Immigration : la condition fixée par Les Républicains en dit long sur les chances du texte à l’Assemblée

Photo : Éric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau quittant Matignon le 5 avril 2023.
THOMAS SAMSON / AFP Photo : Éric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau quittant Matignon le 5 avril 2023.

POLITIQUE - Comme un ultimatum qui ne dit pas son nom. Reçus à Matignon par Élisabeth Borne pour la deuxième fois en deux jours ce jeudi 14 décembre, le patron des Républicains Éric Ciotti et les présidents des groupes parlementaires Olivier Marleix et Bruno Retailleau en sont ressortis avec un mot d’ordre clair : sur le projet de loi immigration, ils veulent le texte du Sénat ou rien.

Après une première rencontre de plus de deux heures mercredi à l’issue de laquelle les chefs à plumes de la droite ont quitté Matignon sans un mot, Éric Ciotti s’est fendu ce jeudi en fin de matinée d’un résumé lapidaire sur X : « Avec Olivier Marleix et Bruno Retailleau, nous avons ce matin confirmé à la Première ministre, notre volonté de voir le texte du Sénat adopté en commission mixte paritaire. »

« Ça reste le cap », a affirmé à l’AFP sa collègue députée Annie Genevard, membre d’une CMP où la droite se présente « en ordre groupé » et « bien campée sur (son) objectif », éventuellement ouverte à « des bougés » mais « pas des abandons en rase campagne ».

La version adoptée par le Sénat mi-novembre est beaucoup plus dure que la proposition initiale du gouvernement. Outre des expulsions facilitées et la suppression de l’automaticité du droit du sol, les modifications apportées suppriment aussi l’AME au profit d’une aide médicale d’urgence et redonne les pleins pouvoirs au préfet sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Et, faute de débat dans l’hémicycle à la suite de la motion de rejet, c’est bien ce texte qui va servir de base aux discussions de la Commission mixte paritaire lundi.

Lignes rouges Renaissance versus lignes rouges LR

Au sein de la commission mixte paritaire, Les Républicains disposent de quatre voix, cinq en comptant le sénateur centriste allié, soit autant que le camp présidentiel. Néanmoins, le député Renaissance de la Vienne Sacha Houlié qui présidera la commission a reconnu sur France 2 ce jeudi qu’« il est clair aujourd’hui qu’une majorité ne peut être trouvée qu’entre Renaissance et les Républicains » et que « si nous parvenons à un accord, oui », le texte sera plus à droite.

Pour limiter la casse - et le risque de fracture entre l’aile droite et la gauche - les députés de la majorité ont donc voté dans la nuit de mercredi des « lignes rouges » : maintien de l’Aide médicale d’État, interdiction de placer en centre de rétention des mineurs de moins de 16 ans, pas de restriction du droit du sol, retrait de l’article qui conditionne le bénéfice de certaines aides sociales à cinq années de résidence en France.

Sur la mesure la plus médiatisée du projet de loi, la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, la majorité se résigne à discuter de la version du Sénat. Mais elle cherchera au moins « à ce que la régularisation soit possible pour un étranger sans passer obligatoirement par l’employeur », a précisé le chef des députés macronistes Sylvain Maillard sur Sud Radio.

De son côté, tout en estimant que « reprendre le texte du Sénat » était « le seul moyen aujourd’hui » pour que le projet de loi aboutisse, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a appelé son ancienne famille politique à la « mansuétude » et dit espérer que « les LR comprennent qu’il faut bouger les lignes sur deux points sensibles pour notre majorité : l’AME et les conditions d’accès aux aides sociales ».

LR, pas du genre à faire un geste « parce que c'est Noël »

Le président de la Commission des Lois Sacha Houlié a appelé ce jeudi à « laisser travailler la CMP » sans anticiper de son résultat final. Mais si, comme le laisse entendre le tweet d’Éric Ciotti, les Républicains refusent tout compromis d’envergure, la durée de vie du texte risque d’être dans tous les cas de courte durée.

Premier scenario : la majorité finit par se plier aux exigences de la droite, la CMP est conclusive. Mais « je ne pense pas que la majorité (et notamment le MoDem) puisse se renier à ce point », pronostique auprès du HuffPost une source socialiste à l’Assemblée, surtout quand plane derrière le risque d’une fracture entre aile droite et aile gauche de la majorité au moment du vote dans l’hémicycle.

Le second : aucun des deux camps ne cède, la CMP n’est pas conclusive et le gouvernement renonce à son projet de loi dans l’immédiat. Auprès de l’AFP un cadre de la majorité au Sénat, dit ses doutes que les dirigeants LR fassent « un geste parce que c’est Noël ». « Pourquoi voulez-vous que ceux qui sont montés au cocotier se déshabillent ? Ils n’en ont rien à faire si c’est compliqué derrière à l’Assemblée », résume-t-il. Décidément, personne n’imagine Bruno Retailleau, Éric Ciotti et Olivier Marleix en lutins de Noël.

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