Guerre en Ukraine: la France est-elle désormais seule face à la Russie?

De nombreux alliés de Kiev, dont les Etats-Unis et l'Allemagne, se sont démarqués des propos d'Emmanuel Macron évoquant l'envoi de troupes françaises en Ukraine. La France s'est-elle isolée de ses partenaires?

"Aucune limite, aucune ligne rouge" pour aider l'Ukraine face à la Russie. Les mots d'Emmanuel Macron ont résonné partout en France et bien au-delà de nos frontières. En Russie, Moscou évoque désormais une 3e guerre mondiale tandis que les chaînes d'infos évoquent des bombardements nucléaires, non seulement sur des capitales européennes, mais aussi sur plusieurs villes de France.

"Des menaces qui sonnent comme du temps de la guerre froide", a réagi Sébastien Lecornu lors d'une discussion avec des journalistes de BFMTV et BFM Business.

La fin de l'aide américaine?

Alors que la tension monte entre Paris et Moscou, l'enthousiasme des alliés de Kiev se réduit après deux années de guerre. En pleine campagne électorale, les Etats-Unis, qui étaient jusqu'à la fin 2023 les plus importants alliés de l'Ukraine avec une aide militaire de 42 milliards de dollars, tardent à débloquer une aide de 60 milliards de dollars à Kiev. Depuis le début de l'année 2024, les livraisons d'armes américaines ont brusquement cessé. Si Donald Trump accède à la Maison Blanche, les Américains pourraient cesser d'aider l'Ukraine et revoir leur participation dans l'Otan.

"Je crains que l'Ukraine doive bientôt se passer définitivement de l'aide américaine", nous a confié Xavier Tytelman, expert aéronautique et spécialiste du conflit en Ukraine.

Côté européen, l'Allemagne refuse toujours de livrer des missiles Taurus de longue portée qui permettraient de mener des frappes dans la profondeur et de menacer la Russie sur son territoire. Aujourd'hui, les troupes russes avancent doucement mais sûrement autour d'Avdiivka, ville de l'oblast de Donetsk, et accentuent des bombardements aériens pour faire reculer les troupes ukrainiennes en manque de munitions. Lorsque les Ukrainiens tirent un obus, les Russes en tirent une dizaine.

"Il y a un vrai risque que l'armée ukrainienne soit en très grande difficulté", a réagi sur BFMTV Guillaume Ancel, ancien officier français, en ajoutant que "si la Russie finit un jour par envahir l'Ukraine, elle s'en prendra à d'autres pays européens. Alors qu'est-ce qu'on fait?"

"Quand le président Macron dit qu'il ne se met pas de limite, il n'y a que le Rassemblement national qui essaie de faire croire qu'on va mobiliser tous les Français. Quand un responsable de ce parti dit qu'on ne peut rien faire parce que la Russie est une puissance nucléaire, je rappelle que nous sommes aussi une puissance nucléaire", explique Guillaume Ancel.

"Si on ne fait rien, autant se coucher tout de suite et leur dire qu'ils peuvent prendre aussi les pays baltes".

En guerre pour défendre l'Ukraine

"Macron est courageux de dire la réalité. Et cette réalité c'est que nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, mais en guerre pour défendre l'Ukraine, ce qui n'est pas la même chose", explique Guillaume Ancel.

"Le fait que Vladimir Poutine s'en prenne à la France montre qu'on est sur le bon registre", estime-t-il.

La France ira-t-elle jusqu'à envoyer des troupes combattantes en Ukraine comme l'extrapolent les responsables de LFI et du Rassemblement national en reprenant les arguments du président russe? Ce matin, sur BFMTV, Sébastine Lecornu a répliqué à ces affirmations.

"Il n'est pas question d'envoyer des troupes au sol combattantes", a affirmé le ministre des Armées en précisant les nouvelles pistes envisagées pour aider l'Ukraine.

"Entre le transfert d'armes tel que nous le connaissons aujourd’hui et la cobelligérance, c'est-à-dire la guerre directe avec la Russie, est-ce qu’on a tout essayé?", s'interroge Sébastien Lecornu.

Experts en armement et industriels de la défense

Le projet est désormais de créer une une alliance stratégique de production industrielle et militaire avec l'Ukraine en envoyant sur le terrain des experts en armement et des industriels de la défense, a indiqué Sébastien Lecornu.

"Des entreprises françaises vont créer des partenariats avec des entreprises ukrainiennes pour produire sur le sol ukrainien des pièces détachées, peut-être même des munitions demain", a déclaré le ministre des Armées.

Parmi les entreprises tricolores qui s'implanteront sur le sol ukrainien pour soutenir la production du pays dans le cadre du conflit armé qui l'oppose à la Russie, figurent le spécialiste des drones Delair ou Nexter, le fabricant des canons Caesar et ses obus de 155 mm.

La France est-elle la seule à fournir ces nouvelles aides? Pas vraiment. S'ils ne le disent pas ouvertement, d'autres pays occidentaux sont déjà sur place, mais "ne veulent pas le dire à leurs opinions publiques". Par exemple, des soldats britanniques sont en Ukraine depuis des mois pour paramétrer les missiles Storm Shadow qui ont été adaptés pour équiper les avions Sukhoï de l'armée de l'air ukrainienne. D'autre part, le New York Times a aussi révélé que la CIA dispose de 14 bases actives en Ukraine.

"Nous ne sommes plus dans la même situation qu'il y a deux ans", lors du début de la guerre, a souligné le ministre des Armées.

Le 26 février, une réunion internationale de soutien à l'Ukraine s'est tenue à l'initiative de la France. Organisée par le ministre des Armées et le ministre des Affaires étrangères. Une trentaine de pays ont participé à cette réunion "consacrée au soutien à l'Ukraine avec l'objectif de faire davantage et mieux pour mettre la Russie en échec".

Parmi les sujets à l’ordre du jour, la cyberdéfense, la protection de la frontière de l’Ukraine avec la Biélorussie, le ⁠déminage et l⁠'augmentation des livraisons de munitions. Pour Emmanuel Macron, "face à un ennemi qui ne se met aucune limite, nous ne pouvons nous permettre d'en formuler".

Article original publié sur BFMTV.com

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