Gabriel Attal nommé Premier ministre : la méthode de celui qui a fait de l’Éducation nationale un tremplin

Gabriel Attal (ici le 9 janvier) à Matignon : la méthode de celui qui a fait de l’Éducation nationale un tremplin.
EMMANUEL DUNAND / AFP Gabriel Attal (ici le 9 janvier) à Matignon : la méthode de celui qui a fait de l’Éducation nationale un tremplin.

POLITIQUE - L’os à ronger est (beaucoup) plus gros désormais. À 34 ans, Gabriel Attal devient le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la République. Emmanuel Macron a décidé de lui confier les rênes du gouvernement pour incarner la nouvelle étape de son second quinquennat. Une consécration précoce.

Il y a trois ans et demi seulement, son lointain prédécesseur Jean Castex lui cherchait « un os à ronger supplémentaire » – ou un domaine dans lequel il pourrait se faire les dents. Le « jeune Gabriel » venait alors de quitter le secrétariat d’État chargé de la Jeunesse pour prendre le porte-parolat du gouvernement et aurait apprécié s’occuper d’une autre mission.

Chose faite, depuis. Nommé ministre de l’Éducation nationale en juillet 2023 pour remplacer un Pap Ndiaye jugé transparent, Gabriel Attal s’est confronté au « mammouth » que Claude Allègre voulait « dégraisser » en 1997. Avec succès. En six mois, il a initié plusieurs réformes d’ampleur et a vu sa cote de popularité grimper en flèche. Le voilà désormais à Matignon. Pour y appliquer la même recette ?

Maître dans l’art de la communication

Force est de constater que le passage – éphémère – de Gabriel Attal rue de Grenelle est une réussite, là où certains jugeaient, l’été dernier, le costume trop grand pour lui. Les réactions des syndicats d’enseignants, déçus de voir ce ministre quitter son poste après si peu de temps, en témoignent.

Passé maître dans l’art de la communication politique, celui qui a investi très tôt les réseaux sociaux – pour faire des directs sur Instagram avec les influenceurs au moment de la pandémie de Covid-19 – n’a pas hésité à occuper les médias pour communiquer tous azimuts et prendre le contre-pied de son très discret prédécesseur. Une sorte d’omniprésence à la Gérald Darmanin.

C’est ainsi que Gabriel Attal s’est invité à trois reprises (en moins de six mois) dans les journaux de 20 heures : en août, en septembre et en octobre. Cet automne, il a également participé à la grande émission politique de France 2 en prime time, « L’événement », et aurait dû prendre part, sur TF1 en décembre, à son quatrième journal télévisé en (presque) autant de mois au ministère.

La difficile loi immigration en a décidé autrement, et c’est le ministre de l’Intérieur qui a été convié sur la Une au dernier moment pour faire étalage de son « échec ». À titre de comparaison, Pap Ndiaye ne s’est invité qu’une seule fois dans la grand-messe de l’info en plus d’un an au ministère de l’Éducation nationale. C’était pour la rentrée scolaire, en août 2022.

S’attaquer aux tabous

« Être ministre, ce n’est pas parler dans le poste », disait Emmanuel Macron en guise d’avertissement à ses équipes lors du précédent remaniement en juillet. Message reçu. Si Gabriel Attal s’est fait très présent dans la presse et à la télévision, cette hyperactivité s’est souvent accompagnée d’annonces concrètes, parfois majeures. Ceci, quitte à s’attaquer à des tabous rue de Grenelle, voire au bilan de certaines figures macronistes.

L’abaya est définie comme un des problèmes principaux dans les collèges et les lycées ? Gabriel Attal annonce son interdiction un mois après son entrée en fonction. Certaines épreuves du bac sont organisées trop tôt dans l’année, à cause de la réforme phare de Jean-Michel Blanquer ? Le ministre de l’Éducation annonce les décaler dès le mois d’août 2023, avec effet immédiat. Le harcèlement scolaire reste une plaie ? Le ministre met en place des cours d’empathie et n’hésite pas à parler de sa propre expérience dans l’émission « 7 à 8 » sur TF1, à une heure de grande écoute.

L’uniforme est vu par la droite comme la solution à tous les soucis ? Gabriel Attal en fait une expérimentation. Le niveau des élèves s’effondre, selon les classements internationaux ? Il annonce la réforme du brevet, le retour controversé du redoublement et l’avènement des fameux groupes de niveaux au collège. N’en jetez plus.

Ce bilan aurait de quoi faire pâlir nombreux ministres, bien à la peine pour exister et se forger une stature. Il montre, surtout, comment Gabriel Attal – le plus jeune ministre de l’Éducation nationale de la Ve République – s’est glissé dans ces habits pour prendre à bras-le-corps la feuille de route dessinée par le chef de l’État.

Une cote de popularité insolente

Une stratégie gagnante. Dans le classement mensuel réalisé par YouGov pour Le HuffPost, Gabriel Attal était la dixième personnalité politique préférée des Français en juillet à son arrivée au ministère de l’Éducation nationale. Il en ressort à la troisième place après avoir grappillé huit points d’opinions favorables en quelques mois, comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous.

Avec une cote de popularité à 35 %, le nouveau Premier ministre est uniquement devancé par Édouard Philippe dans le camp présidentiel, l’un de ses lointains prédécesseurs qui nourrit des ambitions pour 2027.

Cette recette, le nouveau chef du gouvernement compte bien l’appliquer à Matignon, comme il l’a laissé entendre lors de la passation de pouvoir avec Élisabeth Borne ce mardi en évoquant son propre bilan. Tout en « réaffirmant l’école comme la mère des batailles », il a expliqué s’être battu au cours de ces derniers mois pour la « liberté », « l’égalité » et « la fraternité » à travers des « actions fortes, concrètes, sans tabou ».

« Tant reste encore à faire. C’est la tâche à laquelle je consacrerai mon énergie, avec la même méthode qui est la mienne, celle que j’ai toujours utilisée dans mes fonctions : poser des diagnostics clairs, sans jamais mentir aux Français », a-t-il ainsi plaidé, sans évoquer l’écueil qui pourrait le guetter : celui de la com’ à tous crins.

Les professeurs se souviennent d’un épisode peu agréable, en ce sens : quand leur ministre annonçait en grande pompe dans son 20 heures de septembre la création d’une prime… pourtant déjà connue depuis plusieurs mois. La méthode Attal, aussi.

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