Qui est Kemi Seba, le militant aux millions de vues sur Facebook bientôt déchu de sa nationalité française?

Être déchu de sa nationalité française? "Une médaille pour moi (...) une immense décoration de guerre", répond Kemi Seba. Sur ses réseaux sociaux, l'activiste franco-béninois a affirmé être visé par une procédure de sa déchéance de nationalité, lettre de la Direction générale des étrangers en France à l'appui. Un document authentique, a appris BFMTV auprès d'une source proche du dossier.

Dans cette lettre, les autorités reprochent à cet homme de 42 ans "un comportement et des propos révélant une posture constante et actuelle résolument anti-française, susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts français et de nature à caractériser une déloyauté manifeste à l'égard du pays dont vous avez la nationalité".

"Vous vous livrez, depuis plusieurs années, à divers agissements destinés à attiser, dans les pays d'Afrique de l'Ouest, un sentiment anti-français", y est-il écrit.

Kemi Seba ayant conservé la nationalité béninoise, il ne sera pas apatride en cas de déchéance de la nationalité française. "L'ensemble des conditions propres à initier la procédure de perte de nationalité française étant réunies, le Gouvernement a décidé d'engager à votre endroit cette mesure", peut-on lire dans la lettre envoyée par les services du ministère de l'Intérieur.

Accusé d'être le relais de la "propagande russe"

Suivi par près d'un million et demi de personnes sur Facebook et 250.000 sur Twitter, Kemi Seba se présente comme un "révolutionnaire africain au XXIe siècle" et dit être un fervent défenseur du panafricanisme, mouvement plaidant pour l'indépendance du continent africain.

Dénonçant la "Françafrique", Kemi Seba avance qu'un "système colonial et néocolonial" est toujours en place dans plusieurs pays du continent. Mi-février, il saluait sur son compte Facebook "la dynamique" lancée par "le Niger, le Mali, le Burkina", des pays où des coups d'État ont eu lieu. "D'autres pays vont rejoindre cette dynamique-là, on y travaille fortement".

Kemi Seba est aussi accusé d'être un relais de "la propagande russe", en particulier depuis le début de la guerre en Ukraine. C'est à ce titre que la diffusion d'une émission qui lui était consacrée sur La Chaîne Parlementaire a été annulée en mars 2023.

Kemi Seba est aussi connu pour avoir dirigé la Tribu Ka, groupuscule suprémaciste noir qui avait effectué en 2006 une descente rue des Rosiers à Paris, lançant menaces et insultes antisémites. Ce collectif a d'ailleurs été dissous en 2006 pour antisémitisme. En outre, le franco-béninois a également été un temps proche de Dieudonné.

Un succès à l'étranger et en France

Ces derniers mois, le président de l'ONG "Urgences panafricaines" s'affichait pour des conférences à Téhéran, au ministère iranien des Affaires étrangères, ou à Moscou. Son "Panafrican Agenda" annonçait en décembre 2023 une tournée mondiale: Niger, Guinée, Angleterre, Italie, Brésil, Russie, Venezuela...

Mais Kemi Seba attire aussi les foules en France. En Guyane en février, Kemi Seba a été reçu par deux députés qui siègent dans le groupe du Parti communiste Français (GDR), Jean-Victor Castor et Davy Rimane, par ailleurs président de la délégation Outre-mer à l’Assemblée nationale. La maire de Cayenne lui a remis la médaille de la ville.

En Guadeloupe le même mois, le militant-influenceur dit avoir été écouté lors d'une conférence par 1.500 personnes. Il devait tenir une conférence à Paris le 11 février. Une rencontre annulée au dernier moment, rapporte StreetPress.

"Ils ne font qu'apporter de l'eau à notre moulin"

"C'est une grande médaille que le gouvernement français soit dans une démarche de nous attaquer de cette façon parce qu'il atteste que le combat que nous menons gêne ses intérêts", déclarait Kemi Seba sur le plateau de Russia Today à Moscou le 28 février au sujet de sa potentielle déchéance de nationalité.

"Ils ne font qu'apporter de l'eau à notre moulin. Ça ne nous empêchera pas de faire ce qu'on a à faire. Dans les trois-quarts des pays où on voyage, c'est le passeport béninois que j'utilise", dit Kemi Seba.

"C'est que quand je vais dans les territoires d'outre-mer, en France ou en Europe faire des conférences que j'utilise le passeport français", poursuit-il, jugeant la démarche lancée par le ministère de l'Intérieur comme "un coup d'épée dans l'eau".

"Cette déchéance, c'est un ballon d'or dans le cadre de la géopolitique", lance même le franco-béninois.

L'influenceur dispose d'un peu moins d'un mois pour envoyer "d'éventuelles observations" au ministère de l'Intérieur après avoir reçu la lettre le notifiant de sa future perte de nationalité. À l'issue de ce délai, le Conseil d'État pourra être saisi par le gouvernement: sans avis conforme de l'institution, Kemi Seba, de son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi, restera français.

Article original publié sur BFMTV.com