Italie : Giorgia Meloni inaugure une exposition sur Tolkien, et c’est loin d’être un détail

La Première ministre italienne n’a jamais caché son amour pour les écrits de Tolkien, un auteur ouvertement antifascite mais souvent intrumentalisé par l’extrême droite italienne.
Capture d’écran Facebook La Première ministre italienne n’a jamais caché son amour pour les écrits de Tolkien, un auteur ouvertement antifascite mais souvent intrumentalisé par l’extrême droite italienne.

ITALIE - L’empreinte de Giorgia Meloni sur la culture italienne se poursuit. La Première ministre d’extrême droite inaugurera en personne, ce mercredi 15 novembre, une exposition sur l’auteur britannique J. R. R. Tolkien à la Galerie nationale d’art moderne et contemporain de Rome.

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Financée à hauteur de 250 000 euros par le ministère de la Culture, cette exposition inédite en Italie est présentée en coulisses comme un « cadeau » à Giorgia Melonia, fervente admiratrice de l’œuvre de l’écrivain anglais, notamment du Seigneur des Anneaux, un texte « sacré », comme elle l’écrivait en 2021 dans son autobiographie.

Mais que cache réellement la présence de Giorgia Meloni à cette inauguration certes prestigieuse ? Elle atteste surtout du besoin, comme l’avance le Parti démocrate italien, du « désir de revanche culturelle » de Giorgia Meloni et de son parti Frères d’Italie, comme le cite La Repubblica.

Et quoi de mieux qu’une œuvre qui a su trouver un écho depuis les années 1970 auprès des sympathisants de l’extrême droite italienne pour se réapproprier le monde de la culture ?D’autant plus après avoir mené une série de nominations très politiques dans le domaine de la culture, notamment à la tête de la Mostra de Venise.

« Un livre plein d’enseignements formidables »

Car, comme l’expliquent The Guardian et le Corriere della Sera, la Terre du Milieu, qui est au centre de l’intrigue des écrits de J. R. R. Tolkien est aussi, pour « certains néofascistes » (notamment au MSI, le parti hérité du fascisme par lequel est passé Meloni dans sa jeunesse), la métaphore d’une forme de lutte entre tradition et modernité.

Depuis quelques années, c’est en réalité toute l’extrême droite européenne qui s’est réapproprié les récits de la Terre du Milieu, soulignait L’Express dans une longue enquête publiée il y a tout juste un an. Dans cet univers, chevalerie, valeurs féodales et hiérarchisation des races sont la norme, face à un mal qui se répand… et qui pourrait être comparé à la thèse complotiste du « grand remplacement ».

« Il y a dans cette mythologie inspirée de l’époque médiévale une fascination pour les peuples, les races et leur hiérarchisation. Tous les peuples ne se valent pas, chacun a une qualité morale chez Tolkien », détaillait Marylin Maeso, philosophe experte de Tolkien, auprès de l’hebdomadaire.

Et l’identification d’une partie de l’extrême droite est telle qu’en Italie, des rassemblements du MSI ont été surnommés un temps « camps Hobbit » dans les années 1970, rappelle Il Corriere della Sera. Les romans de Tolkiens devenant progressivement « une sorte de référence mythique, comme une critique de droite de l’individualisme et de l’utilitarisme ».

Il n’est d’ailleurs pas difficile de trouver la Première ministre d’extrême droite exhiber sa passion pour l’œuvre de J. R. R. Tolkien. Le Seigneur des Anneaux n’est pas « une simple saga “fantastique” comme le pensent certains (qui ne l’ont pas lu), mais une extraordinaire métaphore sur l’homme et le monde », écrivait d’ailleurs Giorgia Meloni elle-même sur Facebook en 2019, mais « un livre plein d’enseignements formidables et intemporels. »

Totem du conservatisme

L’exposition s’inscrit donc dans la logique culturelle mise en place part le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni. Mais pour La Stampa, Giorgia Meloni cherche surtout à s’approprier le travail de l’auteur britannique pour en faire « une arme pour combattre la soi-disant hégémonie culturelle de la gauche ».

Une manière de faire passer Tolkien du statut de talentueux auteur de fantasy à celui de totem du conservatisme. « Un écrivain modèle pour une nouvelle droite qui s’engage à offrir des exemples inédits à l’imaginaire des Italiens, à travers l’école, le cinéma, l’art ou la littérature », avance même le quotidien.

Ce dont Giorgia Meloni ne se cache pas : « Je crois que Tolkien pourrait dire mieux que nous ce à quoi les conservateurs croient », confiait-elle au New York Times durant sa campagne de 2022.

Une réappropriation moderne de la figure Tolkien que Giorgia Meloni a d’ailleurs expérimentée lors des dernières législatives. Il suffit de (re)voir les images de son arrivée sur scène à Rome, quelques jours avant le scrutin qui l’a conduit au poste de Première ministre. La candidate avait été introduite à grand renfort de références au Seigneur des Anneaux, le tout récité par le doubleur italien d’Aragorn dans les films de Peter Jackson, l’un des personnages principaux de la saga.

L’exposition doit ouvrir ses portes pour présenter lettres et manuscrits de l’auteur jusqu’au 11 février 2024. Elle se poursuivra ensuite à travers l’Italie pour continuer de célébrer le cinquantenaire de la mort de l’écrivain.

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