Incendies: Comment les feux en Gironde tournent à l'affrontement politique

Un pompier luttant contre le feu à Louchats en Gironde, lundi 18 juin. (Photo: POOL New via Reuters)
Un pompier luttant contre le feu à Louchats en Gironde, lundi 18 juin. (Photo: POOL New via Reuters)

Un pompier luttant contre le feu à Louchats en Gironde, lundi 18 juin.  (Photo: POOL New via Reuters)

POLITIQUE - La maison brûle. Pour de vrai. Ce mardi 19 juillet, les “méga-feux” de La Teste-de-Buch et de Landiras continuent de ravager la Gironde, ayant déjà avalé 19.000 hectares sur leur passage. Au-delà du seul cas girondin, plusieurs départs de feu sont déplorés dans d’autres secteurs, comme dans le Vaucluse, le Finistère et la Manche. La faute -entre autres- à une météo écrasante propice aux incendies et à une importante sécheresse. Deux phénomènes de plus en plus courants avec le réchauffement climatique.

Sans surprise, la question des moyens déployés pour y faire face a rapidement été posée. Notamment sur place. Président socialiste de la région Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset a exprimé sa colère dans les colonnes de Libération, dimanche soir, déplorant “une absence d’anticipation de la crise climatique” de la part du gouvernement.

“On a la plus grande flotte d’Europe”

“C’est comme dans plein de domaines, nous constatons que la France a des difficultés à anticiper : sur les masques de protection, la crise des urgences, les travaux de recherche… Je ne comprends pas le fonctionnement de l’appareil d’Etat dans ce domaine. Je ne comprends pas le ministre de l’Intérieur qui dit, en venant à La Teste, ‘on a suffisamment de moyens’. C’est faux”, a-t-il grondé. 

“On réagit après coup et on gère crise après crise, au lieu d’anticiper. En tout cas, ce qui est certain, c’est que les impacts des événements extrêmes que l’on subit doivent nous ouvrir les yeux sur les transformations profondes à réaliser”, regrette de son côté Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux.

Une musique qui commence à s’entendre au niveau national. “Il manque de canadairs, il manque de commandants, il faut former des pilotes pour qu’il y ait assez de rotations...La France et l’Europe devraient commander des avions en nombre suffisant, car ce type de méga-feux vont continuer à cause du réchauffement climatique”, a déclaré ce mardi 19 juillet le député communiste du Nord Fabien Roussel sur France 2.

Des critiques auxquelles le gouvernement n’a pas tardé à répondre. “On a beaucoup augmenté les moyens de la sécurité civile”, a répliqué sur franceinfo le ministre du Budget Gabriel Attal, soulignant une rallonge de 200 millions d’euros “au cours des dernières années”. “On a la plus grande flotte d’Europe en matière d’avions, d’hélicoptères pour lutter contre les incendies, et on va continuer à la renforcer”, a-t-il ajouté, annonçant un investissement total de 850 millions d’euros sur les deux quinquennats d’Emmanuel Macron sur la lutte contre les feux de forêts.

Des éléments de langage également martelés par Franck Riester, ministre chargé des relations avec le Parlement.Outre les moyens, le gouvernement est également attaqué, notamment à l’extrême droite, sur son refus de réintégrer les pompiers non vaccinés, malgré les incendies qui se multiplient. C’est notamment le cas du président par intérim du Rassemblement national Jordan Bardella, ou de la députée RN du Tarn-et-Garonne Marine Hamelet.

En réalité, comme l’avait démontré franceinfo, la part des pompiers non vaccinés ne représentent qu’une infime partie des personnels mobilisables. “Les besoins sont sans commune mesure avec le nombre d’agents suspendus”, notait Sébastien Delavoux, porte-parole de la CGT SDIS, cité par la radio.

Les écologistes pris pour cibles

Mais spécificité du cas girondin, le gouvernement n’est pas le seul à se trouver sous le feu (si l’on ose dire) des critiques. C’est ainsi que des responsables écologistes sont également accusés d’avoir favorisé la catastrophe. Comment? En ayant participé à une mobilisation ayant conduit à l’abandon du plan de gestion de la forêt usagère de la Teste de Buch, où l’incendie fait rage.

“Quand j’étais petite il y avait des pare-feux énormes, et là il y a des écolos un peu dingos qui ont dit ’Non non, il faut qu’on laisse la forêt endémique prospérer toute seule’, et on voit bien que les pompiers ont un mal fou à aller jusqu’au feu. L’année dernière les écolos disaient qu’ils étaient contents d’avoir empêché les aménagements souhaités par les pompiers pour protéger la forêt”, a affirmé la porte-parole du RN Laure Lavalette sur CNews.

Des accusations que réfutent les écologistes, notamment la sénatrice EELV de la Gironde Monique de Marco, qui avait posé une question au gouvernement à ce sujet l’an passé. “Il y a un an, à la suite de l’interpellation des usagers de la forêt usagère de La Teste de Buch, j’ai demandé au gouvernement de protéger cette forêt. Mme Sophie Panonacle, député LREM du bassin d’Arcachon a fait la même demande”, explique sur Twitter l’élue girondine, alors que l’initiative était également appuyée par le maire LR de La Teste-de-Buch.

Afin de trancher, le gouvernement avait suspendu le plan simple de gestion de la forêt usagère de La Teste-de-Buch et commandé un rapport pour “objectiver le cadre juridique opposable aux propriétaires forestiers et aux bénéficiaires du droit d’usage”. Un document qui ne reniait pas le droit d’usage mais appelait à l’adapter aux impératifs de préservation de la biodiversité.

Dans ce rapport, le gouvernement demandait à réaliser les travaux nécessaires à la lutte contre les incendies. Ce à quoi aucun écologiste ne s’est opposé. “La vérité, c’est que la gestion naturelle d’une forêt usagère n’empêche nullement la mise en place de toutes les voies d’accès incendie nécessaires. Pour la forêt usagère de La Teste-de-Buch, les travaux étaient prévus pour cet été”, rappelle sur Twitter le patron d’EELV Julien Bayou.

En outre, en France ou ailleurs, les méga-feux n’ont pas attendu des batailles juridiques impliquant des élus (écologistes ou non) pour se manifester. Côté exécutif, la Première ministre assure suivre l’évolution des “très près” et, selon Politico, Emmanuel Macron pourrait se rendre sur les lieux ces prochains jours une fois la situation stabilisée. Ce que l’entourage du chef de l’État a démenti au HuffPost, alors que cette question devient politiquement inflammable. 

À voir également sur Le HuffPost: Face à la canicule et aux feux de forêts, la mise en garde d’Emmanuel Macron

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

LIRE AUSSI