JO de Paris 2024: le rêve d’or des rugbywomen tricolores

Ce sont elles les figures de proue du rugby français aux JO. Les Bleues du 7 seront à Paris avec le statut de vice-championnes olympiques. Mais ce n’est pas l’argent qu’elles viendront chercher en juillet prochain. Carla Neisen et ses coéquipières comptent bien décrocher l’or à la maison. Et avant les Jeux, c’est sur le circuit mondial qu’elles veulent glaner un titre historique. Les Françaises ont rendez-vous ce week-end à Los Angeles sur la cinquième étape du World Sevens Series.

Les Bleues ont débarqué sur la côte californienne avec une rage qu’elles ont rarement – si ce n’est jamais – eue, de l’aveu même de leur sélectionneur David Courteix. Elles sont sorties du terrain le visage fermé après la finale perdue (19-35) contre la Nouvelle-Zélande dimanche dernier à Vancouver. “C’est vrai que la sortie du terrain a été compliquée, confirme la capitaine Carla Neisen. On était très frustrées du résultat parce qu’on avait à cœur d'aller chercher cette médaille d'or. Les Black Ferns ont fait un très bon match. On était privées de ballon sur la première mi-temps, ce qui ne nous a pas permis de faire basculer le match.”

"C’est la première finale perdue avec autant de frustration et de colère", confie Camille Grassineau

“La deuxième place reste une belle performance, consent Joanna Grisez, surtout après avoir fini sixième à Perth. Mais aujourd'hui on vise vraiment la médaille d'or, on bat tout le monde sur le circuit et on bute sur cette dernière marche en finale. On a l'impression que le match n’est pas totalement à notre image, en tout cas pas en première mi-temps, et ça nous laisse un goût amer. Ce n’est pas abouti, on n'a pas réussi à mettre totalement notre jeu en place. La frustration vient de là.”

L’or, un plafond de verre pour les Bleues?

Même constat du côté de Camille Grassineau qui voit dans cette nouvelle finale perdue un élément de motivation supplémentaire. “C'est la première finale avec autant de frustration et de colère parce que c'est encore une occasion de perdue. Ça ne suffit plus en fait, tout simplement. On ne veut plus de la médaille d'argent et c’est plutôt bon signe ! Ça veut dire qu’on a envie et surtout qu’on a les armes pour aller plus loin.”

"On a oublié ce quelque chose de viscéral, d’animal qui ressemble à notre rugby", Joanna Grisez sur la finale perdue contre la Nouvelle-Zélande à Vancouver

Il faut dire que les Bleues sont troisièmes au classement mondial derrière les Australiennes et les Néo-Zélandaises. Sur les quatre premiers tournois de la saison, elles se sont systématiquement qualifiées en quart de finale. Une performance rare à ce niveau, nous rappelle-t-on au sein du staff. Mais alors comment expliquer que le palmarès tricolore reste vierge de médaille d’or? Existe-t-il un plafond de verre que les Françaises n'ont pas encore réussi à briser?

Sur ce point, les joueuses n’ont pas toutes la même lecture. Mais elles ont toutes conscience que le facteur mental joue. “C'est difficile de mettre des mots dessus, explique Joanna Grisez. Je pense qu’il nous manque un tout petit déclic. Ce petit supplément d'âme qui fait partie de notre jeu. On a besoin de mettre beaucoup d'agressivité pour s'y retrouver. On a besoin d’évoluer dans le brouhaha, dans l’agressivité, dans un jeu presque imparfait. C’est là-dessus que l’on se retrouve. Là, on a voulu être trop propres sur nos principes de jeu. On a oublié ce quelque chose de viscéral, de très animal qui ressemble à notre rugby.”

"On en a tellement envie que ça nous joue peut-être des tours", Carla Neisen.

Camille Grassineau, elle, n’adhère pas à l’idée d’un blocage mental en finale. “Je n’ai pas la sensation que ça s’est passé dans la tête. Je pense qu'on a été mises en difficulté en défense, on n'était pas autant en place que sur certains matchs. On a aussi été beaucoup pénalisées contre l’Australie (en demi-finale), ce sont des choses qui coûtent cher à 7. Les matchs sont très courts donc la moindre erreur coûte très cher.”

Comme Camille Grassineau (Joanna Grisez s’est blessée avant la compétition), Carla Neisen était du voyage pour décrocher la médaille d’argent aux Jeux de Tokyo en juillet 2021. Les Bleues ont perdu en finale contre... la Nouvelle-Zélande (12-26). Alors après une nouvelle finale perdue contre les Black Ferns à Vancouver le week-end dernier, la capitaine tricolore le concède : le mental est un élément de réponse. “On en a tellement envie que ça nous joue peut-être des tours. Mais je n’arriverais pas forcément à l'expliquer. On les a déjà battues, en match de poule, en demi-finale donc pourquoi pas en finale ?”.

Des années galère au podium olympique

“Il faut que l’on arrive à se dire “Maintenant c’est pour nous””, résume la joueuse de Blagnac. Et à en croire le staff français, les Françaises ont rarement été aussi remontées que cette semaine. “J’ai une espèce de colère qui est encore là, confie Camille Grassineau. Alors qu’est-ce qu'on en fait ? J'ai bien envie de la garder pour ce weekend !”

Les Françaises sont dans une poule très resserrée à Los Angeles ! Elles entameront leur tournoi face aux Japonaises, avant d’affronter les Irlandaises qui ont remporté le tournoi de Perth (Australie) fin janvier. Elles boucleront leur phase de groupe face aux leaders australiennes qui ont glané deux médailles d’or (Dubai, Le Cap) et l’argent chez elles à Perth.

Une concurrence qui n’impressionne pas les Bleues. L’une des forces de cette équipe de France, c’est la qualité de toutes les joueuses qui la compose. Le sélectionneur David Courteix ne s’en cache pas : il veut constituer deux équipes en une pour être capable de changer de composition d’équipe - et donc de gérer le temps de jeu des joueuses – presque à chaque match.

"On était très loin du monde professionnel. On allait dans les tournois, on se faisait exploser", rappelle Camille Grassineau

L’autre force du groupe tricolore, c’est son histoire. L’équipe s’est créée dans les années 2000 sous la houlette de Frédéric Pomarel avec une première participation à la Coupe du monde de rugby à 7 en 2009 à Dubaï. Mais c’est l’actuel sélectionneur David Courteix qui en a fait ce qu’elle est aujourd’hui avec plusieurs doyennes du rugby à 7 comme l’emblématique capitaine Fanny Horta (qui a pris sa retraite après Tokyo). Des années de galères sportives mais aussi financières. Les voyages plus que précaires pour participer aux tournois partout dans le monde, la négociation des tout premiers contrats fédéraux (aujourd’hui, une vingtaine de joueuses sont sous contrat avec la FFR jouer en équipe de France).

"On était très loin du monde professionnel, confirme Camille Grassineau. On avait déjà cette envie de performer, mais on n'avait pas les armes. Franchement, on allait dans les tournois, on rentrait, on se faisait exploser. Ce n'était pas évident à encaisser. Et puis il y a eu l’arrivée de Fanny Horta et de Rose Thomas qui ont négocié les contrats pour préparer les Jeux de Rio. Une grosse marche a été franchie à partir de ce moment-là.”

"On n’a jamais eu un collectif aussi riche et aussi fort", résume Joanna Grisez

La joueuse du Stade Français qui a aussi vu la création de l’Académie olympique au sein de la FFR pour former notamment les jeunes joueuses à 7. “Je pense que c'est ce qui fait maintenant notre profondeur de banc. Les filles arrivent, elles ont 18 ans et elles savent tout faire.”

Joanna Grisez abonde. “Aujourd’hui on est à la croisée des chemins. Il reste des filles de la génération qui a dû construire cette équipe, négocier les premiers contrats fédéraux. C’est hyper important dans l’histoire de notre équipe. Et puis il y a ces filles qui, à 18 ans, jouent déjà depuis 10 ans au rugby et qui arrivent avec la fraîcheur et l’insouciance. Elles ne se posent pas de questions, elles sont là pour performer." Et d’ajouter: “On n’a jamais eu un collectif aussi riche et aussi fort qui a la capacité de tout gagner.”

Article original publié sur RMC Sport