Guerre en Ukraine : Pourquoi une conférence pour reconstruire, alors que le conflit n’est pas fini

Photo prise le 12 novembre 2022 Borodyanka, au nord-est de Kiev, en Ukraine.
GENYA SAVILOV / AFP Photo prise le 12 novembre 2022 Borodyanka, au nord-est de Kiev, en Ukraine.

INTERNATIONAL - Samedi 10 décembre, deux personnes sont mortes dans un bombardement russe dans la région de Kherson. Le même jour, des frappes ukrainiennes s’abattaient sur la ville de Melitopol, occupée par la Russie. Dix mois après l’invasion russe, la fin de la guerre aux portes de l’Europe n’est pas d’actualité. Pourtant, « la résilience et la reconstruction de l’Ukraine » sont au menu d’une conférence à Paris ce mardi 13 décembre sous coprésidences française et ukrainienne.

Mais n’est-ce pas trop précoce ? « Ce sont les Ukrainiens qui nous ont demandés début juillet de parler de reconstruction », souligne l’Élysée, vantant la dimension bilatérale de l’événement.

De même source, on rappelle aussi que la conférence parisienne ne sera pas la première du genre. Dès le mois de mai, une réunion internationale à Varsovie a généré 6,5 milliards de dollars de promesses de dons car « la reconstruction commence aujourd’hui », selon les mots prononcés à l’époque par le président du Conseil Européen Charles Michel. Rebelote à Berlin cinq mois plus tard, où Olaf Scholz et Ursula Von der Leyen plaident alors pour un « plan Marshall » pour relancer le pays face à l’ampleur « stupéfiante » des destructions depuis le début de l’invasion russe.

Un budget difficile à évaluer car en constante augmentation

Au 1er juin, le gouvernement ukrainien, la Commission européenne et la Banque mondiale chiffraient à 349 milliards de dollars la somme nécessaire à la reconstruction du pays. C’est plus d’une fois et demi le PIB ukrainien d’avant-guerre. Nous étions alors à quatre mois de conflit, seulement. Le Fonds Monétaire International a lui évalué les besoins financiers mensuels de l’Ukraine pour 2023 à trois ou quatre milliards d’euros, voire à cinq milliards si les destructions liées à la guerre s’aggravent.

« Il est en réalité extrêmement difficile d’avancer de tels chiffres. Savoir ce qui doit être reconstruit en 2023, en 2024, en 2025, c’est compliqué », soutient l’Élysée pour qui l’estimation de 50 milliards d’euros faite par l’université de Kiev est sans doute sous évaluée. « L’impact de l’invasion se fera sentir pendant des générations », estime de son côté le rapport conjoint du gouvernement ukrainien et de la Banque Mondiale. A fortiori si la guerre perdure.

« Mais on ne peut pas se permettre d’attendre la fin de la guerre pour voir ce qu’on fait », justifie la présidence. La solidarité n’est pas la seule motivation des discussions sur la reconstruction. Sur le plan militaire, se projeter dans l’après-guerre est un ressort psychologique important pour le moral des troupes et celui des civils. Surtout, « il y a dans la reconstruction quelque chose de très politique », souligne-t-on autour d’Emmanuel Macron. Avec des enjeux aussi bien internationaux que franco-français.

Derrière la reconstruction, une place à prendre en Ukraine

Sans le dire, cela permet de réaffirmer un soutien sur le long terme, alors que la Russie mène une guerre « d’usure et de perception ». S’impliquer dans l’avenir est aussi et surtout une façon de se faire une (bonne) place en Ukraine, alors que le pays est officiellement candidat pour intégrer l’UE. Sans oublier qu’une aide économique est plus facile à justifier sur le plan diplomatique qu’une aide militaire et permet de faire oublier (un peu) les critiques sur l’engagement français aux côtés des troupes ukrainiennes. « Il est important qu’on puisse faire passer le message à la fois à Moscou mais aussi à la population ukrainienne que la France, la communauté internationale, est à ses côtés aujourd’hui mais sera aussi à ses côtés demain et dans les années qui viennent », insiste l’Élysée.

« Il est important qu’on puisse faire passer le message à la fois à Moscou mais aussi à la population ukrainienne que la France sera aussi à ses côtés demain et dans les années qui viennent. »

Pour mettre en valeur le « made in France », pas moins de 500 entreprises françaises sont attendues aux tables rondes avec des ministres ukrainiens autour de cinq thématiques : les infrastructures, la santé, l’énergie, l’agroalimentaire, et la technologie et le digital. L’Élysée promet de mettre en place 1,2 milliard d’euros de « garanties export » afin de sécuriser les entreprises et de les inciter à investir dans un pays encore en conflit.

« Les Ukrainiens, le gouvernement ukrainien souhaite beaucoup que les entreprises françaises puissent aussi participer en quelque sorte à l’effort et conserver le lien », assure-t-on au sommet. Une reconstruction gagnant-gagnant, à condition d’être en pole position sur la ligne de départ.

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