J’ai testé « l’hypermarché des yeux » et je n’y remettrai plus les pieds

Les orthoptistes pourront désormais prescrire des lunettes, sans consultation chez un ophtalmologue. (photo d'illustration)
Aleksandr Zubkov via Getty Images Les orthoptistes pourront désormais prescrire des lunettes, sans consultation chez un ophtalmologue. (photo d'illustration)

SANTE - J’ai récemment fait une infidélité à mon ophtalmologue, et je ne suis pas près de recommencer.

Depuis que j’ai eu le covid, j’ai quelques taches dans les yeux, largement accentuées par la fatigue et la luminosité. Étant photosensible (haute sensibilité à la luminosité), hypersensible et surtout hypocondriaque, je décide de prendre rendez-vous chez mon ophtalmo pour checker tout cela et surtout me rassurer.

Désert médical en cause

Habitant en province, dans une grande ville subissant un désert médical, mon cher ophtalmo ne peut me recevoir avant six mois.

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Je choisis donc l’option Doctolib et découvre un ophtalmo proposant des places quasi tous les jours. Super-chouette ! Je prends rendez-vous tout de suite sans chercher plus d’infos sur ce médecin, ni sur son cabinet.

Le jour du rendez-vous, je me rends à l’adresse indiquée et découvre devant la porte d’entrée une dizaine de personnes alors qu’il n’est que 9 heures.

Bon, peut-être que ce médecin prend beaucoup de temps avec ses patients… Je monte jusqu’à son cabinet et tombe nez à nez avec une jolie porte en verre de supermarché, qui s’ouvre automatiquement à mon passage.

Une salle d’attente digne d’un open space

Je suis un petit couloir qui me mène non pas vers un petit cabinet médical, mais vers un hall de gare, un grand open space, où s’agitent de nombreux employés et une multitude de patients (je dirais une trentaine). Waouh, c’est énorme.

Je m’avance donc dans la file pour me faire enregistrer auprès d’une secrétaire très froide, qui m’enregistre, passe les examens, fait la circulation, encaisse les patients, nettoie les machines et répond aux nombreux coups de téléphone.

Je lui tends ma carte vitale, elle m’enregistre et me demande mes lunettes. OK, pas de soucis, je m’exécute mais me demande tout de même pourquoi l’enregistrement nécessite la mesure des verres…

Enregistrée en 30 secondes chrono, elle me demande de faire le tour de l’open space et d’attendre derrière cinq patients pour qu’on me fasse des examens.

Des examens non sollicités

Bon petit soldat, je m’exécute tout en me demandant pourquoi faire des examens sans que je n’aie pu exposer la raison de ma venue. J’attends donc mon tour, derrière les cinq personnes qui s’assoient à tour de rôle devant moi, devant une machine pour effectuer les bilans visuels. Arrive mon tour, une des cinq secrétaires d’accueil me fait passer un premier examen, puis un second avec photographie de mes yeux (la classe), toujours dans l’open space qui ressemble désormais à un hall de centre commercial en période de soldes d’hiver. Notez que l’on ne m’a toujours pas demandé les raisons pour lesquelles je venais ici.

On me demande enfin de rejoindre un des nombreux box pour voir le médecin. Je suis soulagée, me dis que l’on va enfin me poser des questions et que je pourrais avoir un avis médical.

Deux minutes et trois patients plus tard, c’est mon tour. Je rentre dans une petite pièce où le médecin s’avère être finalement une assistante médicale. Elle me demande de m’asseoir et me fait lire des lettres. Ne comprenant pas, je lui expose mon problème : « Non, je ne suis pas là pour changer de lunettes qui sont neuves, mais pour des taches dans les yeux » . Sans plus de questions, elle se lève, prend un flacon et arrive vers moi en me disant : «Je mets les gouttes » . Avant qu’elle ne puisse verser la première goutte, je lui demande à quoi elles servent. Elle m’annonce que c’est pour un fond de l’œil. Sur le principe, je ne suis pas contre, mais je suis venue en voiture et repars ensuite donner des cours. Étant photosensible, je serais incapable de conduire les pupilles défoncées et encore moins capable de passer 4 heures devant un vidéoprojecteur sans lunettes de soleil.

Je refuse, elle ne comprend pas, hausse le ton et me demande de refaire des photos de mon œil. OK pour les deuxièmes photographies je retourne donc dans l’open space qui a vu sa population doubler en trois minutes.

On me redemande de patienter dans un box, pour être reçue par un ophtalmo du centre (oui, il s’avère qu’ils sont plusieurs). Deux minutes plus tard, je suis dans le cabinet du médecin qui commence à me faire une ordonnance pour des nouveaux verres de lunettes. Non, je ne suis toujours pas là pour cela, je réexplique mon cas. Elle me demande de faire un fond de l’œil, je rerefuse. Elle se jette donc sur moi cette fois-ci avec des gouttes jaunes. Elle tente de me mettre une goutte, pur réflexe, je m’écarte et ferme les yeux. Bravo, j’ai du jaune partout. Je lui demande si je peux moi-même mettre les gouttes, elle refuse, après quatre tentatives elle me laisse enfin le faire.

Après un bref examen elle m’annonce que sans fond de l’œil de toute façon elle ne verrait rien, que je dois revenir en ayant les pupilles dilatées.

Absence de diagnostic

Elle m’indique le lieu pour payer et reprendre rendez-vous, puis passe au patient suivant. Je vous épargne les détails du paiement, mais imaginez une caisse d’hypermarché de bord de mer, la veille d’un 15 août.

Je quitte enfin cet horrible lieu sans aucun diagnostic, en appelant mon vrai ophtalmo, en me jurant de ne jamais retourner dans un centre ophtalmologique et en remerciant la sécu de payer ces médecins distributeurs d’ordonnances.

Je ne suis pas contre ces grands centres médicaux si la prise en charge est convenable, avec une vraie considération des patients. Mais dans ces conditions, j’ai eu la sensation d’être un numéro, traité à la chaîne, sans la moindre considération, en m’incitant à consommer (gouttes pour le fond de l’œil et colorant, deux photographies…) pour finalement aucun diagnostic ou hypothèse.

Je m’interroge sur l’avenir des patients qui ont des soucis bien plus importants que mes quelques taches dans les yeux…

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