"Il faut préparer notre pays à 4 °C de réchauffement climatique" : pourquoi la phrase de Christophe Béchu irrite les experts

Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique (Photo by Alain JOCARD / AFP)
Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique (Photo by Alain JOCARD / AFP)

Interrogé sur France Info, le scénario du pire évoqué par Christophe Béchu a suscité de vives réactions de la communauté scientifique.

"Préparer notre pays à quatre degrés, ça veut dire anticiper beaucoup de changements (...) Se préparer à ça, ce n'est pas le souhaiter, c'est au contraire sortir du déni (...) À quatre degrés, les deux tiers des stations de ski manqueront de neige dans les Alpes. À quatre degrés, on aura cinq fois plus de sécheresse" et "des jours de canicule beaucoup plus intenses".

L'interview de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, sur France Info le mercredi 22 février n'est pas passée inaperçue dans la communauté scientifique. Tout d'abord, en évoquant une préparation à un réchauffement de quatre degrés, le climatologue Christophe Cassou, co-auteur du Giec, déplore que "rien n'est clair" dans les propos du ministre.

Les nombreuses interrogations des experts

"Est ce qu'une déclinaison saisonnière est envisagée ? En effet, on ne s'adapte pas à la température annuelle mais aux températures estivales ou hivernales selon les secteurs/enjeux et aux changements des ressources en eau associés et à la saisonnalité de leurs usages", interroge notamment le climatologue, dans une série de questions.

Ensuite, parce qu'en évoquant la préparation à un réchauffement de quatre degrés d'ici à la fin du siècle par rapport à l'ère pré-industrielle, le ministre a relayé le scénario du pire si aucune action d'ampleur n'est mise en place pour réduire les émissions de carbone.

Un aveu d'échec pour certains

Or, il existe un autre scénario, plus optimiste en cas de réduction importante des émissions de carbone. Selon le Giec, le réchauffement peut être limité à +2 degrés à l'échelle mondiale à condition de mettre en place les solutions de réduction des émissions de gaz à effet de serre avec un objectif de zéro émissions nettes en 2050.

Cette communication du ministre est donc vue comme un aveu d'échec par certains et une résignation à accepter cette hausse de 4 degrés, alors que le GIEC écrivait, en février 2022 : "S’adapter est possible, à condition que le réchauffement climatique soit à 1,5 ou 2°C".

Une communication qui divise

"Quel que soit le niveau de référence de l'adaptation en France, cela ne signifie PAS qu'il faille cesser nos efforts d'atténuation", martèle la géographe Magali Reghezza.

Une communication qui divise les experts. "Propos difficiles mais nécessaires. Tant qu’on continuera à considérer l’adaptation comme un discours de défaite et de renoncement, nous creuserons notre propre vulnérabilité. L’action climatique doit inclure l’atténuation et l’adaptation. Personne ne souhaite cela, mais il serait aujourd'hui suicidaire de ne pas envisager ce scénario. Nous avons énormément de retard en matière d'adaptation, notamment à cause de notre aveuglement. Il faut sortir du déni : c'est une question de vérité et de responsabilité", relève de son côté François Gemenne, l'un des rapporteurs du Giec.

Une illustration qui passe mal

"Parler d'adaptation ne signifie pas capituler car la meilleure adaptation est la diminution des émissions de gaz a effet de serre car chaque dixième de réchauffement additionnel rend l'adaptation plus complexe et nous rapproche de l’irréversible", estime de son côté Christophe Cassou.

Autre élément qui a marqué les esprits, l'illustration prise par Christophe Béchu pour évoquer les conséquences d'une hausse de 4 degrés d'ici la fin du siècle : "À quatre degrés, les deux tiers des stations de ski manqueront de neige dans les Alpes".

"À +4°, très honnêtement, l'enneigement des stations alpines ne sera pas une préoccupation sociétale majeure ...", observe Dorian Guinard, spécialiste en droit de l'environnement. La France, touchée par une période de sécheresse sans précédent en hiver, se prépare à un été particulièrement difficile sur la gestion de l'eau, alors que le réchauffement n'est que de +1,7 degré par rapport à l'ère pré-industrielle.

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