Haïti: confrontées aux guerres de gangs, les autorités prolongent l'état d'urgence à Port-au-Prince

Haïti: confrontées aux guerres de gangs, les autorités prolongent l'état d'urgence à Port-au-Prince

Les autorités en Haïti ont prolongé ce jeudi 7 mars d'un mois l'état d'urgence dans la capitale Port-au-Prince face à une poussée de violence des gangs, et au moment où le système de santé de ce pays pauvre des Caraïbes est "proche de l'effondrement" selon l'ONU.

Alors que le contrôle de larges zones de la capitale est revenu au profit de bandes criminelles, le journal officiel a publié un "arrêté instaurant l'état d'urgence sécuritaire sur toute l'étendue du département de l'Ouest", qui comprend Port-au-Prince, "pour une période d'un mois".

Un premier état d'urgence et un couvre-feu - difficilement applicable - avaient déjà été déclarés dimanche après l'attaque de prisons par des gangs ayant provoqué l'évasion de milliers de détenus.

10 bâtiments de police détruits

Un nouveau couvre-feu nocturne a également été décrété jeudi, et ce jusqu'à lundi, de 18 heures à 5 heures dans le département de l'Ouest.

"L'état d'urgence est renouvelé pour un mois, quant au couvre-feu, il sera appliqué au besoin", a assuré une source gouvernementale à l'AFP.

Mercredi soir, une nouvelle antenne de police a été incendiée dans Port-au Prince, a indiqué à l'AFP Lionel Lazarre, coordonnateur général du Syndicat national de policiers haïtiens (Synapoha), mais les policiers ont eu le temps de le quitter avant l'attaque.

Les bandes criminelles, qui contrôlent notamment les routes menant depuis Port-au-Prince au reste du territoire, s'en prennent ces derniers jours à des sites stratégiques du pays.

Selon un décompte du Synapoha, depuis le début des attaques coordonnées des gangs, 10 bâtiments de police ont été détruits et deux prisons civiles attaquées et vidées de leurs détenus.

Un influent chef de gang, Jimmy Chérizier dit "Barbecue", a assuré mardi que si le Premier ministre Ariel Henry ne démissionnait pas et si la communauté internationale continuait de le soutenir, le pays allait "tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide".

Le dirigeant, qui aurait dû quitter ses fonctions début février, était à l'étranger et n'est toujours pas parvenu à rentrer en Haïti, empêché notamment par l'absence de sécurité autour de l'aéroport international.

Jeudi matin, Ariel Henry se trouvait toujours à Porto Rico, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police aux frontières de ce territoire américain des Caraïbes.

Système de santé "proche de l'effondrement"

Le système de santé en Haïti est "proche de l'effondrement", a alerté jeudi le bureau de l'ONU pour les affaires humanitaires (OCHA).

"De nombreux établissements de santé sont fermés ou ont dû réduire drastiquement leurs opérations en raison d'une pénurie inquiétante de médicaments et de l'absence du personnel médical", a précisé OCHA, évoquant également des pénuries de sang, d'équipements médicaux ou de lits pour traiter les blessés par balles.

Alors que les administrations et les écoles restent fermées, beaucoup d'habitants tentent de fuir les violences.

L'association Réseau National de Défense des Droits Humains en Haiti (RNDDH) a dénoncé l'inaction de l'Etat haïtien face à ces violences.

"Les autorités gouvernementales ont démissionné", écrit-elle dans un rapport daté de mercredi. "Les rues de la capitale et de tout le département de l'Ouest sont livrées aux bandits armés. Et la population haïtienne est tout simplement abandonnée à son sort", ajoute l'association, qui déplore ainsi le fait que les policiers ont "abandonné les rues".

Mission sécuritaire menée par le Kenya

Pour cela, le Conseil de sécurité de l'ONU a donné en octobre son accord pour l'envoi d'une mission sécuritaire multinationale menée par le Kenya, qui veut dépêcher 1.000 policiers. Mais son déploiement est retardé par la justice kényane et un manque criant de financements. Aucune date n'est avancée pour l'arrivée de la mission.

L'ONG Médecins Sans Frontières a publié jeudi une enquête sur la mortalité en Haïti depuis plus de 10 ans, qui "révèle des niveaux extrêmes de violence subie par les résidents du bidonville de Cité Soleil à Port-au-Prince", avec d'août 2022 à juillet 2023 "près de 41% des décès liés à la violence et un taux brut de mortalité de 0,63 décès pour 10 000 personnes par jour".

"MSF avait déjà observé des taux de mortalité semblables en 2017, dans les camps de Raqqa", ville syrienne ancien fief du groupe Etat islamique, assure l'ONG, qui a annoncé mercredi renforcer sa présence à Port-au-Prince pour répondre à l'afflux de blessés.

Article original publié sur BFMTV.com