JO de Paris 2024, Badminton: "Notre proposition de sortie de crise, c'est de qualifier les deux paires françaises", souhaite le président de la Fédération française

Yohan Penel, on ne vous a pas encore entendu sur cette affaire. Quelle a été votre réaction la semaine dernière lors de la modification de classement?

Avant toute chose, il y avait cette réaction extrêmement joyeuse par rapport aux résultats de l'équipe de France sur les championnats d'Europe, puisqu'on décroche les deux premiers titres européens de l'histoire. Et cette information a été complètement annulée par l'erreur de calcul de la BWF. Il y a, à la fois un sentiment d'injustice et de scandale et puis un sentiment d'injustice aussi parce qu’on a l’impression qu'on nous vole. Et on n'a pas eu le droit au traitement médiatique pour ces performances exceptionnelles. Donc effectivement, à double titre, on est très en colère par rapport à ça.

Depuis, il y a eu le communiqué de la BWF, qui reconnaît une erreur et s’en justifie. Comment avez-vous réagi?

Dès la parution de ce classement modifié, on s'est mobilisés pour demander des explications. Elles sont arrivées trois jours plus tard avec ce communiqué de presse inhumain. Qui explique qu’effectivement, il y a eu une erreur. Elle a été corrigée un an plus tard et circulez il n’y a rien à voir, c'est comme ça et pas autrement. Donc effectivement, ça dénote une certaine rigidité de la fédération, mais surtout une inhumanité qui tranche avec des destins et des aventures extraordinaires que vivent nos athlètes de haut niveau tout au long de l'année. Et la BWF ne doit pas oublier que sans les athlètes, il n'y a plus de fédération internationale.

Parce que son modèle économique repose sur les dizaines, voire les centaines, d'événements internationaux qui ont lieu toute l'année et qu’il est impossible, aujourd'hui, de manquer de respect de cette manière-là. Tout le monde a le droit de se tromper et je n’ai pas de problème avec le fait qu'il y ait une erreur de commise dans un algorithme qui doit tenir compte de changement de règlement régulier. Cependant, il n’est pas entendable qu'on fasse des modifications un an après. Si ces modifications étaient intervenues au cours de la qualification olympique au courant de l'année 2023, il n'y aurait eu aucun problème. Là, le problème c'est que de un: sur la forme, ça se fait en catimini, sans prévenir personne. Deux, c’est un changement de point attribué un an après sans jamais reconnaître que cette erreur sur le premier tournoi de la qualification olympique a faussé absolument toute la qualif.

Qui a faussé les entrées sur les tournois, a faussé l'attribution des têtes de série, a faussé les stratégies des uns et des autres parce que là, évidemment, Ronan et Lucas, c'est ce qui ressort parce qu’ils étaient qualifiés, ils ne le sont plus. Mais c'est plus d'une cinquantaine de paires qui ont été impactées par ces modifications. Donc là c'est un chamboulement dans tout le classement mondial. En revanche, les seuls dont le statut olympique est modifié, c'est Lucas et Ronan. Face à ça, il est inconcevable de se contenter de ce genre de communiqué de presse laconique et de passer à autre chose.

Depuis, avez-vous eu des échanges avec la Fédération Internationale?

Pas du tout. Enfin oui et non. Au sens où nous, notre travail depuis une semaine, c'est d'éplucher tous les règlements de la BWF pour trouver des failles et puis pour faire les choses proprement pour trouver les modalités de recours et déposer ces recours en coordination avec l'avocat des athlètes et avec le service juridique du CNOSF. Puisque c'est le CNOSF, in fine, qui va sélectionner les joueurs dans les différentes disciplines. Donc on a voulu prendre le temps, ne pas se précipiter, ne pas louper des étapes et trouver des leviers dans les règlements de la BWF qui montrent qu'elle n'a pas vérifié et appliqué ses propres règlements sur certains aspects et donc de déposer une réclamation officielle.

Donc il y a une réclamation qui a été déposée par l'avocat des joueurs que nous avons soutenue. Dans le même temps, on s'est adressés aux élus du Conseil d'administration de la Fédération internationale parce qu'il y a son assemblée générale ce samedi et qu’il faut mettre la pression sur les élus pour qu’on trouve une solution. Il y en a plusieurs. Mais celle qu'on préconise, c'est évidemment la solution à 17, qui existe dans les textes de la BWF.

C'est-à-dire que l’on passerait de 16 à 17 paires aux Jeux olympiques?

Notre proposition de sortie de crise, c'est effectivement de qualifier les deux paires françaises. A la fois celle qui est qualifiée au regard du classement actuel et qui est une réalité mathématique, et de qualifier la paire qui, au regard de l'aspect sportif, s'est qualifiée puisqu’elle a été devant encore jusqu’au 15 avril. Et donc de de passer à 17 paires, même si la décision de la BWF ne fera pas foi. Puisque la décision finale revient au CIO. L’organisation actuelle aux JO est de quatre poules de quatre. Là, ça ferait trois poules de quatre et une poule de cinq. Voilà maintenant la moins mauvaise des solutions au regard de l'équité sportive et des valeurs de l'olympisme qui on le rappelle sont: excellence, respect et amitié. C'est la solution qui nous paraît la plus adaptée à la situation dans laquelle ils se sont mis tous seuls.

Mais vous pensez que concrètement que cette demande peut aboutir?

La semaine dernière, on était, nous, de toute façon sur la ligne de défendre nos athlètes jusqu'au bout, d’aller au CIO, d'aller au tribunal arbitral du sport pour encore une fois, mettre en avant la question de l'équité sportive, parce que cette décision, elle est incompréhensible. Nos équipes ont fait un travail formidable de dissection des règlements de la BWF. Et au regard des points de règlement qui ont été soulevés, il y a un espoir réel et concret maintenant. Évidemment, la partie n'est pas gagnée et elle ne sera pas gagnée jusqu'au premier jour des Jeux. Parce qu’il peut se passer plein de choses. Il peut y avoir des recours de plein de parties prenantes.

Avez-vous eu des échanges avec Ronan Labar et Lucas Corvée mais aussi les frères Popov?

Avec Ronan, Lucas et leur avocat, on interagit quotidiennement. Pour faire les choses encore une fois, en allant tous dans le même sens et sans se mettre en porte à faux parce que on sait très bien comment ça peut se passer dans des procédures juridiques comme ça. Christo et Toma Junior (Popov) comprennent tout à fait la situation. Évidemment, eux sont heureux d'être qualifiés et il est hors de question, pour nous, de les déqualifier au profit de Lucas et Ronan. Christo et Toma ont été informés aujourd'hui de l'ensemble des démarches que nous allions entreprendre qu’ils ne soient pas surpris des différentes communications qu'allaient être faites aujourd'hui.

Mais pour revenir à cette erreur de calcul, au-delà de l’erreur de la BWF, personne, que ce soit vous à la Fédération, ou même les joueurs qui comptent leurs points, auraient pu voir cette erreur?

Comme le dit le communiqué de la BWF, ils ont changé début 2023 la règle sur les compétitions par équipe. Les algorithmes ne sont pas toujours en accord avec les règlements. On est obligé de tous prendre notre part de responsabilité là-dedans parce que tout le monde aurait effectivement pu se poser la question. Et manifestement quelqu'un se l'ait posé puisqu’on ne serait pas arrivé à une correction la dernière semaine de la qualification olympique, si ça n’avait pas été le cas.

Évidemment, on est obligé de faire confiance à notre Fédération internationale qui a une aura sur la scène internationale importante. En termes de rayonnement sur les réseaux sociaux, elle est sur le podium des fédérations internationales. C'est une fédé qui se vend d’être très professionnelle sur plein d'aspects. Il y a un moment où on est obligé d'avancer dans la confiance. Maintenant oui, effectivement, tout le monde aurait pu se rendre compte qu'il y avait eu un problème sur ces affectations de points. Maintenant, la première responsabilité reste sur les épaules de ceux qui produisent ce règlement.

Article original publié sur RMC Sport