Ingérence russe : une campagne de désinformation usurpe l’identité du Point en faveur de Marine Le Pen

Au premier coup d’oeil, tout semble laisser croire qu’il s’agit d’un article du Point. Tout, sauf son URL qui n’a absolument rien à voir avec celle du média français.
Capture d’écran X Au premier coup d’oeil, tout semble laisser croire qu’il s’agit d’un article du Point. Tout, sauf son URL qui n’a absolument rien à voir avec celle du média français.

INTERNATIONAL - « Usurpation d’identité ». C’est avec des mots forts que le magazine français Le Point a alerté ce vendredi 7 juin ses lecteurs d’une campagne de désinformation russe à l’œuvre contre son site web. Dernier exemple en date des opérations russes pour déstabiliser la France, à quelques jours du scrutin des élections européennes.

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Dans un message posté sur X, le média français informe ses lecteurs qu’un « faux site Le Point diffuse des articles incitant à voter pour des partis d’extrême droite », avant de mettre en garde sur les bonnes pratiques à mettre en place pour éviter toute confusion.

« Vérifiez que l’URL de l’article commence bien par lepoint.fr », écrit également le journal.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs comptes avaient mis en garde quelques heures plus tôt contre une usurpation de l’identité visuelle du site d’actualité français, utilisé pour relayer la parole de l’extrême droite française, en particulier celle du Rassemblement national de Marine Le Pen. Dans l’un de ces articles trompeurs, Emmanuel Macron est d’ailleurs surnommé le « Napoléon de poche » pour sa volonté de permettre à Kiev d’utiliser des armes occidentales pour se défendre contre la Russie. L’article cite alors la réponse de Marine Le Pen, présentée comme la plus grande opposante aux velléités belliqueuses du président français dans le conflit russo-ukrainien.

Véritable pamphlet contre la position française vis-à-vis de l’Ukraine, la fin de l’article incite donc, à quelques jours des élections européennes, à voter pour la droite : « Le 9 juin, nous devrons choisir entre une France d’avenir avec la droite ou une guerre contre la Russie, voulue par Macron et perdue d’avance. Le bon choix est évident ».

Sur X, un internaute illustre cette vaste campagne de désinformation pro-russe en compilant un grand nombre de comptes (des « bots » russes) relayant cet article. Version anglaise ou française, tout y passe pour relayer au plus grand nombre ce texte sobrement intitulé « La France se réveille et choisit la droite et la paix ».

Le Point rappelle d’ailleurs qu’il a déjà été victime d’« une usurpation d’identité pour une campagne pro-russe » en 2023 dans des conditions similaires à celles à l’œuvre ces derniers jours, à l’approche du scrutin européen du 9 juin.

Ingérence partout

Utilisé pour désinformer et déstabiliser les pays occidentaux depuis le début de la guerre en Ukraine, ce nouvel exemple d’ingérence russe s’inscrit dans un ensemble de réseaux de désinformation, dont le plus célèbre, surnommé « Doppelgänger », avait déjà été pointé du doigt pour des copies numériques de médias français comme ceux du Monde ou 20 Minutes. Mais la France n’est pas la seule touchée. Des exemples avec le journal britannique The Guardian ou Der Spiegel en Allemagne existent aussi.

Ce vendredi, le site de fact-checking de Libération, CheckNews, témoigne également d’ingérences russes à l’œuvre dans sa propre rédaction en citant un message reçu par un soi-disant destinataire ukrainien souhaitant revenir sur l'affaire des cercueils retrouvés non loin de la Tour Eiffel samedi 1er juin. Des cercueils remplis de plâtre mais qui étaient « recouverts d’un drapeau français, avec la mention : ’soldats français morts en Ukraine’ ».

Sauf que le message reçu par le journaliste de CheckNews sur WhatsApp par ce numéro ukrainien a été envoyé sur un numéro utilisé par ce même journaliste pour enquêter sur d’autres ingérences russes survenues ces derniers mois en France : l’affaire des étoiles de David taguées au pochoir dans Paris et sa proche banlieue. Autre détail troublant : selon des sources policières, les protagonistes de l’affaire des cercueils seraient en lien direct avec celle des « mains rouges » taguées sur le Mémorial parisien de la Shoah le 15 mai dernier. Un travail de déstabilisation inquiétant que souhaite mettre en perspective Checknews pour alerter sur leurs méthodes : « les réseaux qui défendent les intérêts russes s’organisent en ligne pour solliciter massivement les médias ».

Les exemples s’accumulent et inquiètent à l’approche du vote du 9 juin, où le risque d’interférences venues de Moscou dans le scrutin est pris avec sérieux par les autorités françaises et les instances européennes. À trois jours du scrutin, la vice-présidente de la Commission européenne Vera Jourova assurait à ce sujet que la France, l’Allemagne et la Pologne étaient les trois pays les plus ciblés par des attaques de désinformation russe, selon les travaux de l’Observatoire européen des médias numériques. Pour la France, Vera Jourova insistait sur la présence d’attaques « de plus grande ampleur » concernant les Jeux olympiques de Paris 2024 ou la crise en Nouvelle-Calédonie.

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