JO 2024: Alexandre Bardenet, l'épéiste qui conteste sa non-sélection pour les Jeux

Que demande Alexandre Bardenet?

Alexandre Bardenet, 15e mondial et troisième français au classement interne à la Fédération, demande l’annulation de la sélection olympique d’épée masculine, annoncée le 28 mai dernier. Le Français de 34 ans se tourne vers la Conférence des conciliateurs du CNOSF en espérant que l’organe admette que la sélection n’est pas juste et demande une nouvelle étude des sélectionnés. Lors de l’audience, Alexandre Bardenet devrait être confronté à un ou des membres de la commission.

Pourquoi Alexandre Bardenet se sent-il floué?

L’absence d’Alexandre Bardenet parmi les sélectionnés a suscité une grande surprise chez les suiveurs, autant que chez les tireurs. Car Bardenet espérait légitimement être sélectionné vu son statut (troisième meilleur français donc) mais aussi sa régularité en individuel (une seule fois hors Top 20 cette année en Coupe du monde). L’athlète demande une nouvelle étude par le comité de sélection en avançant deux arguments. Le premier concerne sa légitimité sportive. Seul un athlète était assuré d’être sélectionné: le premier au ranking interne, en l’occurrence Yannick Borel.

Ensuite, le comité de sélection choisissait deux autres tireurs et un remplaçant (qui participera au par équipes), sans que des critères clairs ne soient écrits noir sur blanc, même s’il s’agit évidemment des performances. Et selon Alexandre Bardenet et son équipe (notamment son avocat Maître Joan Roche), l’athlète méritait sa sélection au regard de ses prestations. "La décision du Comité de sélection pour désigner 5 des 6 athlètes (les deux autres titulaires, le remplaçant et les deux réservistes sont désignés) est purement subjective et à sa seule discrétion, puisqu’elle n’est encadrée par aucun critère", est-il écrit dans la synthèse de l’équipe de Bardenet, transmise à RMC Sport.

"La Fédération n’a donc pas respecté son devoir de loyauté vis-à-vis de leurs athlètes, en dégageant en temps utile une règle du jeu claire pour les sélections. Dès lors, la décision du Comité de Sélection est nécessairement privée de base légal, et doit donc être annulée." L’athlète et son entourage estiment tout simplement que le comité de sélection a sanctionné Alexandre Bardenet au terme d’une saison marquée par de très grandes tensions au sein de l’épée hommes. Yannick Borel, Romain Cannone et Alexandre Bardenet ont quitté l’INSEP en début de saison à cause de profonds désaccords avec l’encadrement de l’équipe de France et notamment Hugues Obry (ancien manager, aujourd’hui dans le staff).

Borel étant qualifié automatiquement, Cannone étant champion olympique, c’est Bardenet qui a payé, avance son clan. "Cette décision relève en réalité d’une sanction déguisée à son encontre, et qui doit s’analyser en un détournement de pouvoir de cet organe."

Le deuxième volet concerne un vice de forme et de procédure, selon la synthèse. Notamment car Frantz Philippe, directeur de la Haute Performance, n’était pas présent lors de la sélection car il est en arrêt maladie depuis plusieurs mois. Il n’était pas représenté, comme il aurait dû l’être. L’équipe d’Alexandre Bardenet avance aussi que le "Référent de l’arme" n’était pas présent lors de cette commission. Et espère, avec ces arguments, faire annuler la sélection.

Que disent ses coéquipiers?

Son coéquipier Romain Cannone, fort de son statut et en colère, s’est engagé personnellement pour Alexandre Bardenet et a décroché son téléphone pour contacter Amélie Oudéa-Castera, la ministre des Sports. Cette dernière a demandé des éléments de compréhension à l’Agence Nationale du Sport. "AOC" a souvent rappelé l’importance de la communication faite par les fédérations au moment des annonces des sélections. Yannick Borel, l’autre élément qui a quitté l’INSEP, est aussi au soutien de son coéquipier. Les deux athlètes ont tiré avec Alexandre Bardenet par équipes de très nombreuses fois cette saison.

Quelle est la position de la Fédération?

La Fédération Française d’Escrime se garde, malgré nos demandes, de communiquer pour le moment sur cette énième polémique. Mais en son sein, on affirme que le choix d’écarter Alexandre Bardenet ne correspond qu’à des critères sportifs. L’épéiste compte autant de podiums que Paul Allègre (remplaçant et 62e mondial) cette saison avec une troisième place, tandis que Luidgi Midelton (23e mondial) a remporté la première Coupe du monde de la saison à Vancouver. Le staff estimerait qu’Alexandre Bardenet n’a pas toujours répondu présent dans les matchs par équipes et que Paul Allègre représente donc une meilleure chance dans l’épreuve.

La victoire par équipes en Coupe du monde à Tbilissi en mars a d’ailleurs eu lieu sans Alexandre Bardenet (bronzé en individuel ce week-end là) mais avec Paul Allègre. Bardenet était néanmoins présent lors du succès par équipes à la Coupe du monde de Berne, en novembre dernier. La dernière sortie de l’intéressé lors du challenge Monal, l’étape de Coupe du monde d’épée en France très attendue par le staff, ne l’a visiblement pas aidé. S’il a terminé 11e, il s’était incliné en huitièmes de finale alors qu’il menait 13-8 devant son public. Ses résultats lors des grandes compétitions internationales (aucun podium individuel) sont aussi mis en avant. A la FFE, on assure que cette décision est sportive et n’a rien de politique.

Et maintenant?

L’audience entre les deux parties devrait se tenir en fin de semaine prochaine et au pire au début de la semaine suivante, puisqu’il s’agit d’une procédure "d’urgence". Si les deux parties ne trouvent pas d’accord à l’amiable, ce qui est probable, "le conciliateur désigné est tenu de notifier aux parties des mesures de conciliation qui lui paraissent les plus adéquates pour mettre un terme définitif au litige, au moyen d’une proposition de conciliation motivée en droit et en équité". Les parties auront un délai de 15 jours pour la refuser, auquel cas la décision initiale (et donc la sélection initiale) serait retenue.

En cas d’échec, Alexandre Bardenet pourrait ensuite se tourner vers le tribunal judiciaire pour réclamer des dommages. Une procédure plus longue et éloignée du sportif qu’il aimerait s’éviter. L’espoir est mince mais il existe chez le Français. En attendant, l’épéiste doit reprendre doucement l’entraînement dans les jours à venir dans son club de Levallois qui est aussi celui de… Paul Allègre. Les deux hommes se disputent, indirectement, une place pour les JO.

Article original publié sur RMC Sport