Le grand essayiste Pietro Citati est mort

L'écrivain italien Pietro Citati, en 2002.  - Credit:ULF ANDERSEN / Ulf Andersen / Aurimages via AFP
L'écrivain italien Pietro Citati, en 2002. - Credit:ULF ANDERSEN / Ulf Andersen / Aurimages via AFP

C'est un grand essayiste, un vrai Européen et un incroyable érudit qui vient de mourir en Toscane à 92 ans. Né à Florence en 1930 dans une famille de la noblesse sicilienne, Pietro Citati aura dédié sa vie aux auteurs les plus marquants de notre culture – Tolstoï, Kafka, Goethe, Proust, Leopardi, Baudelaire, Manzoni. Non seulement il s'emparait de leur vie, dans ce qu'il se refusait à appeler des biographies, mais il revivait leurs tourments, s'immisçait dans leur conscience, réécrivait à sa façon leurs livres, devenait littéralement eux, des années durant. Étrangère aux critères universitaires, l'érudition de Citati était gourmande et joyeuse.

D'emblée, elle captait l'attention par sa suavité – il n'a pas consacré par hasard un essai à « la voix de Shéhérazade ». On croyait entendre la sienne en le lisant, tant sa langue était apte à saisir, par son exceptionnelle fluidité, les allers et retours d'une conscience et les aléas d'une vie. Nourri d'une mythologie qui reste vivante en Italie, Citati aimait plus que tout les métamorphoses des héros qu'il ressuscitait, qu'ils soient réels (Alexandre le Grand), fictifs (Ulysse dans La Pensée chatoyante) ou divins (La Lumière de la nuit). Sereines, puissantes, lumineuses, ses idoles régnaient dans le ciel des Idées comme le Jupiter d'Ingres, tour à tour terrible et doux : « Il s'identifie toujours à des personnages qui s'identifient à leur tour à l'univers », disait de lui Italo Calvino.

Citati possédait les deux se [...] Lire la suite