Hommage national à Jacques Delors : comment Macron veut se poser en « héritier » du géant européen

Comment Macron (ici lors de l’hommage national à Helene Carrere d'Encausse en octobre 2023) veut se poser en héritier de Jacques Delors
LUDOVIC MARIN / AFP Comment Macron (ici lors de l’hommage national à Helene Carrere d'Encausse en octobre 2023) veut se poser en héritier de Jacques Delors

POLITIQUE - Delors en héritage. Emmanuel Macron préside ce vendredi 5 janvier, la cérémonie d’hommage national à Jacques Delors aux Invalides. Il doit prononcer son éloge funèbre en présence de nombreuses personnalités politiques françaises et internationales.

L’occasion, pour le président de la République, de saluer la mémoire et le legs politique de l’ancien ministre socialiste et président de la Commission européenne, décédé le 27 décembre à l’âge de 98 ans. Le tout, en essayant de mettre ses pas dans les siens.

Engagé sur la scène européenne, Emmanuel Macron est « de fait » l’un des « héritiers » de Jacques Delors, assure l’Élysée aux journalistes en marge de la cérémonie. De quoi donner le ton du discours présidentiel qui viendra consacrer la vision d’un « architecte de l’Europe unie », sans lequel la France serait « moins maîtresse de son destin. »

Ode à la joie et Erasmus

Dans la lignée de ses vœux aux Français le 31 décembre, où il a invoqué son « héritage » pour appeler à faire en 2024 le « choix décisif » d’une « Europe plus forte, plus souveraine », le chef de l’État va donc insister sur ce que le continent et l’hexagone doivent, selon lui, à ce géant européen.

Il va par exemple mettre l’accent sur l’année 1983, lorsque Jacques Delors, ministre de l’Économie du président socialiste François Mitterrand a pesé de tout son poids pour que la France reste dans l’Europe. Mais également sur des projets « concrets » portés, initiés ou réalisés par l’ancien chef de l’exécutif européen comme le marché unique, les accords de Schengen ou le programme Erasmus.

Pour incarner ces engagements, la cérémonie d’hommage recélera de quelques symboles. Une centaine d’étudiants seront présents aux Invalides pour « marquer le succès d’Erasmus et la postérité ainsi léguée », selon les mots de l’Élysée. Fait rare, l’Ode à la joie, l’hymne européen, sera interprétée par l’orchestre de la Garde républicaine après la sonnerie aux morts et La Marseillaise.

S’il ne s’agit pas de transformer cet hommage en tribune de campagne, le discours d’Emmanuel Macron, qui se pose régulièrement en chef de file des « progressistes » proeuropéens, résonnera immanquablement à l’aune des élections européennes de juin, alors que l’extrême droite est en tête dans les sondages en France. D’autant plus que parmi l’assistance, on trouvera le Premier ministre hongrois Viktor Orban, l’un des chefs de file du camp nationaliste en Europe.

Pas de filiation acceptée

Mais ce n’est pas tout. Le président de la République entend également souligner les jalons posés par Jacques Delors dans le débat politique en France : « l’écoute », de celui formé à l’école syndicale de la CFTC puis de la CFDT ou « la méthode » de cette « dernière figure du dépassement gaullien. » En écho au dépassement des clivages cher au chef de l’État.

Au-delà de son parcours qui l’a vu passer du gaulliste social Jacques Chaban-Delmas, entre 1969 et 1972, au Parti socialiste deux ans plus tard, l’Élysée insiste auprès de la presse sur la volonté de Jacques Delors de « créer des ponts, des passerelles » entre les courants, de « trouver des compromis utiles », comme si Emmanuel Macron souhaitait incarner la suite de la vision du socialiste, dans un contexte de majorité relative.

Pourtant, la relation entre les deux n’a rien d’aussi évidente. « Jacques Delors, ça n’était pas le ’en même temps’ », souligne Jean-Pierre Jouyet, ancien directeur de cabinet du chef de l’exécutif européen, dans une interview publiée par La Tribune, le 31 décembre.

Les deux hommes ne se sont d’ailleurs jamais croisés, confirme l’entourage du locataire de l’Élysée à la presse. Et si l’ancien président de la Commission européenne a eu l’occasion de saluer l’ambition volontariste d’Emmanuel Macron sur la scène continentale, il s’est montré moins chaleureux sur son action en France. « Toute sa politique démontre » qu’il n’est pas social-démocrate, expliquait Jacques Delors en 2021 dans sa dernière interview au Point. Lui se définissait comme tel, adepte du « compromis entre l’État et le marché, entre l’État et les partenaires sociaux. »

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