L’école inadaptée face au handicap : le cri d’alarme de la Défenseure des Droits

Saisie par de très nombreux parents, Claire Hédon publie un rapport dans lequel elle demande au système scolaire de s’adapter au handicap, plutôt que l’inverse.

ÉCOLE - Un cri d’alarme sur une inégalité réelle. Des enfants handicapés déscolarisés faute d’accueil approprié, des accompagnants d’élèves précaires, peu formés, parfois absents : la Défenseure des Droits Claire Hédon appelle, dans un rapport, à mieux adapter l’école aux besoins des élèves en situation de handicap.

Des parents qui espèrent depuis des mois une aide pour que leur enfant handicapé soit scolarisé, d’autres « épuisés par des appels quasi hebdomadaires de l’école » parce qu’il « serait préférable qu’ils le gardent à la maison »… Ces réclamations représentaient en 2021 près de 20 % des saisines adressées à la Défenseure des Droits dans le domaine de droits de l’enfant.

Des moyens et des bras, mais pour quelle efficacité ?

Avec l’impulsion donnée ces dernières années à l’école inclusive, 400 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire en 2021, en hausse de 19 % sur cinq ans, selon ce rapport qui a été publié ce lundi 29 août et que l’AFP a pu consulter la veille. Pour les aider, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) recrutés par l’Éducation nationale, 125 000 en 2021, ont vu leur nombre augmenter de 35 % sur 5 ans.

En conclusion du rapport, la Défenseure des droits souligne malgré tout le décalage persistant « entre l’augmentation des moyens humains et financiers » et « le nombre grandissant d’enfants dont les besoins sont très largement non ou mal couverts ».

« Ce qui nous a frappés dans les réclamations reçues ces derniers mois et qui sont en augmentation, ce sont les attributions d’AESH qui ne sont pas appliquées faute de moyens financiers et humains », relève la Défenseure des Droit dans un entretien à l’AFP. « Or, les conséquences sont dramatiques pour l’enfant : non-scolarisation, déscolarisation, ou très peu d’heures de cours », relève Claire Hédon, qui réclame des « statistiques plus fines sur le temps de scolarisation effective » de ces élèves aux besoins spécifiques.

La Défenseure recommande également « d’inscrire dans les budgets de chaque année scolaire une enveloppe prévisionnelle pour les demandes d’AESH en cours d’année », dont beaucoup sont refusées par les établissements scolaires faute de budget. Elle recommande aussi que les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui notifient le besoin d’une AESH, se fondent exclusivement sur les besoins de l’enfant, et pas sur le manque de moyens de l’académie.

Gestion RH plutôt que besoins des enfants

Des situations remontées au Défenseur des Droits font apparaître que certains Pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial), qui coordonnent les aides humaines, « font primer la gestion des ressources humaines sur la réponse aux besoins de l’enfant ».

Les AESH, dans leur grande majorité des femmes, ne sont pas assez formés, parfois peu intégrés aux équipes pédagogiques, ont des missions insuffisamment définies, et parfois peu de relations avec les parents. En particulier, « elles ont besoin d’être formées aux différentes formes de handicap car on ne prend pas en charge de la même manière un enfant autiste et un élève dys », relève Claire Hédon.

Le statut des AESH, rémunérés par l’Éducation nationale, a été amélioré ces dernières années, mais ils ont toujours des temps partiels (24 heures par semaine), avec des salaires autour de 800 euros. Le rapport pointe en particulier les difficultés du temps périscolaire, comme la cantine, où les intervenants sont rémunérés par les collectivités locales.

« L’intérêt supérieur de l’enfant » doit primer

« Des AESH seraient partantes pour couvrir le temps périscolaire mais on affecte quelqu’un d’autre, car cela ne dépend pas du même budget et des mêmes acteurs », au détriment de « l’intérêt supérieur de l’enfant » qui a besoin de stabilité, relève encore Claire Hédon.

Plus généralement, la Défenseure des Droits souligne que le système éducatif doit s’adapter aux élèves en situation de handicap et pour cela mieux former les enseignants à les prendre en charge, au lieu de compter uniquement sur les AESH. L’attribution d’un AESH n’est « ni un préalable, ni une condition à la scolarisation de l’élève », rappelle la Défenseure des Droits.

Le rapport cite l’exemple d’un enseignant qui se trouvait face à un enfant ne parvenant pas à comprendre les consignes. Il a décidé d’adapter son enseignement à cet enfant et s’est aperçu que cela bénéficiait à l’ensemble des élèves. « C’est à l’école de s’adapter… Et ce que l’on voit, c’est qu’on demande à l’enfant de s’adapter à l’école », conclut Claire Hédon.

VIDÉO - Géraldine Maillet évoque le handicap de sa mère dans TPMP