"J'ai vraiment cru mourir": le témoignage de la professeure d'anglais prise pour cible par un élève à Chenôve

Sa vie a basculé en mars dernier. Une professeure d’anglais du collège Édouard-Herriot à Chenôve (Côte-d'Or) revient auprès du Parisien sur ce jour du vendredi 15 mars quand un élève de 15 ans, armé d'un couteau, a tenté de rejoindre sa classe après avoir menacé la directrice de l’établissement.

"J’ai vraiment cru mourir", explique la professeure d'anglais, en poste depuis huit ans au sein du collège. "Ça a représenté 30 minutes de terreur absolue. On était tous tapis dans un coin de la salle, et j’avais certains élèves dans mon champ de vision", détaille-t-elle auprès de nos confrères.

"lls étaient comme moi dans un état de terreur"

Ce jour-là, l’après-midi est déjà bien entamé au collège Édouard-Herriot. Un peu avant 15 heures, la directrice se prépare à recevoir un collégien âgé de 15 ans. Il l'avait sollicitée pour convenir d’un rendez-vous après avoir été exclu un peu plus tôt d’un cours d’anglais.

L’adolescent se présente à son bureau vers 15h20. Il lui remet une lettre. Tandis que la principale prend connaissance de son contenu menaçant, l’adolescent sort un couteau. La cheffe d’établissement s’en aperçoit. Elle s'enfuit par une autre porte et déclenche l’alarme. Dans les salles de classe, les professeurs se barricadent, comme le veut la procédure. L’adolescent tente de rejoindre sa classe, où se trouve sa professeure d’anglais. Cette dernière est confinée avec ses élèves apeurés.

"Je voyais leurs larmes couler, leurs mains sur la bouche, ils étaient comme moi dans un état de terreur", explique-t-elle au Parisien. Le collégien est finalement interpellé, la professeure traumatisée.

Lors de son audition, l'adolescent avait expliqué avoir "voulu se venger" en souhaitant "la planter" avant de se raviser car selon ses termes: "Planter une prof, c'était trop grave", rapportait alors Olivier Caracotch, procureur de la République de Dijon.

"Je n’ai pas pris de coup de couteau, mais j’en ai ressenti la douleur", confie l'enseignante. Après les faits, elle dit n'avoir ni mangé ni dormi.

"J’ai été en hypervigilance totale”, confie-t-elle. "Pendant quatre jours, je ne me reconnaissais plus, j’étais quelqu’un d’autre, envahie par la peur. Je n’avais pas d’autre émotion en moi. Je n’étais que peur", poursuit-elle auprès de nos confrères.

"Je pensais qu'il y avait des cellules de crise dans les rectorats"

Aujourd’hui, le traumatisme demeure intact. "C’est comme si ma personnalité avait volé en éclats", confie l’enseignante, suivie par un psychologue depuis les faits. Auprès du Parisien, la professeure affirme avoir eu le sentiment d’être entendue et accompagnée par l’institution judiciaire. Mais se dit "perplexe" concernant sa prise en charge par l’Éducation nationale, et ce, malgré le déplacement de Nicole Belloubet.

"Naïvement, je pensais que dans les rectorats de France, il y avait des cellules de crise ou des unités spécialisées pour prendre en charge les professeurs victimes", explique-t-elle au Parisien. "Heureusement, mon avocat était là pour m’assister dans mes démarches, autrement je n’aurais rien fait." L’enseignante n’a obtenu sa protection fonctionnelle "qu’au bout de trois semaines, et on discute encore les détails", explique-t-elle.
La professeure n'entend pas renoncer à sa carrière. Son métier, elle souhaite l'exercer, mais ailleurs. Elle a demandé une mutation. "Le ministère m’a proposé une affectation d’un an dans une autre académie. Une solution temporaire qui, pour moi, va générer insécurité et précarité", conclut-elle. "Aujourd’hui, j’ai besoin de me reconstruire et de regarder vers l’avenir."

Article original publié sur BFMTV.com