Gary Lineker écarté de la BBC, tollé et vague de soutien au Royaume-Uni

Le présentateur britannique Gary Lineker a été écarté vendredi 10 mars de la BBC pour un tweet dans lequel il comparait la politique migratoire du Royaume-Uni à celle de « l’Allemagne des années 30 ».
Le présentateur britannique Gary Lineker a été écarté vendredi 10 mars de la BBC pour un tweet dans lequel il comparait la politique migratoire du Royaume-Uni à celle de « l’Allemagne des années 30 ».

ROYAUME-UNI - La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon ou encore le DJ Fatboy Slim… Les témoignages de soutien se multiplient ce samedi 11 mars à l’égard du présentateur de la BBC Gary Lineker, écarté la veille de la chaîne d’information pour avoir critiqué la politique migratoire du gouvernement britannique.

L’annonce vendredi soir de la suspension temporaire de Gary Lineker, ancien footballeur et présentateur de la très populaire émission Match Of The Day, a suscité un tel tollé qu’elle était en Une de nombreux journaux au Royaume-Uni ce samedi. « Révolte pour Lineker », « Mutinerie à la BBC » ou encore « La Beebs va trop loin », titraient nos confrères britanniques malgré la visite très politique du Premier ministre Rishi Sunak la veille à Paris.

L’ancien attaquant de l’équipe d’Angleterre, qui présente depuis 1999 l’émission de football Match of the day, a été suspendu par le géant de l’audiovisuel britannique après avoir critiqué mardi le nouveau projet de loi du gouvernement conservateur. Ce dernier, qui « repousse les limites du droit international » de l’aveu même de la ministre de l’Intérieur Suella Braverman, vise notamment à empêcher les migrants arrivant par la Manche de demander l’asile au Royaume-Uni.

Une « politique cruelle à destination des plus vulnérables »

Il s’agit d’une « politique cruelle à destination des plus vulnérables, dans un langage qui n’est pas différent de celui utilisé par l’Allemagne dans les années 1930 », a écrit l’ex-footballeur de 62 ans sur Twitter, où il partage régulièrement ses opinions progressistes auprès de ses 8,8 millions d’abonnés.

Ses propos ont aussitôt suscité une vive polémique dans un contexte très crispé autour des questions d’immigration mais aussi de critiques récurrentes de partialité visant l’audiovisuel public de la part de la droite britannique. La BBC, particulièrement ferme sur le sujet, interdit formellement à ses journalistes d’exprimer sur les réseaux sociaux « une opinion personnelle sur les politiques publiques, la politique et les sujets prêtant à controverse ».

La chaîne avait d’abord affirmé qu’elle allait « s’entretenir » avec le présentateur. Mais vendredi, elle a finalement « décidé que (Gary Lineker) allait se retirer de la présentation de Match Of The Day jusqu’à ce que nous ayons un accord clair avec lui sur son utilisation des réseaux sociaux ».

La position de la BBC est « indéfendable »

Les réactions ne se sont pas fait attendre : une pétition de soutien en ligne dépassait ce samedi matin les 135 000 signatures et le hashtag #BoycottBBC était en tendance sur Twitter. En parallèle, six commentateurs ont annoncé se retirer au vu des « circonstances », tout comme des consultants de l’émission tels que les anciens internationaux anglais Ian Wright et Alan Shearer. « Tout le monde sait ce que représente Match Of The Day pour moi, mais j’ai dit à la BBC que je n’y serai pas demain », a indiqué Ian Wright vendredi. « Solidarité. »

Ce samedi, la BBC se retrouve ainsi sans présentateur sportif, sans consultants et sans interview de joueurs ou de dirigeants à diffuser. Pour enfoncer le clou, douze clubs de Premier League qui devaient jouer ce week-end ont annoncé qu’ils ne répondront pas aux questions du média britannique. En conséquence, la chaîne a dû interrompre la diffusion cet après-midi de Radio 5, son antenne sportive, et des émissions Final Score et Football Focus, selon The Independant.

Des soutiens étonnants

Certains soutiens se sont révélés étonnants, à l’image de celui du DJ Fatboy Slim, qui a affiché le visage du consultant de la BBC en plein concert sur un écran géant de l’O2 Victoria Warehouse de Manchester, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous.

Prix Nobel de littérature, l’écrivain britannique Kazuo Ishiguro a également soutenu Gary Lineker. « Je pense qu’il est devenu l’une des personnalités culturelles les plus importantes du pays. Je pense qu’il représente de très bonnes choses. Je suis entièrement derrière lui », a déclaré l’auteur des Vestiges de jours, rapporte la Press Association.

Côté politique, la décision du groupe audiovisuel a été dénoncée par de nombreuses personnalités, de l’opposition travailliste jusqu’à la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon qui a qualifié d’« indéfendable » la position de la BBC. Elle met selon elle « en danger la liberté d’expression face à la pression politique ».

À l’opposé, un groupe de 36 députés conservateurs britanniques auraient écrit une lettre au directeur général du groupe, Tim Davie, pour demander des excuses « sans réserve » du présentateur, selon le journal The Daily Express samedi.

« La BBC a mis à mal sa propre crédibilité en donnant l’impression de plier face à la pression du gouvernement », a estimé l’ancien directeur général de la BBC, Greg Dyke. Selon lui, le devoir d’impartialité demandé aux employés travaillant sur l’actualité politique ne devrait pas s’appliquer aux présentateurs d’émissions de divertissement.

Un projet de loi critiqué jusqu’aux Nations Unies

La BBC est régulièrement attaquée par les conservateurs qui l’accusent d’avoir couvert le Brexit de manière biaisée et d’être centrée sur les préoccupations des élites urbaines. Le groupe a depuis érigé l’impartialité en « priorité » et, sur conseil du gouvernement, Richard Sharp a été nommé en 2021 à la présidence de la BBC.

Cette nomination fait l’objet de critiques car cet ancien banquier, donneur connu du parti conservateur, aurait peu avant sa nomination joué les entremetteurs pour aider l’ancien Premier ministre Boris Johnson à obtenir un prêt de 800 000 livres (900 000 euros).

Gary Lineker, 48 buts sous le maillot de l’Angleterre jusqu’à sa retraite en 1994, n’a pas réagi publiquement à sa suspension mais a répété cette semaine qu’il assumait complètement ses propos. Surnommé « M. Nice » pour son comportement irréprochable tout au long de sa carrière − il n’a jamais écopé d’un seul carton jaune −, il a l’habitude d’exprimer ses positions politiques sur les réseaux sociaux, notamment contre le Brexit et pro migrants.

Le nouveau projet de loi, qui vise selon le gouvernement à mettre fin à l’arrivée illégale de migrants par la Manche, a été critiqué par les associations de défense des droits humains et par l’ONU qui a accusé Londres de vouloir « mettre fin au droit d’asile ».

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