Les images de la grève nationale des greffiers et de leur mobilisation massive dans les tribunaux

Les greffiers sont en grève nationale ce lundi 3 juillet.
Les greffiers sont en grève nationale ce lundi 3 juillet.

JUSTICE - Ils ne veulent plus être invisibles et ils sont « en colère ». Les greffiers sont en grève nationale ce lundi 3 juillet, un mouvement rare, pour protester contre leurs conditions de travail « dégradées » et leur rémunération jugée insuffisante.

L’intersyndicale s’attend à ce que le mouvement soit très suivi dans tout le pays. La Chancellerie ne disposait pas encore de chiffres à la mi-journée mais selon les premières remontées informelles, « on est à près de 100 % de grévistes dans certaines juridictions », a indiqué à l’AFP Hervé Bonglet, secrétaire général de l’Unsa Services judiciaires.

« À bout », lassés d’être les « invisibles de la justice », comme dit un greffier à Toulouse, ils racontent partout en France leur ras-le-bol : les « heures sup » qu’on ne compte plus, les « burn-out » et les « tableaux de remplacement » pour faire tourner le greffe. Le sentiment d’être les « grands oubliés » de la justice - loin derrière les magistrats ou les surveillants pénitentiaires. Et le logiciel de travail complètement obsolète avec « lequel on se bat tous les jours », dit un autre greffier à Bordeaux.

« Sursollicités » avec les émeutes

Pour les comparutions immédiates de l’après-midi, bien chargées avec les émeutes urbaines faisant suite à la mort de Nahel, « ils ont du mal à trouver des remplaçants pour tenir les audiences », a-t-il précisé.

Comme vous pouvez le voir sur les images ci-dessous, sur les marches du palais de justice historique de Paris, sur l’île de la Cité, ils étaient plusieurs centaines vers 13 h, en majorité vêtus de robes noires, à chanter des Marseillaises et à scander des slogans : « Greffiers en colère, révisez nos salaires ».

Sur leurs pancartes, les mêmes mots qu’ils brandissent depuis le début de ce mouvement spontané, hors syndicats, lancé en protestation contre un projet de nouvelle grille indiciaire, la « goutte d’eau » disent-ils, après des années de conditions de travail dégradées et de salaires qui n’évoluent pas. « Face au mépris la colère », « Injustice dans la justice », « Justice en colère » , est-il écrit sur les pancartes.

Benjamin (prénom modifié), est greffier à la permanence parquet du tribunal judiciaire de Bobigny (banlieue parisienne), là où sont gérées, en lien avec la police, le traitement des gardes à vues, directement après les infractions commises.

Les greffiers ont été « sursollicités » ces derniers jours, avec les émeutes urbaines, mais la surcharge de travail n’est pas récente, insiste-t-il. « Je sais à quelle heure j’arrive le matin, 8 h, je ne sais jamais quand je pars », souvent vers 22 h, explique-t-il à l’AFP sur les marches du palais.

La grande majorité des greffiers sont des femmes

Son métier est peu connu du grand public, il est pourtant essentiel, soutient-il, comme les autres. « On est les spécialistes de la procédure. Le magistrat traite le fond, nous on constitue le dossier, et on s’assure qu’il est en conforme au code de procédure pénale. »

Ce sont aussi les greffiers qui avisent les victimes, les avocats, les interprètes si besoin... puis à l’audience, au pénal, eux qui « notent tout » ce qui se dit, qui s’assurent que les droits des mis en cause soient respectés...

Claire (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), est greffière dans l’Essonne, en tribunal de proximité. Avec ses « 23 ans de carrière », elle a aujourd’hui espoir que les choses s’améliorent pour « les nouvelles » : la très grande majorité des greffiers sont des femmes.

« Personne ne nous connaît... mais on fait ce métier par choix, pas par dépit, pour rendre une bonne justice », ajoute-t-elle. « On a un très grand sens du service public, c’est rare qu’on fasse ce genre de mouvement... mais nos conditions de travail se sont dégradées depuis des années, alors que c’était déjà pas terrible. Si on là, c’est vraiment qu’on est... », hésite Claire, avant que ses collègues ne finissent sa phrase. « Au pied du mur », suggère l’une d’elles. « Au bout du rouleau », complète une autre. « On n’est pas juste les petites mains », ni les « secrétaires » des magistrats « , complète la greffière.  » Sans les greffiers, les jugements, vous les aurez jamais « , rebondit Claire.

À Metz, ils étaient plusieurs dizaines à scander leurs revendications devant le palais de justice lundi matin. « Ce qu’on nous propose aujourd’hui c’est de régresser », alors « que nous sommes essentiels : sans greffier pas d’audience, pas de validité de la procédure et de la décision de justice », déclare Stéphanie Pelser, greffière à la cour d’appel de Metz, où la grève est selon elle très suivie.

Les perrons d’autres tribunaux français sont pleins à craquer depuis ce jeudi matin. À Nice, Montpellier, Nantes, Lille, notamment, les greffiers étaient massivement mobilisés.

« Les greffiers ne seront pas oubliés », a promis Eric Dupond-Moretti sur France Inter lundi matin. « Je récupère 30 ans d’abandon budgétaire, politique et humain. Ça ne se fait pas en un claquement de doigt, mais ça se fait », a-t-il poursuivi, rappelant que les « concertations » avec les syndicats se poursuivaient. L’intersyndicale a été reçue au ministère de la Justice la semaine dernière mais en est ressortie très déçue. Un nouveau rendez-vous est fixé pour mardi matin.

À voir également sur Le HuffPost :

Émeutes : Éric Dupond-Moretti met en garde ceux qui mettent des « trucs sur Snapchat »

Après L’Haÿ-les-Roses, Élisabeth Borne veut « une réponse qui soit la plus forte possible »