Gérard Lanvin : "François Hollande ? Je l'ai détesté à partir de ce moment-là"

Son visage est sans doute l’un des plus puissants du cinéma français. Avec sa gouaille légendaire, Gérard Lanvin s’est construit une carrière solide dans l’univers du septième art, jonglant entre les hauts et les bas d’une existence faite de bonheurs et de chagrins. Comme ce jour où il a appris la mort de son grand ami, Coluche, ou celle d’une autre personne chère à son cœur, Marie Trintignant. Aujourd’hui, le comédien de 71 ans dévoile son tout premier album, "Ici-Bas", dans lequel il conte ces moments de vie. L’occasion de se confier à Yahoo comme rarement auparavant…

Gérard Lanvin, c’est des films cultes comme "Marche à l’ombre", "Le prix du danger", "Le goût des autres" et tant d’autres. Mais c’est aussi une personnalité à part qui s’exprime toujours sans concessions ni filtre. Pas besoin de prendre de pincettes pour livrer l’exactitude de ses sentiments. C’est d’ailleurs ce qu’il s’emploie à faire désormais en chanson et avec son tout premier album, "Ici-bas". À cette occasion, Gérard Lanvin est revenu sur les grands moments de sa vie, de ses drames intimes à ses avis très tranchés sur la politique en passant par son cocon sacré.

"François Hollande me fait rire de sa stupidité"

Gérard Lanvin est un citoyen engagé, pas du genre à jouer sur la bienséance lorsqu’il s’agit de livrer le fond de sa pensée sur le paysage politique français. Dans sa chanson "Entre le dire et le faire", le comédien s’attaque d’ailleurs à plusieurs présidents de la République. "Je n’ai fait que raconter ce qu’on m’a raconté dans les médias people. C’est bien joli de vouloir le poste, après il faut peut-être assumer. Parce qu’entre le dire et le faire, au milieu y a la mer" lâche-t-il. Et s’il y en a bien un qui s’est attiré ses foudres, c’est François Hollande : "Ça a été quand même celui qui nous a menti sur toute la ligne et qui n’a aucun respect du protocole." Pour Gérard Lanvin, cette animosité à l’égard de l’ancien chef d’État a commencé en 2012, le jour de son investiture.

Gérard Lanvin, comme beaucoup d’autres, n’a rien oublié de cette séquence gravée dans les annales, où François Hollande ne raccompagne pas Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni-Sarkozy jusqu’à leur voiture pour quitter l’Élysée. "Le mec lui tourne le dos, et je l’ai détesté à partir de ce moment-là", s’insurge Gérard Lanvin. Et puis il y a aussi l’affaire Julie Gayet : "Il s’est fait gauler en scooter en allant rejoindre sa blonde, il faut le faire quand même, c’est hallucinant ! ‘Président normal’, ça veut dire quoi ?! Explique-moi coco ! Les gens disent ‘ouais mais il est sympa, il est drôle !’ J’en ai rien à foutre qu’il soit drôle, moi il me fait rire de sa stupidité, d’avoir été à ce poste sans en avoir le volume."

Mais que François Hollande se rassure, Nicolas Sarkozy ne s’attire pas non plus les faveurs de Gérard Lanvin, nostalgique d’une époque où politiques et vie publiques ne faisaient pas bon ménage : "Avant il y avait des politiques qui avaient un schéma, une carrière. Et puis, surtout, pas cette médiatisation. Quand j’ai entendu Monsieur Sarkozy dire ‘Carla et moi c’est du sérieux’, je suis tombé des nues. Qu’est-ce que j’en ai à foutre ? C’est pas ça, moi, que j’attends de toi ! On attend qu’ils agissent et réagissent bien pour que la population soit satisfaite."

"La mort de Coluche a été comme un coup de hache"

Entre Coluche et lui, tout a commencé "par hasard" : "Coluche, c’était évidemment un repère pour vous tous. Moi c’était ma famille. Je l’ai rencontré aux Puces. On a a eu un feeling parce qu’on avait chacun une Harley, donc forcément, ça rapproche." Liés par cette passion pour la moto, ils ne se lâchent plus. Coluche est alors au début de sa carrière d’humoriste et écume les cafés-théâtres pour jouer ses sketchs. Près de lui, Gérard Lanvin fait la connaissance du gratin, de Patrick Dewaere à Martin Lamotte. C’est d’ailleurs avec ce dernier qu’il monte l’un des établissements les plus célèbres de la capitale, le Point Virgule. "Et ma vie a changé" se souvient Gérard Lanvin. Nous sommes alors à la fin des années 70. C’est la grande "aventure" des cafés-théâtres.

"Coluche, pour moi, a été d’abord un frère. J’ai habité 8 ans avec lui, on a fait le tour de la France tellement de fois ensemble. Moi j’avais vendu mes trucs aux Puces, je n’avais plus rien." Avec ce frère à qui il tient tant, Gérard Lanvin se lance sur grand écran. Ensemble, ils jouent dans la comédie "Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine" réalisée par Coluche et sortie en 1977. "J’avais un rôle principal à côté de Coluche, il a fallu me remplacer au café-théâtre. Quand je suis revenu, il y avait Renaud qui jouait à ma place. Coluche m’a dit : ‘Ils m’ont fait le même coup au Café de la Gare, tu seras une vedette’, je trouvais ça sympathique de me rassurer comme ça" confie Gérard Lanvin. Des mots d’une tendresse inouïe à l’image de la complicité qui les liait. Mais derrière le succès et les sketchs, l’acteur est témoin des failles de Coluche : "Il est tombé dans une histoire après avec la présidence. Je voyais mon pote dans une difficulté, c’est celle de la défonce, quoi. Ce n’était pas le moment pour moi de rester."

Gérard Lanvin vole alors de ses propres ailes. Quelques années plus tard, son chemin croise à nouveau celui de Coluche. Mais la vie ne leur offre hélas pas plus de temps. Le 19 juin 1986, Coluche se tue à moto, percuté par un camion sur la route d’Opio, près de Grasse dans les Alpes-Maritimes. Il avait 41 ans. "Sa disparition a été un coup de hache pour moi" souffle Gérard Lanvin, encore éprouvé malgré le poids des années. Lui se souvient de cette phrase prononcée par Coluche juste avant sa mort : "Il m’a dit : ‘J’espère que tu vas venir me voir au Zénith parce que je vais leur en foutre plein leur gueule à tous’, et puis il meurt. Donc c’est particulier pour moi ce souvenir de cette dernière phrase." Aujourd’hui encore, et à l’instar d’autres observateurs, Gérard Lanvin émet des doutes sur la disparition de Coluche : "Cette mort est quand même assez particulière, bizarre. Parce que Coluche, c’était quelqu’un qui avait le tempérament à faire les choses à la même heure (…) Mon ami Ludo qui était son alter ego, son coiffeur, faisait de la moto derrière. Il ne roulait pas du tout vite. C’est très louche. On ne peut rien confirmer ni infirmer. On peut douter."

"Marie Trintignant a été exécutée par un homme irresponsable"

Plusieurs années après la mort tragique de Coluche, Gérard Lanvin a dû dire adieu à une autre de ses amies : Marie Trintignant, morte sous les coups de son compagnon d’alors, Bertrand Cantat, en août 2003. "Je n'ai jamais pu pardonner" avait déjà confié l’acteur sur le plateau de C à vous. Le 8 mars 2021, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Gérard Lanvin avait sorti la chanson "Appel à l’aide" avec son fils Manu, dont les bénéfices ont été reversés à l'Union nationale des familles victimes de féminicides.

Une cause qui lui tient particulièrement à coeur, comme il le confie aujourd’hui à Yahoo : "J’avais une très bonne amie qui s’appelle Marie Trintignant, qui a été exécutée par un homme irresponsable. Moi j’ai beaucoup d’amitié, de tendresse et aussi de respect pour les femmes." Marié à Jennifer depuis plus de 40 ans, Gérard Lanvin se bat pour que ces valeurs soient davantage partagées. Alors face aux cas, toujours trop nombreux, de féminicides, l’acteur de 71 ans interpelle les consciences : "Il y a aussi beaucoup de drames qui se passent dans l’anonymat, incognito (…) Tout d’un coup, on a affaire à cette folie-là. J’ai voulu traiter ce sujet simplement en essayant de communiquer avec une chanson. Dire ‘attention’. J’ai raconté l’histoire d’une femme qui a appelé à l’aide et qu’on n’a pas entendue ni écoutée. Comme la plupart de ces victimes."

"J'ai vu ma petite-fille triste et dans l’incompréhension"

Acteur, chanteur, citoyen engagé, Gérard Lanvin est aussi et surtout un père et grand-père aimant. S’il a toujours été présent pour ses deux fils, Manu et Léo, il l’est tout autant de sa petite-fille, Zenia. Et c’est d’ailleurs pour elle qu’il chante aussi, sur un tout autre sujet. "Elle est rentrée de l’école perturbée, raconte Gérard Lanvin. Elle avait été depuis quelques jours dans la cour dérangée par un petit gars. Parce qu’elle a des origines un peu métisses. Donc je l’ai vue triste et dans l’incompréhension. ‘Pourquoi on m’a bousculée, pourquoi on me parle comme ça, pourquoi ?’"

Face aux profonds questionnements de sa petite-fille, Gérard Lanvin n’a pu que dresser un triste constat : les cours d’école sont toutes les mêmes, peu importent les époques. Car cette violence qui peut y régner, ses fils en ont eux aussi été victimes, taxés de "fils de". "Elle était quand même sous le coup d’une agression, d’une émotion négative. J’ai voulu la rassurer", explique Gérard Lanvin.

C’est ainsi que sa chanson "P’tit gars" est née. Une chanson "pour dire à ces petits gars de la cour d’école : ‘Essaie d’apprendre, va laver ton cœur, sois plus tendre et charmeur. Si tu donnes, tout va aller beaucoup mieux, plutôt que d’agresser, et répéter, peut-être, ce que tu entends chez toi. La mixité est importante, essaie de savoir que les gens ont des identités différentes.’" De jolies valeurs transmises, une fois de plus, en chanson.

"Mon fils, c'est un artiste dont j'ai suivi l'évolution"

Car s’il s’est fait connaitre sur grand écran, Gérard Lanvin tend de plus en plus à se rapprocher des premières amours de son fils, le bluesman Manu Lanvin. C’est grâce à ses encouragements qu’il sort, le 21 mai prochain, son tout premier album "Ici-bas". Pour le fils de l’acteur, tout a commencé très jeune. Dans les années 80, pour les besoins du film "Marche à l’ombre", Gérard Lanvin prend des cours de guitare avec l’un des musiciens de Johnny Hallyday : "Il m’a donné la guitare à la fin du film comme souvenir." L’acteur installe alors l’instrument chez lui, sans se douter qu’il vient alors d’éveiller la curiosité musicale de son fils, alors âgé d’une dizaine d’années.

Le petit Manu, jusqu’alors passionné de batterie, se met à gratter quelques notes sur cette guitare, avant de réclamer à son père des cours de solfège. "J’ai dit oui sans suivre l’affaire", se souvient Gérard Lanvin. Manu continue son bout de chemin, et c’est à l’adolescence qu’il fait la rencontre d’un ami de son père, l’artiste Paul Personne. Devant lui, le jeune homme se met à jouer de la guitare. "Il a un p*tain de toucher de guitare ton fils !" lance alors Paul Personne à Gérard Lanvin, pas peu fier de la brillante destinée de Manu : "Aujourd’hui ils jouent ensemble. Donc cette guitare de marche à l’ombre, on l’utilise encore pour nos concerts. C’est assez émouvant de la voir dans les bras de mon fils. C’est une passation." Aujourd’hui, c’est sur scène que père et fils partagent des moments de complicité. Une présence "rassurante" pour Gérard Lanvin qui n’aurait pu rêver mieux.

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