L'éloge de la métamorphose, par le célèbre anthropologue Philippe Descola

Le célèbre anthropologue Philippe Descola poursuit sa réflexion sur les liens entre nature et culture, en particulier dans l'usage des masques par les sociétés animistes.

Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir - La Recherche n°895 daté septembre 2021.

"Ce livre est l'aboutissement d'une troisième expérience. La première était ethnographique. Je l'ai menée dans les années 1970, en Amazonie équatorienne, auprès des Achuar. J'étais parti étudier les rapports que cette société entretenait avec son environnement. Au fil du temps, je me suis rendu compte que la façon dont je me figurais ce projet de recherche était biaisée. Elle était fondée sur un cadre conceptuel propre aux sociétés occidentales, où l'on oppose nature et culture. Or la société achuar dépasse les limites de l'humain, puisque y sont intégrés comme des partenaires sociaux des non-humains : plantes, animaux, esprits, etc.

Quatre modèles d'identification du monde

Cette première expérience m'a conduit à en entreprendre une deuxième, plus livresque et anthropologique. Elle a abouti à un livre, Par-delà nature et culture, où je postule notamment l'existence de quatre modèles d'identification du monde. L'un d'entre eux est l'animisme. Dans celui-ci, on estime que la plupart des existants (cela inclut les ombres, les objets, etc.) ont une intériorité, une âme, une subjectivité, une volonté agissante, qui les rend, d'une certaine façon, analogues aux humains sous certains aspects ; chaque type d'existants a, en revanche, un rapport au monde distinct en raison de sa forme, de sa fonction, etc.

La troisième expérience prolonge cette réflexion théorique. Elle est fondée sur l'idée que, si les quatre modèles que j'ai dégagés à partir de l'étude de textes (mythes, commentaires lors de rites, traités savants, etc.) sont pertinents, on doit pouvoir en retrouver l'indication sous d'autres formes. Or, toutes les sociétés fabriquent des images ; elles rendent visibles par ce biais des choses qui ne le sont pas, soit parce qu'on ne les a pas sous les yeux au moment où l'on en parle, soit parce qu'elles sont difficiles à se figurer. J'ai donc entrepris d'étudier les images en me d[...]

Lire la suite sur sciencesetavenir.fr

A lire aussi