Haut-Karabakh: la république séparatiste va s'autodissoudre

Haut-Karabakh: la république séparatiste va s'autodissoudre

La république séparatiste autoproclamée du Nagorny Karabakh a spectaculairement annoncé jeudi sa dissolution au 1er janvier 2024, plus de 30 ans après sa création et une semaine après une offensive victorieuse de l'Azerbaïdjan ayant poussé plus de la moitié de la population à fuir.

Le dirigeant de l'enclave Samvel Chakhramanian a annoncé par décret la dissolution "de toutes les institutions gouvernementales (...) au 1er janvier 2024" et qu'en conséquence, "la République du Nagorny Karabakh" cessait "son existence".

Cette région à majorité arménienne, qui avait fait sécession de l'Azerbaïdjan à la désintégration de l'URSS, s'est opposée pendant plus de trois décennies à Bakou, notamment lors de deux guerres entre 1988 et 1994 et à l'automne 2020.

Or la semaine dernière, l'Azerbaïdjan a lancé une offensive militaire pour la reprendre et poussé les séparatistes à capituler en 24H, sans qu'interviennent ni l'Arménie, ni les soldats de la paix russes déployés sur place depuis fin 2020.

"C'est douloureux"

Erevan, dont les moyens militaires sont affaiblis, s'est senti lâché par son grand allié russe. En réaction, le Parlement arménien a mis à l'ordre du jour mardi prochain le vote de ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), qui avait émis au printemps un mandat d'arrêt visant le président russe Vladimir Poutine.

Un projet "extrêmement hostile" selon le Kremlin, qui s'est borné jeudi à "prendre acte" de l'annonce de l'auto-dissolution historique.

Des dizaines de milliers d'Arméniens ont fui par crainte de représailles, via la seule route reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie, rouverte dimanche par Bakou après des mois de blocus.

Lilit Grigorian, 32 ans, une enseignante, attendait jeudi à Goris, ville arménienne située près de la frontière, avec son enfant. Elle aimerait louer un appartement, mais sait qu'il sera difficile de trouver un endroit où vivre.

"On ne discute même pas d'un retour", dit-elle. "Si l'Azerbaïdjan est capable de massacrer un bébé, comment pouvons-nous vivre avec eux ?", demande-t-elle. Évoquant la dissolution, elle explique que "c'est douloureux: toute notre vie a été réduite en poussière."

De nombreux déplacés

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a accusé l'Azerbaïdjan de mener un "nettoyage ethnique", en estimant qu'il n'y aurait plus d'Arméniens dans l'enclave "ces prochains jours".

Les autorités arméniennes ont fait état de l'arrivée de plus de 68.000 déplacés jeudi, soit plus de la moitié de sa population officielle du Nagorny Kabarakh d'environ 120.000 habitants.Mais le gouvernement arménien n'a pu loger pour l'heure que 2.850 personnes, ce qui laisse présager une crise humanitaire.

"L'Arménie manque de ressources et ne pourra pas y arriver sans une aide de l'étranger", estime l'analyste politique Boris Navasardyan.

La capitale Erevan a été secouée ces derniers jours par une série de manifestations contre le Premier ministre, accusé de passivité face à l'Azerbaïdjan. Quant à Moscou, le Kremlin dit ne voir "aucune raison" de fuir pour les Arméniens.

Droits "garantis"

A ceux qui ont décidé de rester sur place, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a certes promis des droits "garantis". Les autorités azerbaïdjanaises se sont même engagées à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes de partir.

Elles ont cependant arrêté mercredi le milliardaire Rouben Vardanian - qui a dirigé le gouvernement séparatiste de l'enclave de novembre 2022 à février 2023 - alors qu'il tentait de rejoindre l'Arménie.

Il a été inculpé de financement du terrorisme et de création d'une organisation armée illégale, selon le service de sécurité de l'État azerbaïdjanais, et placé en détention provisoire pour quatre mois, ce qui provoque l'inquiétude à Erevan.

L'ancien responsable des Affaires étrangères de la région, David Babahian, a déclaré qu'il avait également été ajouté à la "liste noire" de Bakou et qu'il avait accepté de se rendre.

Dans son décret de dissolution de la république autoproclamée, le dirigeant séparatiste a quant à lui souligné jeudi qu'une fois les conditions du retour connues, les habitants et les réfugiés pourront "individuellement prendre leur décision".

Mais un groupe d'exilés qui discutait des dernières nouvelles côté arménien a identifié le principal dilemne auquel sont confrontées les personnes acceptant de vivre sous le contrôle de l'Azerbaïdjan.

"Si vous avez un fils, il devra servir dans l'armée azerbaïdjanaise, contre l'Arménie", a dit à ses amis un homme qui a requis l'anonymat pour raison de sécurité. "Seul un fou voudrait cela !"

Article original publié sur BFMTV.com