La grève des éboueurs à Paris prend un tour politique

Un piéton passant devant des conteneurs d’ordures ménagères dans une rue de Paris, le 12 mars 2023.
Un piéton passant devant des conteneurs d’ordures ménagères dans une rue de Paris, le 12 mars 2023.

PARIS - « Un vrai problème d’hygiène. » Cela va maintenant faire une semaine que les éboueurs de la ville de Paris sont en grève contre la réforme des retraites. 5 400 tonnes de déchets restaient non ramassées ce dimanche 12 mars, formant des monticules dans plusieurs quartiers la capitale.

Trois usines d’incinération aux portes de la capitale, celles d’Ivry-sur-Seine, d’Issy-les-Moulineaux et de Saint-Ouen, sont par ailleurs à l’arrêt, expliquant ces poubelles débordantes par endroits, parfois alignées sur toute la largeur des trottoirs.

L’agence métropolitaine des déchets ménagers Syctom a de son côté indiqué dévier les bennes vers une quinzaine d’autres sites de traitement ou de stockage et ne pas avoir requis, à ce stade, l’intervention de la police pour mettre fin au blocage de ses centres.

En cette fin de semaine, plusieurs élus sont montés au créneau pour dénoncer la situation. Le maire du 6e arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, et celui du 17e, Geoffroy Boulard, ont ainsi écrit à Anne Hidalgo. Le premier ne veut pas « critiquer le légitime droit de grève », mais alerte sur « les risques sanitaires », tandis que le second demande une collecte par une entreprise privée face à « une prolifération de rongeurs », comme il l’a dit à BFMTV.

Une partie de la collecte assurée par des prestataires privés

« Ce qui se passe est purement insupportable pour un pays comme le nôtre. On ne peut pas laisser croître des montagnes d’ordures dans les rues de la capitale », s’est indigné de son côté François Bayrou dans l’émission Le Grand Jury sur RTL.

Le conseiller de Paris Pierre-Yves Bournazel demande lui « à la mairie la réquisition en urgence d’agents pour assurer » le ramassage des ordures.

Même Clément Beaune, ministre des Transports, a apporté sa contribution à la polémique. « Septième jour sans ramassage des poubelles. Puanteur et pourrissement. Aucune mesure d’urgence, même partielle, décidée par la Ville de Paris. Enième exemple d’inaction et de mépris des Parisiens », a déploré le putatif candidat à la mairie de Paris.

La riposte du clan Hidalgo n’a pas tardé : « Pourrissement c’est ce qui qualifie votre vision du dialogue social. Si vous vous préoccupez vraiment des Parisiens et des Français qui la rejettent massivement, retirez votre réforme des retraites injuste », a écrit Antoine Guillou, adjoint de la maire de Paris chargé des ressources humaines, du dialogue social et de la qualité du service public.

Face à l’urgence de la situation, les services de la mairie privilégient la collecte dans « les secteurs prioritaires en termes de salubrité et de sécurisation des cheminements », comme elle l’a précisé auprès de BFM Paris Île-de-France.

Les agents de la mairie assurent la collecte des déchets dans la moitié des arrondissements parisiens (IIe, Ve, VIe, VIIIe, IXe, XIIe, XIVe, XVIe, XVIIe et XXe), tandis que l’autre moitié est gérée par des prestataires privés.

« C’est terrible, y a des rats et des souris »

Dans son préavis de grève reconductible, la CGT rappelle que les éboueurs et les conducteurs peuvent pour l’heure prétendre à la retraite à 57 ans sans bonification, un âge reporté à 59 ans en cas d’adoption de la réforme des retraites.

« La grande majorité des personnels de la direction de la propreté et de l’eau a une espérance de vie de 12 à 17 ans de moins que l’ensemble des salariés », assure le syndicat, par ailleurs en pleine négociation sur le reclassement indiciaire et le déroulement de carrière des éboueurs.

Dans les rues, les passants interrogés par l’AFP ce dimanche disent souvent « comprendre le mouvement ». Les éboueurs « sont les premières victimes de cette réforme » car « souvent ils ont commencé à travailler jeunes » et « font un métier plus difficile que d’autres gens qui sont dans les bureaux », commente ainsi Christophe Mouterde, étudiant de 18 ans.

« C’est terrible, y a des rats et des souris », relève Romain Gaia, pâtissier de 36 ans qui, comme d’autres commerçants du IIe arrondissement, a stocké près d’un square les poubelles qui s’accumulent sur plus d’un mètre de haut.

Mais travailler plus longtemps pour les éboueurs, « c’est délirant, ils ont tout à fait raison de faire un mouvement social » et « devraient faire durer peut-être encore plus », estime le pâtissier. Ce sont des « gens qui d’habitude n’ont pas de pouvoir, mais s’ils arrêtent de travailler, ils en ont un vrai », relève-t-il.

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