Guerre Israël-Hamas : Dans la bande de Gaza, Rafah en étau entre bombardements et pression humanitaire

Alors qu’Israël intensifie ses frappes, la situation devient intenable dans le sud de la bande de Gaza, au niveau du point de passage de Rafah.

Une famille palestinienne déplacée, dans les décombres d’une rue de Rafah, le 10 démcebre 2023
MOHAMMED ABED / AFP Une famille palestinienne déplacée, dans les décombres d’une rue de Rafah, le 10 démcebre 2023

PROCHE-ORIENT - Un funeste étau. En quelques semaines l’offensive de Tsahal dans la bande de Gaza, allant du Nord vers le sud, a fait affluer quotidiennement des milliers de réfugiés palestiniens à la frontière avec l’Égypte, à Rafah. C’est aussi là que médicaments et carburant arrivent depuis le nord du Sinaï, et où ont lieu des distributions limitées. Car l’aide ne parvient pas à être acheminée au-delà de Rafah.

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Cet ville-étau, entre pression humanitaire et humaine, où une grande partie des 1,9 million de Gazaouis qui ont fui les bombes se trouvent acculés, n’est pas pourtant épargnée par les frappes et n’est donc pas un lieu sûr. Tout début décembre, Salwa Tibi employée par l’ONG Care et déplacée à Rafah, racontait déjà au HuffPost à quel point les frappes sont à la porte : « On n’est pas en sécurité. Mais on a décidé de ne pas bouger, car il y a déjà des milliers de gens qui sont évacués de Khan Younès, de Bani, de Qarara, vers Rafah. Je ne sais pas où je vais pouvoir aller, rester c’est mieux que d’errer ».

Carte de la bande de Gaza
Carte de la bande de Gaza

À l’AFP, Oum Mohammed al Jabri, une femme de 56 ans, qui a perdu sept enfants pendant la nuit dans une frappe, racontait à l’AFP ce week-end : « Tout est parti. Il me reste quatre enfants sur 11. Nous sommes allés de Gaza jusqu’à Khan Younes puis nous avons été déplacés jusqu’à Rafah. Cette nuit, ils ont bombardé la maison dans laquelle on était et l’ont détruite. Ils avaient dit que Rafah serait un endroit sûr. Il n’y a pas d’endroit sûr ».

Un vaste camp de réfugiés

Ce lundi 11 décembre, alors que de nouveaux bombardements israéliens ciblent Khan Younès, accentuant la pression plus au sud, une douzaine d’envoyés du Conseil de sécurité de l’ONU sont attendus à la frontière entre l’Égypte et Gaza. Une visite non officielle organisée par les Émirats arabes unis. Elle survient quelques jours après que le secrétaire général Antonio Guterres a averti que des milliers de personnes dans l’enclave palestinienne étaient « tout simplement affamées ».

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), des dizaines de milliers de déplacés arrivés à Rafah depuis le 3 décembre « sont confrontés à des conditions désastreuses, dans des lieux surpeuplés, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des abris ».

La ville s’est transformée en gigantesque camp de déplacés où des centaines de tentes ont été montées à la hâte avec des bouts de bois, des bâches en plastique et des draps. « Des foules attendent pendant des heures autour des centres de distribution de l’aide, les gens ont désespérément besoin de nourriture, d’eau, d’un abri, de soins et de protection », tandis que « l’absence de latrines ajoute aux risques de propagation de maladies », en particulier quand la pluie provoque des inondations, a ajouté l’Ocha.

Le but de la visite selon l’ambassadrice des Émirats arabes à l’ONU, Lana Nusseibeh, est « d’apprendre de première main ce qui est nécessaire en termes d’intensification des opérations humanitaires pour répondre aux besoins du peuple palestinien à Gaza ».

La crainte d’une nouvelle Nakba

Depuis le début de l’offensive israélienne, les Palestiniens craignent d’être forcés à quitter définitivement Gaza pour l’Égypte. Sans la possibilité d’ensuite revenir comme ce fut le cas en 1948 avec la Nakba et l’exode d’au moins 760 000 personnes. Des inquiétudes aussi portées par la communauté internationale.

« Les développements auxquels nous assistons témoignent de tentatives de déplacer les Palestiniens vers l’Égypte, qu’ils y restent ou qu’ils soient réinstallés ailleurs (...) La décimation du nord de Gaza et le déplacement de millions de Gazaouis vers le sud constituent la première étape d’un tel scénario, et elle est déjà achevée », écrit dans le LA Times, Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.

Des accusations également formulées par le ministre jordanien des Affaires étrangères. Lors d’une conférence au Qatar dimanche, il a accusé Tel Aviv de vouloir « vider la bande de Gaza de ses habitants ». « Outrageant et faux » lui a répondu le porte-parole du gouvernement israélien, Eylon Levy. « Il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de projet israélien de déplacer les habitants de Gaza en Égypte. Ce n’est tout simplement pas vrai », a renchéri auprès de l’AFP un autre porte-parole interrogé sur les propos de Philippe Lazzarini.

Tsahal a annoncé lundi que 101 soldats étaient morts depuis le début de l’offensive terrestre. Le Hamas a prévenu dimanche qu’aucun des 137 otages encore détenus à Gaza n’en sortirait « vivant » sans « un échange et une négociation, et sans répondre aux exigences de la résistance ». Après l’échec vendredi du Conseil de sécurité de l’ONU à voter un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » en raison du veto américain, l’Assemblée générale doit se réunir mardi.

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