J’ai décidé que ça serait à pied que je me déplacerais dans ma ville

Photo de piétons en ville
Anne Botlan Photo de piétons en ville

TRANSPORT - « C’est le jour où j’ai décidé d’aller travailler à pied que tout a changé.  (…) Je me suis lancée dans la ville… Je « traçais », j’avançais, je volais ! Quel plaisir de se sentir libre. » (Extrait de Sur les chemins de la ville, Anne Botlan - Les Impliqués Editeur)

Comment j’ai fait les premiers pas

Avant, j’étais comme tout le monde : je prenais mon métro et mon tram pour aller travailler, et, quand j’avais le temps, le bus, pour faire une course ou aller chez des copains.

J’étais stressée, je courais toujours après la minute qui allait me manquer. Et je me sentais fatiguée : je ne sentais plus mon corps !

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Et puis, après une petite opération, mon médecin m’a dit qu’il fallait que je marche. Pour une fois, avec cette convalescence, j’avais un peu de temps… Alors j’ai essayé : je suis descendue, j’ai mis un pied devant l’autre, et je suis allée faire mes courses. J’ai fait le tour des parcs, j’ai exploré mon quartier. Plus je marchais, plus j’avais envie de marcher : je me sentais revivre, mon corps se redressait, il respirait. Je devenais curieuse : de la découverte d’une rue, de l’expression des autres, de scènes imprévues, d’odeurs, de couleurs, du chaud et du froid, de la lumière !

C’était l’automne et je me suis surprise à aimer même les trottoirs encombrés de feuilles mouillées et la grisaille de la ville.

J’ai décidé d’aller travailler à pied

C’est le jour où j’ai décidé d’aller travailler à pied que tout a changé : je devais revenir travailler… Je n’ai pas pu reprendre le métro ! Alors, je me suis lancée dans la ville… Je « traçais », j’avançais, je volais ! Quel plaisir de se sentir libre : un moment à soi, une liberté prise par rapport au train-train, un pied de nez aux injonctions pour femme parfaite : pas de robe froissée ni de mèche indocile… Pas une minute à perdre !

J’arrivais en forme au bureau, et une impression de bien-être m’accompagnait toute la journée.

J’explorais de nouveaux parcours, et quand j’étais pressée, je panachais : marche et tram, métro et marche… À ma grande surprise, je ne mettais pas beaucoup plus de temps qu’avant, quand je ne prenais que les transports : alors, je ne me suis plus arrêtée !

Je suis devenue une vraie « marcheuse des villes »

Toutes les occasions ont été bonnes : une démarche à faire à l’autre bout de la ville, quelle barbe ! Sauf si c’est l’occasion de partir au petit bonheur dans les rues. Aller voir un spectacle ou une expo, trop loin ? Y êtes-vous déjà allé à pied ? Vous arrivez « chez vous ». Un sentiment de nostalgie quand vous traversez un quartier où vous avez vécu ? Laissez-vous aller… Découvrez ce qu’il est devenu et ressentez ce que vous y éprouviez avant : est-ce vous ou une autre ? Les images, les sensations vous envahissent… Vous écrasez avec vos pieds ce qui vous fait mal et rêvez de ce que vous aimez… Vous vous retrouvez.

Un week-end, j’avais une envie de grand large avec mon compagnon. Nous sommes allés vers l’est… Toujours plus loin vers l’est… Trois jours après, nous avons atteint Juvisy. Quelle expérience ! Tracer un chemin dans des lieux où l’on ne marche pas : les zones industrielles et portuaires, les abords des aéroports, les voies ferrées et les nationales. Sentir la force des luttes pour la vie et le territoire : les énormes bâtiments industriels, les immeubles d’habitation flambant neuf, les usines de retraitement des déchets, les sièges sociaux dernier cri, les camps de Roms. Partager le sentiment du bonheur de vivre chez soi : devant ce pavillon de meulière, dans ce Kebab où on vous accueille avec tant de gentillesse, devant ce square où vous entendez les cris des enfants, en croisant ces deux vieux qui font la promenade du dimanche, bras dessus bras dessous.

Et, dans le train du retour - parce que quand même, ça sert aussi aux marcheurs, le train - vous vous dites que venir les uns chez les autres à pied, sans rien, juste comme ça, c’est bien : on est tous pareil ! Alors ça fait chaud au cœur de se connaître.

Et maintenant, nous, les piétons, si on l’occupait, cette ville !

Le temps a passé. La pandémie est passée par là. Le confinement nous a redonné le goût du dehors, du quartier, et de la liberté dans la cité. Nous sommes de plus en plus nombreux à avoir enfourché notre vélo ou chaussé nos baskets pour marcher dans la ville. Le télétravail nous a fait sortir dans notre quartier.

La ville s’adapte à cette nouvelle mobilité, même si on trouve que ça ne va pas assez vite : pistes cyclables, élargissement des trottoirs, signalétique pour les piétons, projets de « ville du quart d’heure », applications pour déambuler ou mixer les moyens de transport…

La marche est déjà le deuxième mode de déplacement en France, le premier en Île-de-France. Elle progresse sensiblement depuis 10 ans.

Mais nous pouvons être beaucoup plus nombreux, si nous découvrons que marcher est un plaisir, compatible avec nos emplois du temps. Il faut changer l’image de la marche : le plus difficile, c’est de faire les premiers pas.

C’est pour cela que j’ai raconté mon expérience dans un livre, « Sur les chemins de la ville » (Les impliqués Éditeur) : pour inciter mes concitoyens à se lancer sur les trottoirs de leur ville.

Et quand nous serons quelques millions de plus, la ville sera à notre image, aménagée pour nous, plus verte, plus sûre, silencieuse, calme et conviviale.

Notre nature de bipèdes, c’est ce que nous partageons tous. Alors manifestons-nous ! Descendons dans la rue ! Disons-le avec nos pieds ! Et la ville sera à nous…

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