"J'avais presque envie de pleurer" : le blues des jeunes militants LFI face à l'affaire Quatennens

Adrien Quatennens lors de son retour à l'Assemblée nationale le 11 janvier 2023 - Julien de Rosa/AFP

Après des semaines de malaise, des jeunes insoumis se sont mis "en grève militante" et réclament l'exclusion du député du Nord de La France insoumise. "On a laissé la situation s'envenimer et il n'y a aucun espace pour faire remonter nos points de vue", regrette une militante, en pointant du doigt le manque de démocratie interne.

Une affaire qui n'en finit pas. Après un nouveau soutien de Jean-Luc Mélenchon à Adrien Quatennens, revenu sur les bancs de l'Assemblée nationale ce mercredi, une partie des militants de La France insoumise est en colère et a suspendu ses actions. Sans vouloir cependant fragiliser le mouvement.

"J'ai vraiment l'impression qu'on n'a rien appris de nos erreurs depuis le mois de septembre. C'est insupportable qu'on le soutienne à nouveau comme ça après sa condamnation et sa minimisation des faits", assure auprès de BFMTV.com une jeune insoumise parisienne.

Quatennens, "un ami très cher" de Mélenchon

"J'avais presque envie de pleurer. On a l'impression qu'on ne sortira jamais de cette affaire", avance encore cette étudiante en droit.

Dans le viseur cette fois-ci, après des mois de polémique, les propos de l'ancien candidat à la présidentielle. Deux jours après le retour du député du Nord au Palais Bourbon en tant que non inscrit - il est exclu de son groupe jusqu'au 13 avril prochain -, Jean-Luc Mélenchon s'est voulu chaleureux.

Interrogé sur l'opportunité de la reprise de son travail parlementaire sur France 2, l'ancien candidat à la présidentielle a dit "bien sûr" la soutenir, rappelant qu'Adrien Quatennens était "un ami très cher".

Une tribune avec un millier de signatures

L'agenda de l'élu des Hauts-de-France semble pourtant mal choisi, en pleine réforme des retraites. "Ce serait une erreur" de revenir aujourd'hui au regard du "moment médiatique" avait d'ailleurs avancé Alexis Corbière la veille de son retour sur LCI.

Cet évènement arrive aussi quelques jours à peine après la publication d'une tribune signée par plus de 1000 militants de LFI ou de la Nupes appelant à "l'exclusion d'Adrien Quatennens".

Si elle ne compte aucun poids lourd du mouvement, elle rend très officielle la lourde ambiance dans les groupes d'action. Environ la moitié d'entre eux sont actuellement en grève militante - ce qui signifie qu'ils ne réunissent plus ou arrêtent de tracter - ou ont annoncé dans un communiqué de presse se désolidariser de la sanction prise à l'encontre du député.

"On a été déçu pendant cette période"

En cause: la suspension du groupe d'Adrien Quatennens pour 4 mois - la durée de sa condamnation avec sursis - et son retour conditionné au suivi d'un stage de responsabilisation pour les auteurs de violences conjugales.

"On a été un peu déçu pendant cette période. Sinon, on n'aurait pas écrit ce texte pour qu'Adrien Quatennens soit exclu de notre mouvement", avance encore Alan Lambert, un jeune insoumis qui co-rédigé la tribune.

"Je suis convaincu que le groupe doit prendre une nouvelle décision pour se mettre en accord avec nos valeurs", juge encore le militant.

"Je me suis dit que c'était vraiment grave"

Dans la foulée de sa condamnation, les propos d'Adrien Quatennens ont jeté le trouble dans son propre camp. L'ancienne tête d'affiche de LFI s'était d'abord dite victime d'un "lynchage médiatique" à La Voix du Nord, avant d'évoquer sur BFMTV une "une dispute sérieuse avec des menaces réciproques".

Si les militants ont haussé publiquement le ton, c'est que la direction du mouvement ne leur a pas donné satisfaction. Début décembre, Manuel Bompard, dont l'arrivée à la tête de LFI a été très contestée, a reçu un premier texte signé par 6 groupes d'action, sans susciter la moindre réponse.

De quoi pousser les Jeunes insoumis de Poitiers à sortir du bois et à annoncer "l'arrêt à durée indéterminée" du groupe d'action.

"Là, je me suis dit que c'était vraiment grave. Parce que la force de notre mouvement, c'est nos affiches, nos tracts, le fait qu'on nous voit dans les manifs ailleurs qu'à Paris. À partir du moment où nos militants ne veulent plus militer, on se retrouve d'une certaine façon à l'arrêt", décrypte un député insoumis.

"On n'a plus vraiment le cœur à ça"

Leur positionnement fait manifestement boule de neige. Une dizaine de jours plus tard, une vingtaine de collectifs de LFI expriment leur colère rejoignent cette grève militante. Avec des modalités diverses d'action : si certains ont décidé de cesser l'activité militante, d'autres bien plus nombreux continent leurs activités mais refusent de s'afficher sous la bannière LFI.

"On est là et on fait le boulot parce que la réforme des retraites est dangereuse pour la France. D'une certaine façon, cette lutte nous ressoude. Mais c'est vrai qu'on n'a plus vraiment le cœur à ça", décrypte encore une jeune insoumise.

Au-delà du cas Quatennens, c'est également la question de la démocratie interne, qui avait été pointée du doigt après l'arrivée de Manuel Bompard au poste de coordinateur du mouvement, l'équivalent de numéro 1 du parti. Raquel Garrido avait ainsi regretté auprès de BFMTV.com "une autoproclamation grotesque".

"On a laissé la situation s'envenimer"

À cela, se sont encore ajoutées des critiques sur le fonctionnement du parti, sans locaux dans les territoires et sans guère de remontées possibles des militants.

"Notre déception s'exprime aussi fortement parce qu'on a laissé la situation s'envenimer. On n'a aucun espace pour se faire entendre", regrette Yeelen Ravier, jeune insoumise des Hauts-de-Seine et conseillère municipale à Asnières.

"Les seuls à gauche à pouvoir créer un mouvement de masse"

Pas question cependant pour les militants d'abîmer un outil politique qui leur a permis de récolter 21,5% des voix au premier tour de la présidentielle en avril dernier et de multiplier par 4 le nombre de députés LFI aux dernières législatives.

"Je suis convaincu que nous sommes les seuls à gauche à pouvoir créer un mouvement de masse", croit l'insoumis Alan Lambert qui refuse de "prioriser la lutte entre l'exclusion d'Adrien Quatennens et la réforme des retraites".

L'affaire a manifestement laissé des traces ailleurs dans les rangs des insoumis. Jean-Luc Mélenchon a récolté 20% de popularité début janvier d'après un sondage Elabe pour Les Échos. C'est sa mesure la plus basse depuis la présidentielle.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - "J'exerce mon travail de parlementaire, j'accepte et respecte la décision de mon groupe politique" : Adrien Quatennens de retour à l'Assemblée après sa condamnation