette élection.

En parallèle, tous les ex-poids lourds du PS hostiles à la ligne portée par Olivier Faure applaudissaient cette victoire, de Jean-Christophe Cambadélis à Bernard Cazeneuve en passant par Stéphane Le Foll. Tout comme le concurrent du Premier secrétaire du PS lors du dernier Congrès, le maire de Nantes Nicolas Mayer-Rossignol.

Des « zombies », cingle sur Twitter le député insoumis Bastien Lachaud, une « lamentable combine politicienne » ajoute Jean-Luc Mélenchon. La direction du Parti socialiste, qui soutenait officiellement l’insoumise au nom du respect de l’accord électoral signé au mois de juin, n’a pas mâché ses mots, dénonçant une « victoire à la Pyrrhus » obtenue avec le concours de la droite et de l’extrême droite locale.

« Avec 11 758 voix ce soir, Martine Froger fait plus que doubler son score du 1er tour (5 742 voix - 26,42 %). Sauf à penser que la gauche représente 100 % des voix en Ariège, cette progression de 6 016 voix entre les deux tours doit évidemment beaucoup au report des voix de la candidate de Renaissance (2 323 voix, 10,68 %) - qui avait explicitement appelé à voter pour la candidate dissidente PS -. Mais chacun comprendra aisément que cela ne suffit pas à expliquer ce score », déplore dans un communiqué le parti d’Olivier Faure, soulignant que le candidat RN était arrivé en 3e position au premier tour.

Et la formation à la rose d’appuyer là où ça fait mal : « les félicitations du ministre de la réforme des retraites qui salue ce soir la victoire de Martine Froger, sont un affront aux millions de Françaises et Français qui manifestent depuis des mois ».

De quoi faire sortir de ses gonds Michaël Delafosse, le maire de Montpellier, également hostile à la Nupes : « Ce soir au lieu de saluer la victoire d’une députée socialiste en Ariège, il calomnie et porte une analyse scandaleuse. C’est indigne du mouvement socialiste, de son histoire et assurément de son avenir ». Ambiance.

Confusion

N’en déplaise à l’édile montpelliérain, tout l’état-major Renaissance a bien applaudi l’élection de Martine Froger. « Sa nette victoire face à la France insoumise envoie aussi un message clair : oui, il existe un espace pour une gauche de gouvernement dont l’honneur et les valeurs ne sont pas solubles dans la Nupes », s’est félicité le patron du parti présidentiel, Stéphane Séjourné.

En embuscade, plusieurs ministres ont exprimé également leur joie, alors que — théoriquement — la dissidente socialiste est censée siéger avec l’opposition. C’est notamment le cas d’Olivier Dussopt et Clément Beaune (issus de la gauche), mais également du ministre en charge des relations avec le Parlement, Franck Riester, issu des Républicains.

Aujourd’hui soutien d’Emmanuel Macron, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a également livré son analyse du scrutin. « Il semble bien qu’un front républicain anti Nupes est en cours de constitution… », a-t-il tweeté, dressant ainsi un parallèle douteux avec la formation de Jean-Luc Mélenchon et le Rassemblement national. Un élément de langage repris par le député Renaissance Damien Abad. Ce qui a fait bondir du côté de la Nupes.

« Merci à Jean-Pierre Raffarin pour son honnêteté. Il révèle que pour Emmanuel Macron et ses soutiens, le ’front républicain’ s’applique désormais à la gauche et plus à l’extrême droite. Pensée amicale pour Bénédicte Taurine, dont la défaite est le fruit de l’union des droites », a réagi dans un tweet le député écolo Aurélien Taché (ex-LREM).

Dans cette grande confusion à ciel ouvert, le Rassemblement national est également intervenu pour compléter le tableau. Député RN de l’Yonne, Julien Odoul a, lui aussi, salué la victoire de la dissidente socialiste. « Bravo aux électeurs de l’Ariège qui après avoir éliminé la candidate de Macron au 1er tour, ont dégagé la candidate de l’extrême gauche qui a fait le jeu du pouvoir en empêchant le vote sur la réforme des retraites. Une députée LFI en moins c’est une victoire pour la République ! », a-t-il applaudi. Ce qui a immédiatement fait réagir Olivier Faure : « le RN a parfaitement compris que sa dédiabolisation passe par la diabolisation du rassemblement de la gauche et des écologistes ».

Un prochain épisode ?

Reste qu’une question se pose : où Martine Froger va-t-elle siéger ? Valérie Rabault, ex-présidente du groupe PS à l’Assemblée et députée de Tarn-et-Garonne, plaide pour son intégration au sein du groupe aujourd’hui présidé par Boris Vallaud.

Au PS, on voit pourtant mal comment intégrer une élue anti-Nupes dans un groupe qui fait justement partie de l’intergroupe de la Nupes. À ce sujet, la direction du PS était on ne peut plus claire dans son communiqué post-résultats : « l’union de la gauche comme l’intergroupe de la Nupes à l’Assemblée nationale perdent une députée ».

Ce qui ne devrait pas démonter le camp de Nicolas Mayer-Rossignol, qui selon Libération s’apprête à lancer une pétition interne au Parti socialiste pour réclamer son intégration au groupe PS. La décision reviendra aux députés socialistes. Nul doute que l’issue de cette délibération interne offrira un nouvel épisode à cette élection législative partielle.

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