Karim Bel Kacem, de l’art en barres

Interrogeant l’urbanisme des cités dans une installation plastique et musicale, le metteur en scène a reproduit à l’Athénée les HLM de son enfance à Amiens, promis à la démolition.

C’est une cité constituée de huit barres d’immeubles HLM. Mais ici, devant nous, elle ressemble plutôt à un jouet. Un jeu de construction, précisément, composé de milliers de planchettes Kapla que l’on peut combiner et recombiner de façon à représenter sur scène, en une maquette d’un gros mètre cinquante de haut, ce que beaucoup tiennent pour le cauchemar urbanistique ultime. La violence en kit. Il n’y a qu’à frôler la banlieue en bois d’un peu trop près, la pousser du doigt un peu trop fort, et hop, elle s’effondre sur le plancher comme un château de cartes ou des dominos en sucre. Dans le très beau 23 rue Couperin, la barre Couperin s’effondre ainsi dans un énorme fracas symphonique sitôt le spectacle commencé. Une démolition par anticipation, puisque ce bloc de béton sera réellement détruit en 2019.

Dorures. A Amiens Nord, en effet, les barres Couperin, Mozart et Messager sont bien réelles et forment le quartier dit du «Pigeonnier», 680 logements occupés à 80 % par des familles d’origine maghrébine, l’endroit même où le metteur en scène Karim Bel Kacem, petit frère de l’ancienne ministre de l’Education, a grandi jusqu’à ses 17 ans et «a fait l’amour pour la première fois», précise-t-il. Dans cette œuvre contemplative, qui tient bien plus de l’installation plastique et musicale que de la pièce de théâtre, le quartier de son enfance prend des allures mythologiques, devient une pure fiction, presque un décor décrépit appartenant déjà au passé.

Et tout ici est fait pour nous rappeler à cette fiction, à commencer par le théâtre dans lequel l’artiste a pu présenter le travail. Pas n’importe lequel : le Théâtre de l’Athénée, merveille de théâtre à l’italienne classé monument historique et situé dans le IXe arrondissement de Paris, avec son cadre de scène, sa coupole et ses dorures (1). (...)

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