Guerre à Gaza : La France a-t-elle équipé l’armée israélienne ? Ce que l’on sait des accusations

Sebastien Lecornu, le 6 mars 2024 quittant l’Élysée.
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Sebastien Lecornu, le 6 mars 2024 quittant l’Élysée.

POLITIQUE - La France a-t-elle fourni des composants de munitions utilisés par l’armée israélienne à Gaza ? C’est ce qu’affirment les médias Disclose et Marsactu dans une enquête publiée ce mardi 26 mars. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu dément.

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L’enquête s’appuie sur des photos prises dans un hangar appartenant à Eurolinks, entreprise marseillaise qui produit des « maillons pour cartouches aux industriels de la munition et aux forces armées dans le monde entier ». Le cliché mis en ligne par Disclose montre l’étiquette d’un colis à destination du fabricant d’armes Israel Military Industries (IMI). Cette entreprise fournit à l’armée israélienne des balles qui se retrouvent dans des fusils (Negev 5) utilisés sur le terrain.

Quel rapport avec la France ? Les maillons fournis par l’entreprise marseillaise sont indispensables dans les tirs en rafale des mitrailleuses israéliennes, explique un expert en armement à Disclose. Selon les deux médias d’investigation, la France aurait fourni via Eurolinks de quoi relier « au moins 100 000 munitions entre elles ».

Les Negev 5 et donc les pièces françaises ont été utilisés à plusieurs reprises par les soldats de l’armée israélienne depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre. Y compris, selon l’ONG Euro-Med Human Rights Monitor dans des offensives meurtrières pour les civils, dont celle du 29 février 2024 où une distribution d’aide alimentaire à Gaza a tourné au carnage avec la mort de plus d’une centaine de personnes. À l’époque, le président de la République Emmanuel Macron avait dit son « indignation » et le ministre des Affaires Étrangères Stéphane Séjourné avait appelé à une enquête indépendante.

La France « complice » de massacre à Gaza ?

Israël a démenti toute responsabilité dans la mort des civils, assurant n’avoir tiré « que sur un certain nombre de suspects qui s’approchaient [de soldats israéliens] et présentaient une menace. » Mais selon l’ONG, des balles du calibre des Negev 5 ont bel et bien été retrouvées sur les blessés.

Ces révélations de presse ont donc provoqué la colère de l’opposition de gauche. « Le gouvernement a menti à la représentation nationale puisqu’à plusieurs reprises, nous l’avions interrogé sur ces questions de livraisons d’armes au gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu et à chaque fois (...) on nous répétait que la France ne livrait que des composants utilisés de façon défensive pour le Dôme de Fer », a tonné la cheffe des députés LFI Mathilde Panot. Et d’accuser le gouvernement français de « complicité du génocide en cours à Gaza », si les révélations étaient avérées.

L’eurodéputé écologiste Mounir Satouri réclame lui aussi « la vérité » sur ces livraisons. « Ces révélations suscitent des questions sur l’éventuelle complicité de la France dans les violations des droits humains », écrit-il sur X. « La France derrière son langage verni de l’inaction, cachait sa complicité. Nous devons cesser immédiatement ces ventes d’armes », abonde la députée communiste Elsa Faucillon.

« Rien à cacher », assure Sébastien Lecornu

Le sujet s’est invité en marge d’une conférence de presse sur l’Ukraine de Sébastien Lecornu, qui a démenti toute livraison de composants susceptibles d’être utilisés dans des offensives. Il a précisé que les exportations françaises vers Israël se scindaient en deux catégories. La première, concerne du matériel « dont la vocation est à la réexportation, c’est-à-dire pas à l’usage par l’armée israélienne ». Il ne s’agit « jamais d’armements constitués mais de composants qui peuvent être fournis à des industries israéliennes qui ensuite vendent à des pays tiers ».

Deuxième cas de figure : la France livre des composants à vocation « purement défensive » pour le Dôme de Fer, le bouclier antimissile de l’État hébreu. « Ces composants n’ont pas lieu de faire l’objet d’une licence d’interdiction puisqu’on est sur un matériel (...) qui est strictement défensif et qui n’intervient pas dans la bande de Gaza », assure-t-il.

Les livraisons militaires françaises vers Israël sont régulièrement critiquées par la gauche qui réclame un embargo en vertu du traité des Nations unies sur le commerce des armes (TCA), qui interdit aux États la vente d’armes s’ils ont « connaissance » qu’elles pourraient servir à des génocides, crimes contre l’humanité ou attaques contre les civils. Une demande à nouveau balayée par le ministre des Armées qui a précisé que les exportations vers Israël ne représentaient que 0,2 % du total français. « Je crois vraiment que la France est exemplaire en la matière », a déclaré Sébastien Lecornu assurant n’avoir « rien à cacher ».

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