Jordan Bardella sur TikTok affiche son addiction aux bonbons et ça en dit long sur sa stratégie de com’

Sur TikTok, Jordan Bardella documente sa consommation de bonbons.
Sur TikTok, Jordan Bardella documente sa consommation de bonbons.

COMMUNICATION - C’est une blague récurrente sur le compte TikTok de Jordan Bardella : le leader RN a tout le temps faim. Et pour calmer ses fringales, surtout avant un débat, il a une préférence pour les bonbons. Dans les coulisses d’un événement de campagne, il ouvre un paquet de crocodiles Haribo et explique : « je n’ai pas pris mon goûter ».

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Sous la vidéo, son affection pour les sucreries amuse et séduit les fans de celui qui se rêve déjà Premier ministre. « La simplicité de cette homme [sic] est fascinante vive la France », s’enthousiasme un premier, « des bonbons et de l’eau, ça va il n’est pas difficile à nourrir notre futur président », se félicite une autre. Les comparaisons avec Emmanuel Macron fusent. Et jamais au bénéfice de ce dernier, qu’on « n’a jamais vu manger des bonbons et boire de l’eau, lui c’est champagne et caviar », selon un commentaire.

Plusieurs vidéos montrent ainsi Jordan Bardella boulottant des friandises pour être « galvanisé » avant ses passages télé. Des images apparemment prises sur le vif, en coulisses, mais qui s’intègrent bel et bien dans la stratégie de communication du leader RN sur TikTok, un réseau où il s’adresse à un électorat très jeune.

Dédiaboliser en faisant appel au monde de l’enfance

Pour Pierre-Emmanuel Guigo, spécialiste de la communication politique et maître de conférences en histoire à l’université Paris Est Créteil, documenter de tels moments « participe à la peopolisation du candidat. Il donne ainsi l’impression à ses soutiens de participer à la campagne au plus près. » Une stratégie qui fonctionne puisque sa vidéo « Des bonbons, de l’eau et c’est parti » a été reprise par le site people Gala qui a titré sur « la surprenante addiction » du candidat. « Cela permet aussi de dépolitiser la campagne et d’accompagner la stratégie de dédiabolisation du RN », poursuit Pierre-Emmanuel Guigo.

Et quoi de mieux pour dédiaboliser que de faire appel aux bonbons, snacks préférés des enfants ? Jordan Bardella a sans doute réellement un goût prononcé pour les sucreries, mais la mise en avant de cet aspect de sa personnalité n’a rien d’anodin. « Il y a l’idée de contrer la diabolisation du RN, comme parti d’extrême-droite, en se donnant les artifices du monde de l’enfance », estime Anne Dupuy, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Toulouse 2 et spécialiste de l’alimentation. « C’est-à-dire un monde angélique, forcément inoffensif. Ce que veulent dire ces vidéos, finalement, c’est qu’il ne peut pas être bien méchant, puisqu’il mange des bonbons. »

Plus jeune et moins tradi que la viande

La sociologue de l’alimentation note ici une rupture avec « la rhétorique viriliste et masculiniste qui est généralement l’apanage des partis populistes ». Les hommes politiques ont plutôt tendance à cultiver une image de viandard. Il y a eu la tête de veau de Jacques Chirac ou le barbecue de Fabien Roussel et, plus récemment, le « gastropopulisme » de l’Allemand Markus Söder. Le ministre-président de Bavière, connu pour sa détestation des écolos, documente ses aventures culinaires sur Instagram et est l’auteur de punchlines comme « une vie sans saucisse est possible, mais elle n’aurait pas de sens » ou encore « nous ne sommes pas la République du brocoli ! ».

Jordan Bardella, lui, déguste des paquets de Schtroumpfs et s’enthousiasme devant des cookies. Peut-être une manière « d’attirer un public féminin en se donnant les attributs d’un enfant » ? C’est l’une des pistes évoquées par Anne Dupuy. Nora Bouazzouni, autrice de Steaksisme, en finir avec le mythe de la végé et du viandard (éd. Nouriturfu, 2021), y voit, pour sa part, une manière de s’éloigner du côté « tradi-terroir » de la viande, et de prendre par la même occasion ses distances avec l’image ultra-traditionaliste du RN. « Ça participe à cette stratégie de rajeunissement du parti : “regardez, on mange des bonbons, on est cool !” », analyse la journaliste.

« Il me fait penser à Chirac »

Les bonbons, mine de rien, représentent aussi un plaisir coupable. Sucrés, mauvais pour la santé, réservés aux enfants… Pourtant, Jordan Bardella affiche fièrement ce petit caprice alimentaire. « Il y a quelque chose de subversif dans le fait de manger des bonbons quand on est adulte, et de ne pas culpabiliser en le faisant », estime Nora Bouazzouni. L’autrice va même jusqu’à faire le lien entre cet interdit et un autre : celui qui a longtemps entouré le vote RN. « Il y a un côté contestataire, qui est vraiment à l’image du RN, un parti qui s’affiche antisystème, anti-élite. »

Ce côté anti-élite, Anne Dupuy le souligne aussi, estimant que Jordan Bardella offre, dans ces vidéos, « un autre imaginaire de l’hédonisme populaire », à l’opposé de « l’hédonisme des élites, autour de la gastronomie, de la grande cuisine, des grands chefs. Dans cette stratégie, les produits industriels sont l’incarnation du plaisir accessible à tous, explique la sociologue. Les réactions des followers sont intéressantes à analyser, elles évoquent un sentiment d’appartenance, qui est travaillé dans cette communication politique. »

Car dans les commentaires, force est de constater que la stratégie fonctionne. Beaucoup s’émerveillent : eux aussi ont souvent faim ! Eux aussi aiment les bonbons ! « Moi je vote pour lui car chui comme lui », explique une fan. Et parmi toutes les réactions, une comparaison avec celui qui maîtrisait le mieux la communication politico-gastronomique : « Il me fait penser à Chirac, un bon vivant. »

Un rapprochement sur lequel joue Jordan Bardella. Dans une vidéo publiée ce mardi 2 juillet sur son compte TikTok, les bonbons ont disparu au profit… d’une pomme, fruit fétiche de l’ancien président. Pendant que le politique déguste son snack, un collaborateur s’émerveille hors champs : « Là, c’était chiraquien… manger des pommes ! » Un choix qui en dit long sur les ambitions du leader RN.

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