La HATVP a 10 ans, voici les ministres dont la carrière a été stoppée net par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

De gauche à droite : Yamina Benguigui, ex-ministre déléguée à la Francophonie (2012-2014), Thomas Thévenoud, secrétaire d’état au Commerce extérieur (2014), Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales (2022)
De gauche à droite : Yamina Benguigui, ex-ministre déléguée à la Francophonie (2012-2014), Thomas Thévenoud, secrétaire d’état au Commerce extérieur (2014), Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales (2022)

POLITIQUE - Dix bougies et presque la moitié de carrières politiques contrariées. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) célèbre ce 11 octobre ses dix ans d’existence, marqués par ses fameux « avis » qui ont pu coûter leurs postes à des responsables politiques haut placés.

À l’origine de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il y a l’affaire Jérôme Cahuzac. En décembre 2012, celui qui est alors ministre du Budget sous le quinquennat de François Hollande est accusé par Mediapart de détenir un compte non déclaré à l’étranger. Le ministre dément mais fini par démissionner, avant d’être définitivement condamné pour fraude fiscale en 2018.

L’affaire fait tache dans la « République exemplaire » voulue par le président socialiste de la République. Moins d’un an après les faits, le gouvernement annonce la création de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique, chargée de vérifier les déclarations de patrimoine et de revenus des membres du gouvernement - et des conseillers ministériels - et de prévenir de potentiels conflits d’intérêts avec leurs activités passées ou futures. Tour d’horizon des ministres épinglés en dix ans.

Thomas Thévenoud et sa « phobie administrative » en 2014

Il est le premier membre d’un gouvernement à avoir dû quitter ses fonctions après un signalement de la HATVP. Thomas Thévenoud, député PS de Saône-et-Loire entre au gouvernement le 26 août 2014, comme secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Durée totale de vie au sein du gouvernement Valls 1 : neuf jours.

Thomas Thévenoud est d’abord épinglé par Mediapart pour des années d’impôts non déclarés. Il admet « des retards de déclaration et de paiement » mais assure que sa situation est régularisée. Épinglé ensuite par Le Canard Enchaîné pour des loyers impayés, il se défend en évoquant sa « phobie administrative ». La HATVP estime de son côté que « c’est le contrôle fiscal engagé au lendemain de la nomination des ministres qui a conduit à la démission de M. Thévenoud » le 4 septembre, selon les explications de son président de l’époque Jean-Louis Nadal à l’AFP.

Yamina Benguigui, pas de démission mais…

La cinéaste Yamina Benguigui est nommée en mai 2012 ministre déléguée des Français de l’étranger et à la Francophonie du gouvernement Ayrault. En mars 2014, Marianne et le Canard Enchaîné rapportent que la ministre délégué a omis de déclarer quelques 430 000 euros. La Haute Autorité estime quant à elle qu’il existe « un doute sérieux quant à l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité des déclarations » de la ministre déléguée. Yamina Benguigui dément tout manquement mais est néanmoins débarquée du gouvernement lors du remaniement qui voit Manuel Valls arriver à Matignon le 31 mars 2014. Poursuivie en justice après un signalement de la HATVP, elle est définitivement condamnée en novembre 2017 pour omissions dans ses déclarations de patrimoine et d’intérêts.

Jean-Paul Delevoye, le « monsieur Retraites » de 2019 écarté

Nommé en septembre 2019 Haut-commissaire aux Retraites dans le gouvernement d’Édouard Philippe, Jean-Paul Delevoye est chargé de mener la première tentative de réforme - finalement abandonnée. En décembre, la HATVP rend publique sa déclaration de patrimoine. Problème, relève Le Parisien, Jean-Paul Delevoye n’a pas déclaré ses fonctions au sein d’un institut de formation dans le secteur de l’assurance. Le risque de conflit d’intérêts avec son rôle de « monsieur Retraites » du gouvernement est soulevé. Delevoye plaide « l’oubli » et transmet une déclaration corrective avec une dizaine de fonctions supplémentaires à la HATVP. Mais, sous la pression, il démissionne le 16 décembre 2019. Le 18 décembre, la HATVP estime qu’« en raison de leur nombre, de la nature de certains intérêts omis et des risques de conflits d’intérêts avec ses fonctions gouvernementales », les omissions de Jean-Paul Delevoye « sont susceptibles de caractériser l’infraction d’omission substantielle » et saisit la justice. L’ancien monsieur Retraites est condamné en décembre 2021 à quatre mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende.

Caroline Cayeux et son désaccord persistant avec la HATVP

La maire de Beauvais Caroline Cayeux, venue de la droite, entre au gouvernement Borne 2 en juillet 2022, au poste de ministre déléguée aux Collectivités territoriales. Elle n’y reste que quelques mois, avant de remettre sa démission au président de la République le 28 novembre 2022. En cause : un désaccord persistant avec la HATVP sur sa déclaration de patrimoine que l’institution estime « sous-évaluée ». Prenant la parole sur X (ex-Twitter), Caroline Cayeux assure s’être « alignée » sur les observations de l’instance mais « malgré cela, la Haute autorité de la vie publique persiste à mettre en doute ma sincérité ». « Dans ce contexte, il m’a semblé préférable de démissionner afin de ne pas gêner l’action du gouvernement », ajoute-t-elle. Dès le lendemain, la Haute Autorité annonce saisir la justice pour infraction d’évaluation mensongère de son patrimoine (estimée à près de 4 millions d’euros sur ses résidences principale et secondaire) et souligne que « ces faits sont aussi susceptibles de constituer l’infraction de fraude fiscale ». Une enquête préliminaire la visant a été ouverte en décembre 2022 pour blanchiment de fraude fiscale notamment.

Alain Griset, le ministre qui refusait de démissionner... jusqu’à sa condamnation

Alain Griset, ministre délégué aux PME, s’est retrouvé dans le viseur de la HATVP dès son entrée au gouvernement en 2020 pour une « omission substantielle » d’une part de son patrimoine. La justice est saisie et Alain Griset est cité à comparaître en septembre 2021. Mais il exclut catégoriquement de démissionner : « Je continuerai tant que le président me fait confiance » déclare-t-il le 16 septembre 2021. Il démissionnera au mois de décembre 2021, après une première condamnation confirmée en appel en janvier 2023 pour « déclaration incomplète ou mensongère de sa situation patrimoniale ». Il a aussi été condamné en juin 2022 à Lille à un an d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’inéligibilité pour abus de confiance, pour avoir placé des fonds d’un syndicat qu’il présidait sur un PEA personnel, un second dossier lié au premier. Il a dit vouloir faire appel.

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