Législatives: la France face à un choix historique

Les Français ont commencé à voter dimanche en métropole pour le premier tour d'élections législatives à grand suspense qui pourrait ouvrir la voie à l'accession de l'extrême droite au pouvoir dans une semaine.

Après certains territoires d'Outre-mer dès samedi, les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 en métropole.

"Ce ne sont pas des élections faciles, les résultats sont très incertains, les répercussions peuvent être graves pour la société", a commenté à Bordeaux Julien Martin, architecte de 38 ans.

"Je suis très inquiète, je ne comprends pas ce qui se passe, pourquoi on en est arrivé là", a relevé Amalia, une dessinatrice qui a fait la fête cette nuit et décidé d'aller voter avant d'aller se coucher.

Certaines personnalités politiques se sont aussi rendues aux urnes dès l'ouverture. Marine Tondelier, la cheffe des écologistes, a voté à Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, l'ancien Premier ministre Edouard Philippe dans sa ville du Havre.

Les députés insoumis sortants, Raquel Garrido et Alexis Corbière, qui ont fait campagne sous la bannière du Nouveau Front populaire contre des candidats officiels de La France insoumise, ont voté à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis.

Les Français peuvent se rendre aux urnes jusqu'à 18H00 ou 20H00 dans les grandes villes, heure à laquelle se dessineront les premiers résultats de cette élection susceptible de bouleverser le paysage politique.

Incarné par le visage lisse de Jordan Bardella, 28 ans, le Rassemblement national caracole dans les sondages, qui le créditent de 34 à 37% des intentions de vote, avec la perspective inédite d'obtenir une majorité relative ou absolue le 7 juillet, au soir du second tour.

Selon ces enquêtes d'opinion, à prendre avec précaution tant l'incertitude demeure élevée, le parti lepéniste devance l'alliance de gauche du Nouveau Front populaire, donnée entre 27,5 et 29%, et le camp présidentiel, relégué autour de 20 à 21% des intentions de vote.

Si Jordan Bardella entrait à Matignon, ce serait la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale qu'un gouvernement issu de l'extrême droite dirigerait la France. Le président du RN a toutefois prévenu qu'il n'accepterait le poste de Premier ministre que si son parti détient la majorité absolue.

Dans le cas contraire, le risque d'une Assemblée bloquée, sans possibilité d'alliance entre des camps très polarisés, est réel, un scénario qui plongerait la France dans l'inconnu.

Emmanuel Macron avait provoqué un séisme politique le 9 juin, en prononçant, à la surprise générale, après la déroute de son camp aux européennes, la dissolution de l'Assemblée nationale, un pari ultra risqué.

Malgré ses divergences en interne, la gauche était parvenue dans les jours suivants à ressusciter un accord de coalition. Mais les différends entre La France Insoumise et ses partenaires, sur le leadership contesté de Jean-Luc Mélenchon notamment, ont vite ressurgi et souvent parasité la campagne de ce Nouveau Front populaire.

Pendant ce temps, rien n'a semblé freiner la dynamique du Rassemblement national en campagne sur le pouvoir d'achat et contre l'immigration: ni le flou sur l'abrogation de la réforme des retraites d'Emmanuel Macron, ni les polémiques sur les binationaux, ou les propos sulfureux de certains candidats RN sur les réseaux sociaux.

- Forte participation -

Les Français déjoueront-ils les pronostics des sondeurs à l'issue de ces trois semaines de campagne éclair ?

Une forte participation est attendue. Elle pourrait s'établir autour de 67% des quelque 49 millions d'inscrits sur les listes électorales, largement supérieure aux 47,51% du premier tour des législatives 2022.

Plus de 2,6 millions de procurations ont été établies depuis le 10 juin, selon le ministère de l'Intérieur, un nombre quatre fois supérieur à celui d'il y a deux ans sur une période comparable.

Et, en Nouvelle-Calédonie, à la mi-journée dimanche, 32,4% des électeurs avaient déposé leur bulletin dans l'urne, une forte augmentation par rapport aux législatives de 2022 où le taux de participation à midi était de 13,06%. "Ca va être décisif pour le pays (...), mais je ne sais pas si tout le monde va jouer le jeu", a commenté Cassandre Cazaux, une infirmière "née ici" et qui se "considère calédonienne".

Hausse également de la participation à midi locale en Polynésie française: 18% contre 15,8% en 2022.

Les enseignements du premier tour pourraient être difficiles à tirer, tant les inconnues sont nombreuses. A commencer par le nombre de triangulaires dimanche soir, attendu en très forte hausse là encore, et le nombre de désistements durant l'entre-deux tours, alors que la constitution d'un front républicain contre l'extrême droite ne cesse de se fissurer au fil des années.

- "La plus grande clarté" -

A gauche, écologistes, socialistes et communistes ont annoncé qu'ils se retireraient si un candidat est mieux placé pour faire barrage au RN. A La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon demande aux électeurs de ne pas donner de voix aux lepénistes, mais sans parler de désistements. Son parti devrait préciser dès dimanche soir sa position pour le second tour.

Mais c'est chez les macronistes que la pression est la plus forte. Emmanuel Macron a promis jeudi "la plus grande clarté" sur l'attitude à suivre, mais semblait jusqu'ici plutôt pencher pour un "ni RN, ni LFI", fustigé par la gauche et critiqué jusque dans son propre camp.

Lundi, il réunira le Premier ministre Gabriel Attal et les membres du gouvernement à l'Elysée, selon des sources ministérielles. Les questions des désistements et la stratégie face au Rassemblement national seront forcément au menu des discussions.

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