Sur le harcèlement scolaire, Pap Ndiaye visé pour son « improvisation permanente » par les enseignants

Après le suicide de deux adolescents de 12 et 13 ans depuis janvier, Élisabeth Borne a promis de faire la lutte contre le harcèlement la « priorité absolue » de la rentrée 2023.
Après le suicide de deux adolescents de 12 et 13 ans depuis janvier, Élisabeth Borne a promis de faire la lutte contre le harcèlement la « priorité absolue » de la rentrée 2023.

HARCÈLEMENT - Les nouvelles promesses de Pap Ndiaye sur « le harcèlement et réseaux sociaux » ne passent pas. Alors que ce dimanche 11 juin, le ministre de l’Éducation nationale affirmait que tous les collégiens de France suivraient cette semaine une heure de sensibilisation sur le sujet, syndicats et enseignants dénoncent un énième effet d’annonce.

« Cette heure sera l’occasion de rappeler la manière dont l’usage des réseaux sociaux peut accentuer les phénomènes de harcèlement » et « de souligner la responsabilité de chacun » dans l’usage de ces réseaux, a souligné le ministre. Il a demandé aux principaux des 7 000 collèges (3,4 millions d’élèves au total) d’organiser cette intervention « en lien avec les équipes éducatives ».

Une demande qui a fortement agacé les acteurs de terrain, dont la réaction ne s’est pas fait attendre. Tout d’abord sur la forme. « La coupe est pleine ! s’est indigné le SNPDEN-UNSA, syndicat de personnels de direction. (...) Un sujet si grave mérite mieux que de la précipitation politique ! »

Même son de cloche du côté de la CGT-Éduc’action, syndicat des personnels de l’Éducation nationale : « N’êtes-vous pas lassé de l’improvisation permanente ? 1h à la va-vite plutôt que des projets qui pourraient être pensés, construits, efficaces, orchestrés par des personnels formés… Le temps de l’émotion est rarement de bon conseil. »

« Organisé du jour au lendemain ? Quelle efficacité ? Le cycle infernal drame/réactions politiques/annonces, sans se soucier de la réalité du terrain… Le #harcèlement tue. Il faut une vraie politique de prévention, des moyens, et non des opérations de communication ! », a dénoncé également le SNES-FSU.

« Nous n’attendons pas des drames pour agir »

Le fait que de nombreux établissements soient déjà engagés dans ce travail, avec souvent des moyens limités pour le faire, a été souligné par les enseignants.

« Un tweet très maladroit qui laisse à penser que les établissements scolaires ne mèneraient aucune action de prévention sur le harcèlement scolaire ! Heureusement que nous n’attendons pas des drames pour agir ! » s’est indigné un CPE sur Twitter.

Le timing de cette annonce, qui arrive en toute fin d’année, a également été regretté, notamment par Nora Fraisse, présidente de l’association « Marion, la main tendue ». « On est en fin du parcours scolaire et c’est le brevet des collèges. Ce sont des élèves qui sont en conseil de classe bientôt, ce n’est pas forcément la bonne période, puis ça ne s’improvise pas », a-t-elle déclaré ce lundi 12 juin sur franceinfo.

Le programme pHARe, est-ce que ça fonctionne ?

L’association participe notamment au programme pHARe, un plan de prévention du harcèlement et du cyberharcèlement entre élèves, décliné dans les écoles élémentaires et dans les collèges depuis la rentrée 2022, et dans les lycées à partir de la rentrée 2023.

« On attend avec impatience le rapport d’évaluation. Est-ce que ça fonctionne ? Est-ce que ça ne fonctionne pas ? Dans quelles conditions ça ne fonctionne pas ? Que doit-on refaire ? J’invite le ministre à recevoir le comité d’experts. Ça fait un an qu’on n’a pas été reçu », a-t-elle déploré.

Après les suicides du jeune Lucas en février dernier et celui de Lindsay en mai, la pression sur le sujet du harcèlement scolaire s’accentue sur le ministre de l’Éducation. Dans ces deux derniers cas, les établissements étaient engagés dans le dispositif pHARe. Mais le problème majeur du programme dénoncé par les professionnels est le manque de moyens dédiés, à fois pour la formation et le temps dédié à la prévention.

« Souvent, les collègues peuvent se sentir dépassés et, par manque de temps, avoir tendance à minimiser, ne serait-ce que pour se rassurer. Quand on est pris dans le maelstrom d’un travail éreintant, on n’a pas forcément les bons réflexes », expliquait en février auprès du HuffPost le CPE Olivier Raluy. « En primaire, on a très peu de possibilités de partir en formation », rappelait Guislaine David, secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU, qui ajoutait : « Les référents ne sont pas déchargés de classe pour autant. Donc c’est en plus. »

« Recueillir leurs remontées de terrain »

Pap Ndiaye réunira mardi en visioconférence les 14 000 chefs d’établissement, ainsi que les inspecteurs de l’Éducation nationale (IEN) ou encore les recteurs, pour leur « rappeler l’ensemble des leviers à leur disposition » et « recueillir leurs remontées de terrain », a précisé le ministère dans un communiqué.

Le sujet a également été au menu de concertations menées depuis vendredi, et jusqu’à lundi, avec les syndicats, les fédérations de parents d’élèves, mais aussi l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) et les dirigeants des réseaux sociaux, a-t-on indiqué de même source.

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