Guerre en Ukraine - Vitali Klitschko (maire de Kiev) : "J’ai pleuré ce matin, je pleure tous les jours. Si mon pays a besoin de ma vie, je suis prêt à la donner"

Le maire de Kiev Vitali Klitschko a répondu aux questions de Yahoo depuis la capitale ukrainienne, encerclée par l’armée russe depuis plusieurs jours.

Il est avec Volodymyr Zelensky l’une des figures de la résistance ukrainienne depuis l’invasion militaire russe. L’ancien boxeur Vitali Klitschko a, comme le président ukrainien, choisi de rester dans la capitale qu’il dirige depuis 2014.

C’est depuis son bureau de maire, à Kiev, qu’il a répondu aux questions d’Alexandre Delpérier sur son combat pour défendre sa ville, cernée par l’armée de Vladimir Poutine, et son pays.

"J’ai pleuré ce matin, comme tous les jours"

Le colosse de deux mètres, multi-médaillé dans la catégorie poids lourds, fend l’armure et ne cache pas qu’il a souvent été saisi par l’émotion depuis le début de la guerre. "J’ai pleuré ce matin, je pleure tous les jours", confie-t-il. Un peu plus tôt ce vendredi, "une femme est venue me voir, avec son enfant, après une attaque de roquettes. Ils n’ont pas d’argent, plus de toit, et ne savent pas quoi faire. (…) J’ai pleuré avec elle", raconte-t-il.

"Pour être honnête, j’ai beau être âgé et fort, c’est dur d’écouter ces récits, de faire face aux émotions des gens", souffle pudiquement Vitali Klitschko, 50 ans. Père de famille, il a mis ses enfants à l’abri, loin des bombardements de la capitale. A Kiev, il peut compter sur le soutien de son frère cadet Wladimir, lui aussi médaillé de boxe, et engagé dans l'armée ukrainienne.

"Mon père m'a appris que c'est un privilège de mourir pour son pays"

En ces temps troubles, Vitali Klitschko puise également dans les souvenirs de son père Vladimir, pour trouver de la force. Ancien officier dans l'armée de l'air soviétique, il a participé au nettoyage du site de Tchernobyl après l'explosion dans la centrale nucléaire en 1986. Il en est mort, emporté par un cancer à 64 ans. "Il ne pensait pas à sa santé, il pensait à aider les gens, à régler les problèmes après la catastrophe", se souvient son fils.

"Mon père m’a appris que c'est un privilège pour un homme de pouvoir défendre son pays, de mourir pour lui", poursuit le maire de Kiev. "Si mon pays a besoin que je donne ma vie pour le défendre, je suis prêt à la lui donner".

"Les Russes ont une énorme armée. Mais les Ukrainiens ont la volonté de gagner"

La détermination de Vitali Klitschko est à l'image des nombreux Ukrainiens ayant choisi de prendre les armes pour résister à l'invasion russe. "Je suis surpris, agréablement surpris même, de voir à quel point le peuple est motivé", observe le maire de Kiev. "Les Russes ont une énorme armée, ils ont plus d'armes. Mais nous avons la volonté de gagner, de défendre notre avenir, car nous ne voulons pas revenir à l'époque de l'URSS."

Pour l'ancien boxeur, "aucun d’entre nous ne veut mourir. Mais nous ne voulons pas vivre dans l’empire russe, c’est pour cela que nous nous battons". "Si je meurs, je préfère mourir en protégeant ma ville et mon pays, comme beaucoup d’autres Ukrainiens", ajoute-t-il.

"Poutine est un dictateur, il veut asservir l’Ukraine"

Vitali Klitschko juge que "Poutine est un dictateur qui veut asservir l’Ukraine". Le maire de Kiev semble ne pas nourrir beaucoup d’espoirs quant à une négociation avec le président russe. "Il n’y a pas de raison de discuter avec lui, il est fou, malade". Il dénonce également les assassinats de civils, tués dans les bombardements. "Kharkiv, Marioupol, sont totalement détruites (...) Quel compromis peut-on trouver ? Faut-il céder certains territoires de l’Ukraine ? Accepter de retourner dans le passé ?", s’emporte l'élu, qui rappelle que Moscou a déjà annexé la Crimée en 2014.

"Je n’ai qu’un message pour les Russes : partez d’Ukraine, rentrez chez vous, vous n’avez rien à faire dans notre pays", lance Vitali Klitschko. "Nous les Ukrainiens, nous avons toujours été une nation amie, pacifique. Mais aujourd’hui nous n’avons plus d'autre choix que de nous battre."

"Chaque euro que l’Europe donne à Moscou est investi dans l’armée"

Depuis le début de la guerre, le maire de la capitale ukrainienne a multiplié les appels à l'aide internationale. Concernant la France et plus particulièrement Emmanuel Macron, Vitali Klitschko "attend de lui qu’il soit fort, et fasse appliquer les règles internationales, et surtout qu’il soutienne l’Ukraine". Il appelle de nouveau la communauté internationale à envoyer des armes aux Ukrainiens.

Il enjoint aussi les pays du monde entier à cesser tout échange commercial avec Moscou. "Chaque dollar, chaque euro, que l’Europe donne à la Russie, est investi dans l’armée russe, et cela aboutit à ces scènes de désolation en Ukraine".

"Peut-être que Poutine veut recréer l'Allemagne de l'Est"

Les desseins du locataire du Kremlin inquiète Vitali Klitschko, qui s'interroge : "jusqu'où va l'ambition de Vladimir Poutine ?" Il est certain pour lui qu'elle ne s'arrête pas aux territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk, dans l'Est du pays. L'ambition du président russe peut aller jusqu'à "la Pologne, et même l'Allemagne. Peut-être veut-il recréer l'Allemagne de l'Est ? Elle va aussi jusqu'aux Etats baltes", prévient-il.

Le maire de Kiev tient à dissocier la politique de Vladimir Poutine du peuple et de la nation russes. "Je n’ai rien contre la nation russe", insiste-t-il, rappelant que sa mère est russe. "La moitié de mon sang est russe. Mon problème, c'est la politique agressive [du Kremlin]".

Retrouvez l'intégralité de l'interview de Vitali Klitschko ici :

Interview : Alexandre Delpérier