Immigration, Ukraine, super-profits... Ce qu'il faut retenir du débat entre Jordan Bardella et Valérie Hayer
C'était leur premier face-à-face. Durant plus de deux heures de débat sur BFMTV, Jordan Bardella et Valérie Hayer ont présenté ce jeudi 2 mai les principales idées de leur camp respectif pour les prochaines élections européennes.
Grand favori des sondages, le président et candidat du Rassemblement national a déclaré vouloir "bâtir l'Europe du XXe siècle" tout en "sanctionnant la politique d'Emmanuel Macron.
Face à lui, la tête de liste Renaissance, annoncée à plus de dix points de son adversaire du soir dans les sondages, s'est dite "profondément européenne", assurant que "le combat pour l’Europe, c'est aussi le combat contre l'extrême droite".
• Mort de Matisse: Hayer déplore un "drame", Bardella un "fait de société"
Depuis samedi 27 avril, la mort du jeune Matisse à Châteauroux (Indre) a suscité une vague d’émotion. L’adolescent de 16 ans a succombé à ses blessures, après plusieurs coups de couteau lors d'une "rixe".
Valérie Hayer a évoqué sur notre antenne un “drame” et apporté son soutien aux proches du garçon. Elle a toutefois appelé à “la responsabilité et à la dignité" de chacun, comme l’a fait le père de Matisse dans la presse.
De son côté, Jordan Bardella a refusé d’utiliser le terme "fait divers" pour qualifier la mort de "fait de société". Le leader d’extrême droite a insisté sur l’origine du suspect mis en examen, un jeune Afghan en situation régulière en France, assumant un lien entre immigration et délinquance.
"L'immigration est devenue le pire carburant pour la violence de rue et l'insécurité dans notre pays", a-t-il déclaré.
• Hayer attaque Bardella sur Jean-Marie Le Pen et l’antisémitisme
Autre sujet d’actualité sur lequel les deux candidats ont été interrogés: les actions sur les campus français en soutien au peuple palestinien. Alors que Valérie Hayer s’est dite "choquée par ce qui se passe" dans les universités, Jordan Bardella y a vu une forme d’antisémitisme, avec la France insoumise qui "bordélise" et le gouvernement qui "tolère".
"Quand on dénonce des partenariat entre Sciences po et des universités israéliennes, on n'est pas dans la défense de la Palestine, on est dans l’antisémitisme le plus crasse", a-t-il lancé.
En réponse, la candidate macroniste a rebondi sur le terme "antisémitisme" et demandé au président du RN de "clarifier un certain nombre" de ses positions sur le sujet, lui sommant de concéder que "Jean-Marie Le Pen a été le déshonneur de (s)a formation politique pendant 50 ans".
"Vous avez déjà appelé Jean-Marie Le Pen au secours, a rétorqué Jordan Bardella. Je pense que ce débat va être très long".
Reconnaissant des propos "éminemment antisémites" de l'ancien dirigeant du Front national, le candidat de 28 ans a assuré que son parti était un "bouclier pour les juifs de France face à la montée de l’idéologie islamiste, alimenté par la politique migratoire" du gouvernement.
• Un débat à "ouvrir" sur la taxation des super-profits
Sur le volet du pouvoir d'achat des Français, en lien avec la politique européenne, Jordan Bardella s'est dit "favorable" à la taxation de "super-profits" de certains industriels de l'alimentaire ou des énergéticiens, qui ont bénéficié de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Selon lui, cette "taxation exceptionnelle pendant le temps de la guerre" pourrait "rendre du pouvoir d'achat aux Français", en permettant notamment de supprimer la TVA sur "les produits de première nécessité".
"C'est merveilleux, on l'a fait", lui a répondu Valérie Hayer. Elle a ainsi fait référence à la taxe sur les superprofits des énergéticiens qui a rapporté 600 millions d'euros en 2023, contre les 3 milliards d'euros espérés. "Il faut ouvrir le débat sur les super-profits extraordinaires", a-t-elle poursuivi.
La candidate de la majorité présidentielle a même élargi le débat à une taxation des "ultra-riches", mais uniquement "à l'échelle internationale" pour ne pas faire fuir les investisseurs d'Europe et de France.
• Hayer "soutient" une adhésion de l'Ukraine à l'UE, Bardella opposé
Plusieurs semaines après l'évocation par Emmanuel Macron de troupes françaises en Ukraine, une nouvelle fois répétée ce jeudi, le candidat d'extrême droite aux prochaines élections européennes a mis en garde face à des positions "dangereuses" qui font courir à l'Europe un "risque majeur, celui de l'escalade".
"Il fait le jeu de la division du camp occidental", a estimé le président du RN, appelant à la "désescalade".
Pour Valérie Hayer, "la sécurité des Ukrainiens, c'est notre sécurité". Face à un monde qui "est en train de changer", nous devons bâtir notre défense européenne", a-t-elle martelé.
Concernant la probable adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne - à laquelle la macronie est favorable - Jordan Bardella s'est montré "opposé à toute nouvelle forme" d'élargissement, mentionnant également le cas de la Turquie.
"Nous n'intégrerons pas l'Ukraine sans repenser entièrement le budget européen", a assuré la candidate macroniste, qui "soutient" cependant cette adhésion. Quant à l'éventuel élargissement à la Turquie, "on y mettra un terme", a-t-elle ajouté.
• Bardella dénonce la "décroissance" de l'agriculture française en Europe
Quelques semaines après une mobilisation des agriculteurs à travers l'Europe, Valérie Hayer a été attaquée sur le bilan d'Emmanuel Macron qui a mis "des milliers d'agriculteurs dans les rues du pays".
"Je vous accuse d’avoir plongé l’Europe et nos agriculteurs dans la décroissance", a lancé Jordan Bardella.
D'après lui, les accords de libre-échange "ne respectent aucune des normes qui sont imposées à nos agriculteurs", et qui créent une "concurrence déloyale".
Face à lui, la candidate Renaissance a défendu les votes de son camp au Parlement européen. Elle s'est félicitée de la "bataille pour le budget de la politique agricole commune (PAC), permettant 10 milliards d'euros d'aide par an aux agriculteurs français.
"Sans l’Europe, notre agriculture française ne serait pas si forte", a-t-elle scandé.
Malgré cela, Jordan Bardella a estimé que "nos agriculteurs n'arrivent plus à être compétitifs". C'est pourquoi il a plaidé pour une "exception agriculturelle française".
• Deux visions sur le défi migratoire
Face au défi migratoire, les députés européens ont voté au début du mois d'avril un Pacte sur la migration et l'asile qui vise à redéfinir la politique d'accueil de migrants au sein de l'Union européenne.
Valérie Hayer a défendu ce pacte, soutenant l’espace Schengen. Il "répond au défi migratoire et régule l’immigration irrégulière". Selon elle, pour la première fois, “on a un examen des demandes d’asile directement à la frontière.”
Elle a toutefois ajouté: "Ce que je veux avec ce mécanisme, c'est que les autres pays prennent leur part. Pourquoi ça devrait toujours être la France qui accueille les demandeurs d'asile et pas Viktor Orban? Les Tchèques? Les Slovaques? Les Roumains?"
Jordan Bardella a, lui, une vision plus radicale. En détaillant plusieurs mesures du RN, il a mentionné la restriction de la libre circulation dans l'espace Schengen "aux seuls ressortissants de l'Union européenne".
Le président du RN a également estimé qu'il "faut traiter les demandes d'asile dans les ambassades et consulats de départ non plus depuis l'administration en France".
"Il faut que notre pays ne soit plus un guichet social où tous les migrants qui posent un pied en Europe soient tentés de venir", a encore ajouté le candidat d’extrême droite.