Joëlle Sicamois : “Attention, checker votre téléphone en donnant le biberon ou la tétée peut avoir de graves conséquences"
Troubles du sommeil, de la vision, déprime, désocialisation : à mauvais escient, les écrans peuvent présenter un grand danger. Face à ce constat, Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’Enfance, a donc rappelé pour Yahoo les conséquences d’un usage excessif des écrans sur les adultes, les adolescents, les enfants mais aussi sur les nouveaux-nés. Un témoignage qui a pour but d’éveiller les consciences.
Alcool, drogues, sexe, alimentation, jeux d’argent ou jeux vidéo… Pour "Addict.e.s", sur Yahoo, anonymes et célébrités ont accepté de briser le tabou de la dépendance. Ils racontent la spirale infernale de l’addiction, l’impact souvent destructeur sur l’ensemble des sphères de leur vie, et le chemin, souvent long et douloureux, vers la sobriété.
Téléphone, ordinateur, jeux vidéo : incontournables au quotidien, les écrans sont devenus envahissants. Selon une récente étude, 6 Français sur 10 seraient accros à leur smartphone, une utilisation intensive jugée dangereuse, notamment pour les interactions sociales. Face à ce terrible constat, Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’Enfance, a tenu à rappeler pour Yahoo les bonnes pratiques à prendre afin de s’en détacher au plus vite et les mauvaises habitudes à proscrire.
Si vous êtes parent, Joëlle Sicamois recommande tout d’abord de faire particulièrement attention au lien d’attachement que vous créez avec votre enfant, un lien qui va permettre de développer son cerveau, de le stimuler et donc de permettre son bon développement. “Cet écran, dès la naissance, il aura un impact sur son développement. Si vous en mettez un entre vous et votre enfant, alors le lien d’attachement sera mis à mal”, explique-t-elle tout en illustrant ses propos avec un exemple de la vie quotidienne.
Profiter du biberon ou de la tétée... pour regarder son téléphone
Comme elle l’explique, beaucoup de parents, lorsqu’ils donnent la tétée ou le biberon, oublient la connexion qui se crée lorsqu’ils se penchent vers eux, une connexion “fondamentale dans le développement de l’enfant, dans le développement de son cerveau”. À la place, ils sont nombreux à profiter de ce moment de “répis” pour checker leur téléphone, un phénomène aux lourdes conséquences. “Si l’enfant cherche votre regard, il ne l’aura pas et donc, ça ne va pas le stimuler et cela va limiter sa capacité à boire à ce moment-là. De plus, le lien d’attachement sera cassé”.
Mais pas de panique, tout est une question d’équilibre. “Si c'est une fois de temps en temps, la conséquence est extrêmement limitée. Mais si c'est fait de façon répétitive et que finalement, cette connexion ne se crée jamais, vous allez avoir un développement neuronal qui va être diminué, qui va être réduit”, prévient-elle, espérant éveiller les consciences.
La sextorsion en ligne de mire
Mais les adultes ne sont malheureusement pas les seuls concernés par cette dépendance. Ces dernières années, la généralisation des usages des écrans s’est confirmée et notamment chez les jeunes. Une surconsommation jugée dangereuse car “de nouveaux risques émergent très régulièrement”, comme le phénomène de la sextorsion qui consiste à extorquer de l'argent en effectuant du chantage à caractère sexuel.
"Ce sont des gens à l'extérieur, parfois même à l'étranger, qui se font passer sur les réseaux sociaux pour des adolescents”, explique-t-elle tout en rappelant le mode opératoire des malfaiteurs. À force de mise en confiance, ces personnes-là parviennent à obtenir des photos intimes de ces adolescents afin de les faire chanter. “Tout à coup, c'est la catastrophe. Il faut s’imaginer dans la tête d’un adolescent qui, en l'espace d'une seconde, voit sa vie basculer”.
Pour elle, ce phénomène doit donc absolument être connu de tous afin qu’il puisse être enrayé. “Si les jeunes le connaissent, ça va leur permettre d'être davantage prudents”. La vigilance est donc de mise : “Quand ils sont contactés par quelqu'un qu'ils ne connaissent pas sur les réseaux sociaux, grande, grande prudence. Il ne faut jamais envoyer des photos de soi nu", rappelle-t-elle.
En parallèle, Joëlle Sicamois met en garde contre tous les risques liés à la pornographie, des risques auxquels les plus jeunes sont confrontés et ce, dès la primaire par “les grands frères”, “les grandes sœurs” ou bien par les téléphones portables dotés d’aucun contrôle parental. Enfin, elle tient également à se méfier du scrolling qui consiste à faire défiler son écran à l’infini. En effet, grâce à de nombreux algorithmes, les utilisateurs sont incités à rester le plus longtemps sur le réseau social, un “puits sans fond”.
Pour contrer cette mauvaise habitude, des discussions doivent donc avoir lieu au sein même des familles pour “mettre en place des règles” comme par exemple ne pas regarder son téléphone avant de s’endormir. “c’est fondamental pour la qualité du sommeil et on sait à quel point les jeunes adolescents ont besoin d’un sommeil réparateur pour bien grandir et pour devenir des adultes les plus épanouis possibles”.
Lorsqu’ils sont mal utilisés ou surutilisés, ils vont également avoir un impact négatif sur la capacité d’apprentissage et de concentration, un phénomène aux lourdes conséquences, notamment au niveau de la scolarité. “C’est donc une discipline à mettre en place dès le plus jeune âge”, explique-t-elle tout en rappelant un point fondamental, souvent oublié. “Ce qui favorise la création, l’imaginaire, c’est l’ennui et aujourd’hui, les écrans ne laissent plus aucune place à l’ennui. On ne sait plus patienter sans faire autre chose que de regarder son téléphone”.
Pour elle, il faut donc “réapprendre l’ennui”. “L’être humain a quelque chose d’extraordinaire, c’est qu’il va trouver des choses à faire, il va imaginer des choses”, conclut-elle, rappelant que les plus grandes créations sont “quand même beaucoup liées à l’ennui”.