Guerre en Ukraine : Vladimir Poutine face à une opposition grandissante

Police officers detain a man in Moscow on September 21, 2022, following calls to protest against partial mobilisation announced by President Vladimir Putin. - President Vladimir Putin called up Russian military reservists on September 21, saying his promise to use all military means in Ukraine was

ALEXANDER NEMENOV / AFP

Un opposant à la guerre en Ukraine manifestant en Russie est arrêté, le 21 septembre 2022.

RUSSIE - « Non à la guerre ! » Mercredi 21 septembre, des milliers de Russes sont sortis dans la rue mercredi 21 septembre pour protester contre la mobilisation militaire partielle annoncée quelques heures plus tôt par le président Vladimir Poutine. Selon l’organisation pour la protection des droits de l’Homme OVD-Info, des manifestations ont eu lieu dans 38 villes du pays ; à l’issue de celles-ci, 1 332 personnes ont été arrêtées.

L’ampleur de la mobilisation - qui reste limitée au vu des 144 millions d’habitants en Russie - est inédite depuis le début de la guerre en Ukraine. L’opposition, muselée, était restreinte à des actions individuelles, comme la pancarte anti-guerre de la journaliste Marina Ovsiannikova devenue un symbole de la résistance. D’autres, des inconnus, menaient des actions plus sporadiques, moins médiatisées mais tout aussi dangereuses judiciairement en brandissant des pancartes dans la rue ou en écrivant des messages sur les murs.

L’annonce de la mobilisation, bien que partielle, constitue cependant un tournant. 300 000 hommes réservistes vont devoir prendre le chemin du front dans les semaines à venir pour répondre à la contre-offensive de Kiev qui est parvenue à reprendre du terrain dans le sud du pays. Signe du refus des Russes : les billets d’avion vers l’étranger ont été pris d’assaut ou sont vendus à prix d’or. En parallèle, et même si cet indicateur est tout relatif, les recherches pour savoir « comment casser un bras » ou « une jambe » ont explosé sur Internet.

« La guerre arrive dans les foyers »

« Jusqu’à présent, la société russe était préservée par le pouvoir. Ce dernier faisait en sorte que la population continue à vivre normalement, sans parler de guerre, pour qu’elle soutienne l’action de l’armée. La déclaration de Poutine change tout : la guerre arrive dans les foyers et c’est la panique, décrypte pour Le HuffPost Carole Grimaud-Potter, professeure de géopolitique de la Russie à l’université de Montpellier. Les Russes ne comprennent pas, on leur parle d’opération spéciale et tout à coup c’est une mobilisation, guerre qui ne dit pas son nom. » 

Le choc est d’autant plus grand que pendant six mois, le pouvoir a assuré à plusieurs reprises qu’il n’y aurait pas de mobilisation militaire. Conséquence, aujourd’hui « la population n’a plus confiance en ce que disent les autorités et se pose la question de la mobilisation générale », souligne Carole Grimaud-Potter. Certains vont jusqu’à descendre dans la rue, malgré les interdictions et les peines allant jusqu’à 15 ans de prison.

Cette mobilisation s’ajoute à l’opposition à Vladimir Poutine qui s’est éveillée au début du mois de septembre après la contre-offensive ukrainienne. Plusieurs élus locaux de Saint-Pétersbourg ont écrit une lettre réclamant la destitution du président pour « haute trahison », et une pétition signée par une soixantaine d’élus circule. Des actes limités mais extrêmement symboliques tellement les voix dissonantes sont d’ordinaires discrètes.

La spécialiste de la Russie met toutefois en garde : « Il ne faut pas voir cela comme une critique de ’’l’opération spéciale’’. C’est en réponse à la débâcle en Ukraine. On les a tellement persuadés que l’armée russe était la plus forte que cette défaite n’a pas été comprise. Ils en veulent à Poutine et au ministère de la Défense. »

Les ultranationalistes pro-guerre insatisfaits

Il existe une troisième opposition à Vladimir Poutine, celle des ultranationalistes pro-guerre. Eux réclament depuis des mois la « mobilisation générale et la victoire totale », souligne Carole Grimaud-Potter. « Ils ont été manipulés par le Kremlin par les discours patriotiques et de dénazification et maintenant, face aux résultats mitigés, ils sont insatisfaits », décrit-elle.

Cerné de toutes parts, en interne ainsi qu’à l’international, le président a donc tenté de contenter toutes les parties avec la mobilisation des réservistes pour « mieux faire avaler la pilule et éviter les débordements de part et d’autre qui pourraient être dangereux pour lui et pour le pouvoir », résume la spécialiste.

Reste à voir si son pari sera gagnant. Il est évidemment trop tôt pour le dire, les lois sur les manifestations pouvant être durcies pour museler encore plus les citoyens afin que Vladimir Poutine conserve son emprise sur la société. « Mais si le pouvoir sait contenir les manifestations, jusqu’à quand pourra-t-il le faire ? », s’interroge Carole Grimaud-Potter. « Lorsque les cercueils des réservistes vont revenir, la réaction de la population risque d’être terrible. »

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