Grève à la RATP, rames bondées... Le métro (et ses usagers) en surchauffe

Jeudi 10 novembre prochain, les transports parisiens seront fortement impactés par une grève lancée par les principaux syndicats de la RATP, qui revendiquent une hausse des salaires.
PHILIPPE LOPEZ / AFP Jeudi 10 novembre prochain, les transports parisiens seront fortement impactés par une grève lancée par les principaux syndicats de la RATP, qui revendiquent une hausse des salaires.

Il n’est pas présomptueux de dire que le métro parisien n’a jamais été un modèle d’organisation. Ces dernières semaines, les usagers de la RATP soulignent toutefois une dégradation inhabituelle du réseau de transport. Rames bondées, temps d’attente démultiplié en heure creuse... Les Parisiens et banlieusards se heurtent de plus en plus souvent à des messages de la Régie de transport invoquant sans plus d’explications des « difficultés d’exploitation » qui rallongent leurs trajets.

La situation va bien sûr être très aggravée par la grève massive annoncée jeudi 10 novembre sur l’ensemble du réseau de transport pour une revalorisation des salaires. Mais elle dépasse cette seule journée d’action, avec un ressenti des usagers,qui pointent en particulier les lignes 12 et 13 du métro parisien, où prendre une rame vide relèverait désormais du miracle.

De quoi donner du travail à l’ancien Premier Ministre Jean Castex, nommé par Emmanuel Macron pour prendre la tête du groupe.

Manque de personnel et service réduit

Dans les faits, à quoi sont dues ces perturbations ? Contactée par Le HuffPost, la RATP, qui se dit « pleinement mobilisée », invoque deux raisons. D’abord le manque, « modeste » selon elle, d’une centaine de conducteurs de métro, mais aussi la fréquentation en hausse du réseau souterrain, remontée ces derniers jours à 90 % du niveau d’avant Covid. Or, seuls quatre lignes (7, 9, 13 et 14) et le réseau de RER marchent à plein régime, selon la Régie.

L’offre de transport, commandée par Île-de-France Mobilités, l’autorité en charge des transports franciliens, était pourtant jusqu’ici réduite de l’ordre de 10 à 15 % en raison de difficultés financières et de la fréquentation en baisse depuis le début de la pandémie. Elle n’a pourtant jamais été atteinte par la RATP, qui nous indique avoir complété « 93,3 % de l’offre (...) en septembre-octobre, et 95,5 % en moyenne depuis le début de l’année ».

La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, est la première à déplorer ce manque d’efficacité. Dans le Parisien dimanche 6 novembre, elle a annoncé vouloir rétablir l’offre de transports à 100 %, mais aussi réclamé un audit des sept lignes les plus impactées actuellement sur le réseau de transport (3, 4, 6, 8, 11, 12 et 13). Elles affichent, selon elle, « des taux de régularité inférieurs à 91 % ».

Six mois pour rétablir l’offre à 100 %

Une décision dont « se félicite » auprès du HuffPost la RATP, qui « va faire le nécessaire pour que cette demande soit atteinte le plus rapidement possible ». Cela « prendra du temps », prévient-elle toutefois, car le cœur du problème reste le manque de conducteurs. « Comme prévu dans l’avenant signé avec IDFM (...), l’entreprise à six mois pour atteindre cet objectif », rappelle la Régie.

Pour accélérer les processus de recrutement, la RATP a déployé plusieurs dispositifs, dont la prime de cooptation en septembre dernier. Elle promet 200 euros net aux salariés qui aideraient au recrutement de conducteurs ou d’agent de station. Une prime certes intéressante, mais qui ne comble pas encore le manque de personnel. La faute notamment aux séries de formations restreintes durant la pandémie et à l’exigence des formations.

Le recrutement interne en berne

« La dernière chose que l’on voudrait, c’est d’avoir des formations au rabais pour compenser le manque de personnel », appuie Jean-Christophe Delprat, le secrétaire général de Force ouvrière. Car, rappelle-t-il auprès du HuffPost, « seuls 10 % des candidats sont retenus à l’issue des tests psychotechniques et des entretiens ».

Le recrutement interne « autrefois de l’ordre de 60 % », se retrouve en outre perturbé par le manque d’effectifs sur le réseau bus. « Avant, un machiniste à la RATP avait quasiment la garantie d’évoluer au fil de sa carrière, pour finir conducteur de rames, voire cadre supérieur. Aujourd’hui c’est fini », déplore Jean Christophe Delprat. « Ajoutez à cela le manque d’attractivité de nos salaires et de nos conditions de travail, et vous obtenez la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui », souffle-t-il avec exaspération.

Jean Castex à la RATP, une nomination qui inquiète

Ce jeudi, le réseau de transports francilien sera fortement impacté par une grève lancée à l’appel des principaux syndicats de la RATP (Solidaires, CGT, Unsa, FO et La Base), qui réclament une revalorisation des salaires. Sept lignes de métro seront fermées, tandis que le trafic sur les RER A et B sera fortement perturbé. Et c’est bien la situation globale à la RATP qui va aussi expliquer la forte mobilisation. « Il en va de l’attractivité de nos métiers », souligne le secrétaire général de Force ouvrière.

De quoi donner du grain à moudre à l’ancien Premier Ministre Jean Castex, dont la nomination plus que probable à la tête de la RATP inquiète parmi les syndicalistes. « Comment lui faire confiance alors que son gouvernement est à l’origine de la dégradation de nos conditions de travail ? », interroge Jean-Christophe Delprat. « Comment ne pas être inquiet pour notre gouvernance alors que le Code pénal interdit à un ministre d’exercer des fonctions au sein d’une entreprise qui était sous sa tutelle pendant trois ans ? », questionne-t-il encore.

Juridiquement valable ou pas, Valérie Pécresse attend en tout cas beaucoup de la nomination de l’ancien chef de gouvernement. « Jean Castex va devoir se retrousser les manches pour rétablir la qualité de service (...). Mais aussi pour restaurer la confiance en interne », a souligné la présidente de région dans le Parisien. Méfiants, les syndicats attendront eux « sa feuille de route ».

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