Les images du Haut-Karabakh vidé de sa population après un exode massif

Les images du Haut-Karabakh vidé de sa population après un exode massif (Photo d’une voiture de police azerbaïdjanaise contrôlant une route vide à Stepanakert le 2 octobre 2023)
Aziz Karimov / Getty Images Les images du Haut-Karabakh vidé de sa population après un exode massif (Photo d’une voiture de police azerbaïdjanaise contrôlant une route vide à Stepanakert le 2 octobre 2023)

INTERNATIONAL - L’Azerbaïdjan et l’Arménie se regardent en chiens de faïence dans le silence revenu des montagnes. Le poste-frontière de Latchine, entre l’Arménie et le Nagorny Karabakh, la seule route qui relie les deux territoires, est désormais plongé dans la torpeur.

Après neuf jours de panique et un exode continu des Arméniens de l’enclave sur la route qui serpente, la frontière est déserte. Pour la première fois en 30 ans, une mission de l’ONU est arrivée dimanche dans l’enclave pour évaluer les besoins humanitaires sur place.

Très peu d’informations filtrent sur la situation à Stepanakert désertée de sa population (55.000 habitants), après l’offensive éclair et victorieuse de Bakou et la capitulation des séparatistes le 20 septembre dernier. La ville, que Bakou appelle Khankendi, est toujours inaccessible à la presse pour des raisons de « sécurité ».

Aucune destruction observée par la mission de l’ONU

La mission de l’ONU n’a vu aucune destruction ni recueilli aucun témoignage concernant des violences contre les civils depuis le cessez-le-feu, a indiqué un porte-parole lundi. Ses membres ont notamment visité Stepanakert. « Dans les parties de la ville visitées », l’équipe n’a « vu aucun dommage aux infrastructures publiques civiles, notamment hôpitaux, écoles et logements, ou aux infrastructures culturelles et religieuses », a indiqué le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric, notant toutefois qu’« aucun magasin ne semblait ouvert ». Ils n’ont pas vu non plus de destruction d’infrastructures agricoles ni d’animaux morts.

« Al Jazeera donne des nouvelles depuis Khankendi/Stepanakert sur l’exode des Arméniens :  Ils nous disent qu’ils n’ont trouvé aucun cas de personnes forcées de quitter leur domicile, confrontées à des abus ou bafouées dans leurs droits.” »

Les images du Haut-Karabakh vidé de sa population après un exode massif
EMMANUEL DUNAND / AFP Les images du Haut-Karabakh vidé de sa population après un exode massif

« Nos collègues ont été frappés par la soudaineté avec laquelle la population locale a fui, et par la souffrance que l’expérience leur a causée », a toutefois ajouté le porte-parole de l’ONU. Toutefois, « ils n’ont recueilli aucune information, de la part de la population ou d’autres, sur des violences contre des civils suite au dernier cessez-le-feu ».

100.000 réfugiés

La mission s’est rendue sur un point de contrôle à la frontière entre le Nagorny Karabakh et l’Arménie, a précisé en fin de journée un porte-parole du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères. De son côté, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a annoncé qu’elle se rendrait mardi en Arménie pour « réaffirmer le soutien de la France à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Arménie ». Paris avait déploré que l’Azerbaïdjan n’ait consenti à la mission de l’ONU qu’après l’exode massif d’Arméniens.

Les images du Haut-Karabakh vidé de sa population après un exode massif (Photo d’une voiture de police azerbaïdjanaise contrôlant une route vide à Stepanakert le 2 octobre 2023)
EMMANUEL DUNAND / AFP Les images du Haut-Karabakh vidé de sa population après un exode massif (Photo d’une voiture de police azerbaïdjanaise contrôlant une route vide à Stepanakert le 2 octobre 2023)

Les séparatistes arméniens, qui ont contrôlé le Nagorny Karabakh pendant trois décennies, après la dislocation de l’URSS, ont capitulé la semaine dernière, face une offensive éclair de l’Azerbaïdjan qui a fait près de 600 morts dans son sillage.

Depuis, l’enclave a été désertée par ses habitants, avec plus de 100.000 réfugiés - sur les 120.000 habitants y vivant officiellement - ayant fui en Arménie par crainte de représailles de l’Azerbaïdjan, faisant craindre une crise humanitaire majeure.

« Faut que les gens vivent »

Dimanche, le poste-frontière entre l’Arménie et le Nagorny Karabakh, situé sur le corridor de Latchine, la seule route qui relie les deux territoires, était désert, a constaté une journaliste de l’AFP.

La présidence azerbaïdjanaise a annoncé dimanche qu’un service des migrations avait commencé à fonctionner dans la principale ville du Nagorny Karabakh, Khankendi (Stepanakert en arménien) pour enregistrer les habitants restants et assurer « leur réinsertion durable » à la société azerbaïdjanaise.

Le gouvernement central a « également commencé à mettre en place les services médicaux appropriés » dans la ville, selon le communiqué. Nazeli Baghdasaryan, porte-parole du Premier ministre arménien, a de son côté indiqué que « le transfert des personnes déplacées de force touche à sa fin, avec 100.514 réfugiés arrivés en Arménie », dimanche soir. Parmi eux, 47.322 se trouvent dans des logements fournis par l’État, a-t-elle ajouté.

La veille, l’ancien médiateur des droits du Nagorny Karabakh, Artak Beglarian, a affirmé que seules « quelques centaines de fonctionnaires, d’urgentistes et de personnes ayant des besoins spéciaux » restaient sur place.

Dans leur fuite, au moins 170 personnes ont péri dans l’explosion lundi d’un dépôt de carburant, qui a aussi fait 349 blessés, la plupart souffrant de graves brûlures.

Jour de prière

L’Arménie, à majorité chrétienne, a pour sa part célébré dimanche un jour de prière pour le Nagorny Karabakh. À Erevan, la cathédrale Saint-Sarkis était selon les fidèles inhabituellement pleine dimanche matin.

Le conflit au Nagorny Karabakh « est juste de la politique, pas une histoire de religion : l’Azerbaïdjan est une dictature, a du pétrole et du gaz et l’Europe n’a pas besoin de nous », a dit à l’AFP Ararat Havseian, un Irano-arménien.

Dimanche, le pape Francois a lui appelé au « dialogue » entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie pour mettre fin à « la crise humanitaire », avec le soutien de la communauté internationale.

Le flux chaotique des réfugiés a ravivé les accusations d’un « nettoyage ethnique » et Erevan a lancé un nouvel appel à la Cour internationale de justice (CIJ), réclamant des mesures urgentes pour protéger les habitants de l’enclave.

L’Azerbaïdjan réfute ces accusations et assure aux habitants de l’enclave qu’ils sont libres de partir ou de rester, a indiqué samedi à l’AFP Hikmet Hajiyev, un conseiller du président azerbaïdjanais. « Nous nous abstenons délibérément de mettre des drapeaux azerbaïdjanais, nous savons qu’il reste des civils et nous connaissons leurs craintes », a-t-il déclaré.

Accusations de terrorisme

Des pourparlers entre officiels azerbaïdjanais et responsables arméniens de l’enclave étaient prévus ce lundi à Stepanakert. Des négociations entre le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian sont également attendues jeudi à Grenade en Espagne, sous médiation occidentale, pour régler leurs différends historiques.

Les peurs des réfugiés sont nourries, selon Erevan, par une série d’« arrestations illégales », bien que les autorités azerbaïdjanaises se soient engagées à permettre de partir aux rebelles qui rendraient leurs armes.

Plusieurs responsables de l’enclave ont été placés en détention, accusés de « terrorisme » et d’autres crimes.

Dimanche, le procureur général azerbaïdjanais, Kamran Aliev, a annoncé enquêter sur de possibles crimes de guerre commis par 300 responsables séparatistes qu’il a appelé à se rendre aux autorités.

À voir également sur Le HuffPost :

Sur l’Arménie, Mathieu Madénian interpelle Emmanuel Macron : « On ne laisse pas tomber ses amis »

Guerre en Ukraine : La crise dans le Haut-Karabakh montre comment la Russie a perdu de son rôle d’arbitre sur son propre terrain