Incidents avant OM-OL en Ligue 1 : Où s’arrête la responsabilité des clubs ?

Pablo Longoria, ici s’adressant aux médias après les incidents avant OM-OL, à l’Orange Vélodrome, le 29 octobre 2023.
CHRISTOPHE SIMON / AFP Pablo Longoria, ici s’adressant aux médias après les incidents avant OM-OL, à l’Orange Vélodrome, le 29 octobre 2023.

FOOTBALL - Le football français a vécu l’une de ses plus tristes soirées du XXIe siècle ce dimanche 30 octobre à Marseille. Il n’avait surtout jamais connu un tel épisode : un sommet entre l’OM et l’OL reporté quelques minutes avant le coup d’envoi après le caillassage du bus de l’équipe visiteuse, un entraîneur blessé dont le visage sang s’est affiché le lendemain sur toutes les unes de la presse, six cars des supporters visiteurs également touchés par des projectiles, et ces mêmes fans adverses finalement auteurs, pour certains, de gestes racistes et de saluts nazis une fois entrés dans le stade Vélodrome.

Cette liste de faits, concentrés en seulement deux petites heures entre 19 heures et 21 heures, interroge quant au niveau de « permissivité » pour une rencontre pourtant particulièrement scrutée et sécurisée en amont.

Que dit le règlement de la Ligue de football professionnel (LFP) ? Qui est responsable ? De quoi ? Et jusqu’où ? Le HuffPost tente de mettre les choses à plat pour y voir plus clair après ce non-match, qui risque de laisser des traces béantes sur cette saison du championnat de France, qui plus est au moment crucial où la Ligue cherche à vendre les droits de diffusion de la Ligue 1, en France et à l’étranger.

Revenons tout d’abord sur les faits principaux. Vers 19 heures dimanche, au moment où il décélère dans un virage, le bus des joueurs de l’Olympique lyonnais est violemment attaqué et caillassé par plusieurs dizaines de supporters marseillais au niveau de la brasserie L’Olympe (le point rouge sur la carte ci-dessous), sur le boulevard de Sainte-Marguerite, comme le rapporte L’Équipe. Il lui restait alors seulement 150 mètres et un dernier virage à effectuer avant de pénétrer dans l’enceinte du stade Vélodrome.

L’attaque du bus de l’OL s’est déroulée vers 19h, dimanche, au niveau de la brasserie L’Olympe (le point rouge sur la carte), à moins de 300 m à vol d’oiseau du stade.
Google Maps L’attaque du bus de l’OL s’est déroulée vers 19h, dimanche, au niveau de la brasserie L’Olympe (le point rouge sur la carte), à moins de 300 m à vol d’oiseau du stade.

Au niveau sécuritaire, le règlement de la LFP est formel dans son article 541 qui concerne l’« encadrement des supporters », mais qui a trait aussi à celui des joueurs et dirigeants de l’équipe visiteuse. « En cas de manifestations hostiles aux arbitres, aux délégués, aux joueurs et dirigeants de l’équipe visiteuse, ainsi qu’aux supporters, (le club visité) doit, avec le responsable des forces de police, prendre toutes dispositions utiles pour assurer la protection des personnes visées, même à l’extérieur du stade. »

500 policiers et gendarmes mobilisés

C’était manifestement le cas dimanche soir à l’approche du stade Vélodrome, comme l’a martelé le ministre de l’Intérieur ce lundi 30 octobre sur BFMTV/RMC. Gérald Darmanin assure que « 500 policiers et gendarmes avaient été mobilisés » pour sécuriser cette rencontre classée à risques, essentiellement parce que les supporters lyonnais avaient été autorisés, au nombre de 600, à faire le déplacement à Marseille pour la première fois depuis plusieurs années.

Pour le ministre, il n’y a « pas eu de défaillance » de la police. « Il y avait des motards, des policiers qui encadraient les bus », explique-t-il. « Des canettes de bière » ont été lancées « sur les vitres » des bus. « Ce n’est pas de la responsabilité du ministère de l’Intérieur, mais c’est de la responsabilité de ceux qui jettent la canette », fait-il valoir, comme vous pouvez l’entendre dans la vidéo ci-dessous. « Il ne faut pas inverser les valeurs ! », a-t-il encore insisté, précisant que neuf individus avaient été interpellés.

Dès dimanche soir, la préfète de police de Marseille, Frédérique Camilleri, allait dans le même sens, indiquant que les incidents étaient le fait d’« une poignée d’inconscients irresponsables ». Elle insistait aussi sur la « préparation » du match avec les groupes de supporters lyonnais et marseillais « pour réautoriser la venue des (supporters) lyonnais au stade Vélodrome ».

De fait, contrairement aux sérieux incidents lors de Nice-OM et OL-OM en 2021 qui s’étaient déroulés à l’intérieur des enceintes et qui avaient pénalisé les clubs responsables, l’Olympique de Marseille ne risque en théorie aucune sanction sportive pour ces faits survenus en dehors de son stade, sur la voie publique, et alors qu’un dispositif sécuritaire conséquent avait été mis en place en lien avec la préfecture.

Comme la LFP l’a précisé dans un communiqué publié dès 21 heures dimanche, c’est sa commission des compétitions qui devra désormais « se prononcer (ce jeudi, ndlr) sur le sort de cette rencontre par application de l’article 544 du règlement des compétitions ».

« Au cas où une équipe ne peut se présenter sur le terrain à l’heure en invoquant des circonstances exceptionnelles liées, notamment, à son déplacement, le match peut être donné à jouer par la commission des compétitions après appréciation du caractère exceptionnel des événements ayant empêché l’équipe concernée d’arriver à l’heure », stipule notamment cet article 544 relatif à l’« absence de présentation d’une équipe ».

Un match disputé le 6 décembre ?

Résultat : le match devrait simplement être disputé au stade Vélodrome, devant du public, à une date ultérieure qui pourrait être le mercredi 6 décembre au vu des calendriers des deux équipes.

Malgré tout, la ministre des Sports a ouvert ce lundi une porte sur la responsabilité des clubs vis-à-vis de leurs supporters, quand bien même un dispositif sécuritaire conséquent était mis en place. À la question de savoir si « les clubs de football » avaient « une responsabilité sur le comportement de leurs supporters y compris parfois en dehors du stade », Amélie Oudéa-Castéra a répondu sur France 2 : « bien entendu, s’il est établi qu’il y a des supporters impliqués et que les rôles et les responsabilités permettent de l’établir de manière très claire, les clubs ne peuvent pas se désintéresser de cela, les associations de supporters non plus, la Ligue non plus. »

Elle prône notamment « une réponse globale » qui implique « justice, maintien de l’ordre, dialogue au sein de toutes les instances du secteur sportif qui doivent toutes être responsabilisées ».

Un discours qui a des limites et qui pose des questions presque insolubles quant à la responsabilité des clubs en dehors de leur enceinte : que dirait-on si les mêmes faits s’étaient déroulés à plusieurs kilomètres du stade, par exemple juste avant ou à une sortie d’autoroute ? Où s’arrête vraiment le périmètre à sécuriser par les forces de l’ordre ? Quid de personnes n’ayant rien à voir avec les supporters du club et qui seraient auteurs des mêmes faits dans le simple but de commettre des violences, comme c’est parfois le cas lors de manifestations ?

À ce propos, le directeur général de la LFP Arnaud Rouger a commencé à esquisser une réponse ce lundi sur RMC. « Nous sommes en train de finaliser avec les ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Sports une nouvelle convention qui fixe les modalités d’organisation des rencontres et des périmètres des responsabilités de chacun », a-t-il expliqué. Avant de se défausser de toute responsabilité dans les événements du Vélodrome, rappelant qu’ils s’étaient produits hors du stade, et d’encourager, comme Gérald Darmanin, une fermeté de la justice contre les fauteurs de troubles. Le seul point d’accord entre les différents protagonistes en somme.

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