Législatives 2024 : Ce qui se joue derrière l’éviction de Garrido, Simonnet et Corbière des investitures LFI

À Montreuil, lors du premier meeting de campagne du nouveau front Populaire le 17 juin 2024.
LUDOVIC MARIN / AFP À Montreuil, lors du premier meeting de campagne du nouveau front Populaire le 17 juin 2024.

POLITIQUE - « Le Front populaire, ce n’est pas Ruffin, Mélenchon, Faure, Tondelier, Roussel, etc. Le Front populaire, c’est les gens derrière nous », affirmait François Ruffin sur X en marge de la manifestation contre l’extrême droite le 15 juin. Oui mais difficile, à gauche, de faire totalement abstraction des guerres de personnes. Les cas des exclus de l’investiture LFI Alexis Corbière, Raquel Garrido, Danielle Simonnet, Hendrick Davy et Frédéric Mathieu en sont la preuve.

À Montreuil ce lundi 17 juin, le premier meeting des législatives du Front Populaire était placé sous le signe de « l’unité ». Mais derrière le mot d’ordre, les faits parlent d’eux-mêmes : sur scène, François Ruffin réaffirme « plein soutien à son camarade et ami Alexis Corbière » et ironise sur « une élection qui est en fait une primaire de la gauche ». Le député de la Somme ne s’est pas privé de dire tout le mal qu’il pensait de l’éviction par la direction LFI de cinq députés sortants, soutenu par Marine Tondelier « choquée » et Olivier Faure.

Lors du premier meeting, tout le monde tente d’évacuer le sujet pour ne pas porter préjudice à l’alliance. Mais les cruelles réalités s’imposent d’elles-mêmes. Dès le lendemain, ce mardi 18 juin, une vidéo accusant Alexis Corbière de traiter Mathilde Panot de « poissonnière » circule sur X. Elle est relayée par la députée insoumise sortante Caroline Fiat qui en profite pour tacler son collègue. Sauf qu’il s’agit d’un montage. Sur le réseau social, Alexis Corbière raconte la teneur de son échange avec Ian Brossat : élogieux, il portait en réalité sur Danielle Simonnet, une version que le sénateur communiste confirme. Et Corbière de déplorer : « L’accusation a immédiatement été relayée par des comptes proches de la direction LFI, y compris par l’ancienne VP de l’AN », écrit-il sur X. Il assure avoir « téléphoné » à Mathilde Panot et Caroline Fiat pour « leur demander de faire cesser cette machination contre moi ». Et d’ajouter : « Elles ne répondent pas ». Ambiance.

Faire sans le noyau dur de LFI (et Mélenchon)

Étranges échanges pour des élus d’un même mouvement, qui militent ensemble depuis au moins une dizaine d’années et engagés dans une bataille commune… Mais alors, pourquoi tant d’acrimonies ? Derrière les bisbilles internes de la France insoumise, se cache en réalité une question cruciale : construire une alliance gauche unie sans mettre au centre du jeu Jean-Luc Mélenchon et son cercle rapproché qui dirige son mouvement.

Samedi, dans un long récit des négociations à gauche sur la constitution du nouveau Front Populaire, L’Express révélait l’existence d’« un accord tacite » entre socialistes, communistes, écologistes et insoumis frondeurs (Ruffin, Corbière, Garrido, Autain). Le but : créer (d’ici 2027, mais la dissolution a accéléré les choses) une alliance que la direction insoumise serait forcée de rejoindre sous la pression. Et ce, sans pouvoir imposer ses conditions et Jean-Luc Mélenchon à Matignon, dans un contexte où le triple candidat à la présidentielle est perçu comme un repoussoir par ses détracteurs.

La question d’un Premier ministrable à gauche est omniprésente. Et de Fabien Roussel à Olivier Faure, tout le monde se refuse à s’engager sur un nom dès maintenant. Le numéro un du PCF estime le 15 juin sur RTL que « nous sommes plusieurs » à pouvoir y prétendre. Olivier Faure dit ce 18 juin vouloir « un vote » pour arbitrer.

S’ils ne savent donc (officiellement) pas ce qu’ils veulent, ils savent en revanche bien ce qu’ils ne veulent pas. Ou plutôt qui : Jean-Luc Mélenchon. « En toute franchise, lors des premiers porte-à-porte, son nom revient, et avec inquiétude. Et c’est pourquoi je trouve qu’il a raison de se mettre en retrait. Ça semble manifeste qu’il ne sera pas Premier ministre », assume François Ruffin dans un entretien au Courrier Picard le 14 juin. Un casus belli pour les insoumis.

Calmer le jeu mais…

En face en effet, on ne goûte guère la stratégie. Invité de BFMTV dimanche 16 juin, le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard a justifié la radiation des députés sortants en les accusant d’avoir voulu siéger « dans un autre groupe que celui de la France insoumise », ce que dément Alexis Corbière auprès de l’AFP.

En retirant sa candidature dimanche, Adrien Quatennens, poulain de Mélenchon et pressenti pour prendre sa succession avant sa condamnation pour violences conjugales, a de son côté déploré que son investiture « soit utilisée contre la France insoumise et le Nouveau Front populaire pour leur nuire », alors que plusieurs partenaires à gauche dénonçaient un deux-poids deux mesures entre la clémence dont il bénéficiait et la sévérité infligée aux purgés pour crime de lèse-Mélenchon. Lundi soir à Montreuil, sur la terre d’élection de Corbière, l’eurodéputée Rima Hassan a dit son « plein soutien » à sa concurrente Sabrina Ali Benali. Une circo’, une alliance mais deux ambiances.

Qu’en dit le fondateur du parti, Jean-Luc Mélenchon ? Dans sa première prise de parole après la naissance du nouveau Front Populaire, il a assuré ne pas vouloir « s’imposer » sans pour autant « s’exclure ». Avant de réaffirmer, dimanche 16 juin sur France 3 : « Si vous pensez que je ne dois pas être Premier ministre, je ne le serai pas. (...) Je ne serai jamais le problème, je serai toujours du côté de la solution. »

Le triple candidat à la présidentielle affiche donc sa volonté de calmer le jeu, pour le plus grand bonheur des autres cadres de gauche. Mais il ne se prive pas non plus de tacler François Ruffin. Ruffin qui s’est lui aussi dit « capable » d’entrer à Matignon, Ruffin qui était convié aux discussions informelles sur l’avenir de la gauche. Là même où Mélenchon et son cercle rapproché étaient tenus à l’écart.

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