« Gabriel Attal nommé Premier ministre : cinq raisons de ne pas demander la confiance à l’Assemblée » - TRIBUNE

TRIBUNE - « Cinq raisons pour Gabriel Attal de ne pas demander la confiance à l’Assemblée » - Photo d’illustration, prise le 16 février 2023 à l’Assemblée nationale.
LUDOVIC MARIN / AFP TRIBUNE - « Cinq raisons pour Gabriel Attal de ne pas demander la confiance à l’Assemblée » - Photo d’illustration, prise le 16 février 2023 à l’Assemblée nationale.

TRIBUNE - Gabriel Attal sollicitera-t-il un vote de confiance à l’issue de la déclaration de politique générale qu’il prononcera à l’Assemblée ? Rien ne l’y oblige. Ainsi Pompidou s’y refusa en 1962, Maurice Couve de Murville aussi en 1968, Pierre Messmer encore en 1972, tout comme Raymond Barre en 1976, Édith Cresson en 1991, Pierre Bérégovoy en 1992 ou Élisabeth Borne en 2022. Le choix découlera d’une analyse politique. Cinq raisons militent pourtant pour qu’il s’en dispense.

Pour respecter la Constitution. Même si la formule est abondamment répétée, « le vote de confiance » n’existe pas dans la Constitution. La raison en est simple : de Gaulle en 1958 voulait rompre avec la pratique de la IIIe et de la IVe selon laquelle un gouvernement devait, avant d’entrer en fonction, s’assurer qu’une majorité le soutenait à l’Assemblée. Dès lors, il suffit de la décision du chef de l’État pour qu’un nouveau Premier ministre dispose de la plénitude de ses compétences. La légitimité de Gabriel Attal tient donc, comme pour tous ses prédécesseurs dans la fonction, à sa nomination par Emmanuel Macron.

Pour remporter un premier succès au Parlement. En contraignant les oppositions à déposer une motion de censure en réplique à son refus d’engager la responsabilité de son gouvernement, le Premier ministre va démontrer que la supériorité des oppositions n’est que numérique. En effet, il est plausible que les députés LR ne joindront pas leurs voix à une initiative déjà annoncée par la France Insoumise. De ce fait, la motion de censure sera rejetée, soulignant qu’un peu d’habilité suffit à permettre au chef du gouvernement de manœuvrer efficacement dans l’enceinte du Palais Bourbon.

En contraignant les oppositions à déposer une motion de censure (...), le Premier ministre va démontrer que la supériorité des oppositions n’est que numérique.

Pour imposer son propre calendrier. Une déclaration de politique générale est un exercice rituélique dont la mémoire parlementaire ne garde que rarement la trace. Et quand cela arrive, il est rare que ce soit au profit du Premier ministre concerné. Si celle de Jacques Chaban-Delmas le 16 septembre 1969 marqua les esprits en raison de la formule célèbre de la « nouvelle société », les couloirs de l’Assemblée se rappellent surtout de l’ennuyeuse prestation de Georges Pompidou le 26 avril 1962, du tumulte continue qui accompagna Édith Cresson le 22 mai 1991 ou de l’interminable péroraison d’Édouard Balladur le 8 avril 1993 (plus de 2 heures). Mieux vaut donc banaliser l’exercice et réserver l’engagement de responsabilité sur un texte précis, signant ainsi un choix politique assumé. En effet, rien dans l’article 49.1 ne précise ce qu’est une « déclaration de politique générale », Gabriel Attal peut donc décider de baptiser ainsi ce que bon lui semblera. Le 16 octobre 1981, Pierre Mauroy le fit en traitant de politique énergétique et le 15 novembre 1995 Alain Juppé présenta sa réforme de la sécurité sociale.

Pour ménager sa majorité. La composition de son gouvernement a été fraîchement accueillie par le Modem et Horizon. Le président de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée vient même de plaider pour un « soutien sans participation » quand un proche d’Édouard Philippe indique que l’ancien Premier ministre a trouvé « surprenante » la nouvelle équipe. Dans ces conditions, il serait de bonne politique d’attendre les nominations des secrétaires d’État pour proposer à la majorité de manifester par son vote son plein soutien.

La composition du gouvernement a été fraîchement accueillie par ses alliés. Il serait de bonne politique d’attendre les nominations des secrétaires d’État pour proposer à la majorité de manifester son plein soutien.

Pour présenter sa méthode. S’il demande un vote, son résultat sera guetté puis commenté. Le chiffre focalisera l’attention au détriment des mots. À l’inverse, tirant leçon des déboires d’Élisabeth Borne, Gabriel Attal pourrait préférer se concentrer sur la présentation d’une méthode de travail avec le Parlement. Michel Rocard (le 26 mai 1988), Lionel Jospin (le 5 juin 1997) et Édouard Philippe (le 24 mai 2015) l’avaient fait mais sous la forme d’une circulaire aux ministres décrivant avec précision les obligations que le gouvernement devait respecter pour agir de façon efficace. Ils y gagnèrent lisibilité et cohérence de leurs équipes. Près de deux ans après le début du quinquennat, le Premier ministre pourrait ainsi faire œuvre de lucidité et éclairer sur la façon dont il entend gouverner sans majorité absolue.

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