Jean-Luc Godard, mort de l’enfant terrible du cinéma français

Jean-Luc Godard (Photo by Kurt Krieger/Corbis via Getty Images)
Kurt Krieger - Corbis / Corbis via Getty Images Jean-Luc Godard (Photo by Kurt Krieger/Corbis via Getty Images)

Kurt Krieger - Corbis / Corbis via Getty Images

Jean-Luc Godard, l’enfant terrible du cinéma, est mort à 91 ans

CINÉMA - Jean-Luc Godard est mort. Ce mardi 13 septembre, ce géant du cinéma et dernier grand représentant de la Nouvelle Vague, s’est éteint « paisiblement » à l’âge de 91 ans, a annoncé sa famille. « Nous perdons un trésor national, un regard de génie », lui a rendu hommage Emmanuel Macron. Au cours de ses 70 années de carrière, le cinéaste a certes laissé son empreinte dans le monde du Septième art par ses œuvres, mais il a aussi marqué les esprits par son tempérament de feu.

Il faut dire que Jean-Luc Godard avait une réputation d’artiste grincheux qu’il semblait adorer entretenir. En 2001, le New York Times lui consacrait d’ailleurs une interview intitulée, en français dans le texte, « Jean-Luc Godard : An Enfant Terrible at 70 » (« Jean-Luc Godard : Un enfant terrible à 70 ans »).

Faire faux bond au festival de Cannes, une tradition

Parmi ses faits d’armes, on se souvient notamment de sa tendance à snober à la dernière minute les cérémonies du Festival de Cannes auxquelles il était invité. Comme en 2010 où, de retour après plusieurs années de silence, son long métrage Film Socialisme avait été sélectionné dans la catégorie « Un certain regard ». Attendu sur la Croisette jusqu’à la dernière minute, Jean-Luc Godard n’est pourtant jamais arrivé. Et le motif de son absence était quelque peu lunaire. Dans une lettre au réalisateur Thierry Frémaux, Godard justifiait son absence par une référence à la crise économique qui touchait alors la Grèce. « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »

Rebelote en 2014, alors que son film Adieu au langage est annoncé en compétition officielle au festival. Dans un message vidéo Jean-Luc Godard annonce qu’il ne sera pas de la partie. Une fois encore, ses raisons illustrent bien la désinvolture avec laquelle le réalisateur considère l’événement. « Par esprit de contradiction, j’aimerais mieux qu’il n’y ait aucun prix. Qu’ils ne soient pas obligés de donner un petit prix, en général pour l’ensemble de sa carrière, que je sens un peu désobligeant aujourd’hui. J’en ai déjà eu cinq ou six, j’ai même eu un Oscar. » Une cérémonie qu’il avait — surprise ! — également snobée en 2010, refusant de faire le voyage à Los Angeles pour recevoir l’Oscar qui venait récompenser l’ensemble de sa carrière.

Enfin, dernier lapin en date sur la Croisette en 2018 pour son film Livre d’Image, comme le rappelle Europe 1. « Jean-Luc a promis d’être là… Ce qui ne veut rien dire », avance prudemment Thierry Frémaux au moment d’annoncer la sélection officielle. Comme prévu, il n’est pas au rendez-vous et n’accorde finalement qu’une visioconférence de presse.

« Vous êtes des cons ! »

Ce « Je t’aime, moi non plus » avec le Festival de Cannes remontait déjà aux premières années de succès de Jean-Luc Godard. En 1968, il parvient à faire annuler l’édition du festival. Le 17 mai, alors que la révolte étudiante prend de l’ampleur et que Paris compte 2 millions de grévistes, l’événement ouvre sur la Croisette. Mais un collectif de professionnels, porté par François Truffaut, Louis Malle, Claude Berri, Roman Polanski et donc Jean-Luc Godard appelle à l’arrêt de l’événement pour s’associer à la grève. Le délégué général Robert Favre Le Bret refuse.

Jean-Luc Godard, réalisateur français, se fait entrater dans les couloirs du Palais des Festivals à Cannes, lors du Festival, le 10 mai 1985. (Photo by STILLS/Gamma-Rapho via Getty Images)
STILLS / Gamma-Rapho via Getty Images Jean-Luc Godard, réalisateur français, se fait entrater dans les couloirs du Palais des Festivals à Cannes, lors du Festival, le 10 mai 1985. (Photo by STILLS/Gamma-Rapho via Getty Images)

STILLS / Gamma-Rapho via Getty Images

Jean-Luc Godard, réalisateur français, se fait entarter dans les couloirs du Palais des Festivals à Cannes, lors du Festival, le 10 mai 1985. (Photo by STILLS/Gamma-Rapho via Getty Images)

Pendant ce débat houleux, Jean-Luc Godard, excédé, hurle à destination des festivaliers : « Je vous parle solidarité avec les étudiants et les ouvriers, et vous me parlez travelling et gros plan ! Vous êtes des cons ! » Le lendemain, le collectif s’accroche aux rideaux pour empêcher la projection d’un film. Dans la foulée, les membres du jury démissionnent et le festival est annulé.

Autre coup d’éclat, mais qui n’est cette fois-ci pas de son fait, en 1985 où le cinéaste voit son film Détective coucourir en sélection officielle. Non seulement il repartira sans prix cette année-là, mais il recevra également une tarte à la crème en pleine face. L’entarteur, Noël Godin, n’avait pas apprécié la nudité de la Vierge dans Je vous salue Marie, explique Première.

Vous ne pouvez visionner ce contenu car vous avez refusé les cookies associés aux contenus issus de tiers. Si vous souhaitez visionner ce contenu, vous pouvez modifier vos choix.

Ultime pied de nez

Mais Jean-Luc Godard ne cultivait pas l’impertinence seulement pour le monde du cinéma. En 1981, il avait été nommé pour recevoir l’ordre national du Mérite, honneur qu’il avait refusé, arguant : « Je n’aime pas recevoir d’ordre, et je n’ai aucun mérite ».

Même aux portes de la mort, le réalisateur a tenu à faire un dernier pied de nez au reste du monde. Selon le conseiller juridique et fiscal de la famille, Patrick Jeanneret, l’annonce de son décès aurait dû être faite « deux jours » après celui-ci — et donc après son incinération. Toutefois, l’information ayant fuité dans la presse, un communiqué a dû être écrit à la hâte, indique-t-il à l’AFP. Aucune cérémonie officielle n’aura lieu, précise Patrick Jeanneret et l’incinération « doit vraiment se passer dans l’intimité ».

Des coups d’éclat et des rendez-vous manqués, mais un départ (presque) discret.

À voir également sur Le HuffPost :

Vous ne pouvez visionner ce contenu car vous avez refusé les cookies associés aux contenus issus de tiers. Si vous souhaitez visionner ce contenu, vous pouvez modifier vos choix.

Lire aussi