Iran-Israël: face au risque d'escalade, les experts estiment que le pire a peut-être été évité

Un assaut sans précédent, mais avec finalement moins d'ampleur qu'attendu? Après l'attaque de l'Iran contre Israël dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 avril avec des centaines de drones et de missiles, l'ONU, la France et de nombreux autres pays appellent au calme et disent ne pas vouloir d'escalade de violences au Moyen-Orient. Ainsi, Israël est déjà en guerre contre le Hamas, ce qui avait ravivé les tensions dans la région.

L'attaque désormais passée, différents spécialistes estiment qu'une escalade ne surviendra pas forcément, ou du moins pas de façon frontale.

Une attaque iranienne "surtout symbolique"

Pour Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur de France au Qatar et en Arabie saoudite, expert du Moyen-Orient, l'attaque menée samedi par Téhéran, bien que sans précédent entre l'Iran et Israël, n'est "pas réellement une surprise".

"La réaction de Téhéran a été à la fois préparée, calculée, mesurée en termes de moyens et d'ailleurs l'impact en termes de victimes et de destructions a été très faible", souligne-t-il auprès de BFM Business, alors qu'une enfant est blessée, mais qu'aucun mort n'a été recensé.

La chercheuse au Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (Ifri) Héloïse Fayet parle de son côté, à Libération, d'une "démonstration de force", tout en évoquant un "pari risqué" en raison du danger encouru de faire des victimes.

Pour Bertrand Besancenot, cette attaque est "surtout symbolique". "Toute l'idée derrière cette opération, c'est d'essayer de restaurer la crédibilité de Téhéran sur sa capacité de dissuasion", estime-t-il. "Pas sûr" cependant que l'objectif a été atteint si l'on en croit Israël, qui a dit avoir intercepté 99% des drones envoyés.

Ce "très fort taux d'interception" par Israël est un problème pour l'Iran, abonde auprès de l'AFP l'expert en risques internationaux Stéphane Audrand. Car pour la dissuasion nucléaire, à laquelle Téhéran aspire, il faut que les missiles balistiques transportant une charge atomique passent, décrypte-t-il. Or, l'attaque contre Israël montre, selon lui, que "l'Iran est très loin d'avoir un arsenal qui serait crédible pour mettre en œuvre une arme nucléaire".

La menace israélienne d'une riposte

Trois heures seulement après le début de l'opération, Israël se montre clair. "L'affaire peut être considérée comme close", affirme la mission iranienne à l'ONU dans un message. De son côté, Benny Gantz, ministre sans portefeuille membre de la coalition gouvernementale du Premier ministre Benjamin Netanyahu, prévient dimanche Téhéran.

"Face à la menace iranienne, nous construirons une coalition régionale et ferons payer le prix à l'Iran de la manière et au moment qui nous conviendront", menace-t-il.'

Avec ces propos, celui qui est membre du cabinet de guerre israélien promet une riposte à l'attaque iranienne, mais qui pourrait intervenir peut-être à moyen ou long terme et de façon non directe. "Israël veut se donner le temps de réfléchir à la réponse possible", note ainsi Thierry Arnaud, éditorialiste de politique internationale pour BFMTV.

Plusieurs scénarios possibles pour Israël

Désormais, plusieurs options se présentent à Israël. L'armée peut soit mener une riposte militaire classique "avec l'aviation" par exemple, soit via "d'autres méthodes par exemple neutraliser des installations nucléaires sur le territoire iranien", explique le général Jérôme Pellistrandri, consultant Défense pour BFMTV.

Israël pourrait notamment viser les installations nucléaires iraniennes et ainsi "ralentir de programme nucléaire" du pays, ce qui permettrait de frapper Téhéran sans entrer dans une "escalade", estime notre consultant.

"L'objectif c'est d'éviter un embrasement", analyse-t-il. "Il n'y aura jamais de forces terrestres israéliennes qui vont aller en Iran. (La riposte) sera quelque chose de spectaculaire, mais dans le temps et sans forcément vouloir tout détruire", ajoute-t-il.

"Il est à peu près acquis qu'il n'y aura pas de riposte militaire ouverte de Tsahal sur le sol iranien", abonde le directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique Bruno Tertrais au Parisien.

"Il peut en revanche y avoir des ripostes masquées, discrètes sur des installations ou des forces iraniennes dans la région", considère-t-il lui aussi. Il estime, en revanche, qu'Israël va probablement éviter de viser des installations nucléaires qui feraient entrer les deux pays dans le "scénario du pire".

Un embrasement "peu probable" pour certains experts

Plus largement, la chercheuse Héloïse Fayet estime "peu probable" que l'Iran "prenne le risque délibéré d'un embrasement régional".

"(Les autorités) savent que l'Iran serait perdant dans un affrontement conventionnel direct impliquant Israël, ses alliés régionaux et l'Occident", estime-t-elle auprès de Libération.

Du côté d'Israël, les États-Unis ont déjà envoyé un message à leur allié. "Le président a été clair: nous ne voulons pas d'escalade. Nous ne voulons pas d'une guerre étendue avec l'Iran", a déclaré dimanche sur les télévisions américaines le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.

Les États-Unis en pare-feu?

Pour Benjamin Petrover, rédacteur en chef chez I24news, les États-Unis ne peuvent pas empêcher une riposte d'Israël à l'attaque iranienne "si l'on écoute les déclarations israéliennes", mais ils le peuvent "dans les faits", dit-il sur BFMTV.

"Ceux qui ont aidé Israël à résister samedi soir à l'offensive iranienne, ce sont les alliés, notamment les Américains donc ce serait un comble de décider de sa réponse seul", soutient-il, précisant que des "représentants militaires américains" étaient en Israël les jours précédents l'attaque.

"On peut dire que dans une certaine mesure (le président américain Joe Biden) a déjà été entendu puisqu'Israël a choisi de se donner le temps et de ne pas répliquer immédiatement", analyse de son côté Thierry Arnaud, éditorialiste de politique internationale pour BFMTV.

Pour autant, il rappelle que "quand Israël a décidé de taper ce bâtiment consulaire de l'ambassade iranienne à Damas, (ils) n'ont pas demandé l'autorisation des États-Unis". "Ce qu'on constate depuis le 7 octobre, c'est que Benjamin Netanyahu a une tendance assez marquée à ignorer toutes les demandes de Joe Biden, ou la plupart en tout cas, pour faire ce qu'il a en tête", ajoute-t-il.

Article original publié sur BFMTV.com