Avec l’élection de Jordan Bardella, le RN change de tête mais pas de costume

Marine Le Pen et Jordan Bardella lors du Congrès du RN le 5 novembre 2022.
ALAIN JOCARD / AFP Marine Le Pen et Jordan Bardella lors du Congrès du RN le 5 novembre 2022.

POLITIQUE - Un nouveau visage mais une stature qui ne bouge pas d’un pouce. Jordan Bardella, élu ce samedi 5 novembre à la présidence du Rassemblement national, incarne « la nouvelle génération » que Marine Le Pen est « fière d’avoir fait émerger ». Mais derrière cette volonté de changement et les seulement 27 ans du nouveau patron, le Rassemblement national n’en reste pas moins rattrapé par son lourd passé.

Ce 18e congrès, organisé à la Maison de la Mutualité à Paris, marque un moment symbolique pour le Rassemblement National : pour la première fois de son histoire, ce n’est plus un membre de la famille Le Pen qui le dirige. Onze ans après avoir hérité du parti de son père, Marine Le Pen entend désormais se consacrer à la direction des 88 députés du groupe RN et c’est à Jordan Bardella, eurodéputé, que les adhérents ont choisi de confier les rênes.

Son élection, au même titre que celle de dizaines de députés RN, s’inscrit dans le cadre de « la mue » du parti d’extrême droite. « Le Front National est devenu le Rassemblement National, qui a fait entrer le mouvement national de plain-pied dans le 21e siècle. Il est aujourd’hui en mesure d’offrir un projet d’alternance, réfléchi, viable et complet », se félicite ce samedi la désormais ex-présidente du parti, avant l’annonce des résultats.

Traduction : le parti a fait peau neuve, Marine Le Pen l’assure. Mais son affirmation se voit mise à mal aussi bien par le dernier épisode du RN dans l’hémicycle que par la recomposition des instances du parti ce samedi.

Le RN épinglé pour racisme à l’Assemblée

Dans son discours ce samedi, Marine Le Pen n’a fait aucune référence claire aux dernières 24 heures de ses députés au Palais Bourbon. Et pourtant… Vendredi, le député de Gironde Grégoire Fournas a écopé de la sanction la plus lourde pour des propos racistes tenus lors des Questions au Gouvernement.

Cette séquence, puis, les tweets ensuite exhumés sur son profil Twitter et la défense de l’intéressé et celle de ses collègues, n’ont fait qu’alimenter les accusations en racisme à l’encontre des membres du RN. Un coup dur pour le clan Le Pen : après des mois passés à tenter d’acquérir une respectabilité parlementaire, il s’est retrouvé isolé sur son banc au sens propre comme figuré. Lors du vote de la sanction, les députés du Rassemblement national se sont retrouvés seuls assis à l’extrême droite de l’hémicycle, alors que les autres députés s’étaient tous levés pour voter pour.

« Le vernis craque », a dénoncé le député Renaissance Sylvain Maillard. « L’extrême droite a montré son vrai visage », a abondé sa collègue insoumise Mathilde Panot.

À l’Assemblée, « la cravate ne cache pas l’extrême droite. C’est un coup de canif à cette image de responsabilité, de respectabilité, de parti de gouvernement qu’a voulu construire le RN », expliquait à l’Agence France Presse le directeur général de l’institut de sondage Ifop Frédéric Dabi le 4 novembre.

Des instances renouvelées (à moitié)

Las pour Marine Le Pen, il n’y a pas qu’à l’Assemblée que le Rassemblement national a du mal à faire vraiment peau neuve. Ce samedi, le renouvellement des trois instances principales du parti n’a pas vraiment mis à l’honneur les nouveaux, bien au contraire.

Au bureau exécutif, instance la plus puissante, Jordan Bardella promet « du renouvellement » mais a choisi des figures bien connues et parfois très anciennes du parti : Sébastien Chenu, Jean-Paul Garraud, Louis Aliot, David Rachline, sans oublier bien sûr Marine Le Pen. À l’exception de Jean-Paul Garraud, tous étaient déjà membres de ce bureau en 2018, lorsque le FN est devenu le RN et n’ont jamais quitté les sphères de pouvoir du parti depuis. D’autres comme Edwige Diaz et Jean-Paul Garraud ont rejoint le bureau lors du congrès suivant. Tous sont aussi membres du Conseil national, deuxième instance de moindre importance, où siègent une quarantaine de personnes, dont Wallerand de Saint Just, Jean-Lin Lacapelle, Julien Odoul ... Encore des fidèles du parti et des habitués de ces instances depuis plusieurs années.

Seulement deux nouveaux visages ont fait leur entrée au bureau exécutif ce samedi : Julien Sanchez et Gilles Pennelle, déjà membres du bureau national, la deuxième instance du parti, l’année précédente. Seul manque le nom de Steeve Briois, ancien vice-président du parti, désormais en colère car écarté de ces cercles dont il a longtemps fait partie. Et bien sûr, ceux qui, comme Nicolas Bay, ont rejoint Éric Zemmour.

Derrière des promesses de changements, le premier discours de Jordan Bardella cache mal la continuité : le nouveau chef du RN a martelé sa loyauté à Marine Le Pen, disant « sa fierté et sa reconnaissance de travailler pour elle et à ses côtés ». S’il a changé de veste, le Rassemblement national conserve la même chemise.

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