Gérard Collomb : pourquoi sa citation sur les banlieues refait surface après sa mort

Son discours prononcé au moment de son départ du ministère de l’Intérieur est cité par de nombreux politiques. Mais il n’a pas la même signification pour tout le monde.

Gérard Collomb, photographié en mai 2020 à Lyon
JEFF PACHOUD / AFP Gérard Collomb, photographié en mai 2020 à Lyon

POLITIQUE - Seize mots qui résonnent encore après la mort. Dès l’annonce de sa disparition ce samedi 25 novembre, de très nombreux politiques ont exhumé une citation de Gérard Collomb. Soit pour souligner la lucidité de l’ancien maire de Lyon, soit pour lui attribuer une signification prophétique, assez éloignée du contexte dans lequel celle-ci a été prononcée.

« Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain on vive face à face ». Une déclaration que l’ancien ministre de l’Intérieur avait faite au moment où il remettait les clés de Beauvau à son successeur, Christophe Castaner. Il y a cinq ans précisément, le 3 octobre 2018. Gérard Collomb alertait alors sur l’état des banlieues.

« C’est la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République », prévenait-il, appelant à adopter « une vision d’ensemble » pour sortir les quartiers de la ghettoïsation et ainsi « recréer de la mixité sociale ». Un constat, déjà énoncé en 2015 dans l’indifférence générale, qui est partiellement repris par ses anciens adversaires politiques.

Terrible prophétie

Notamment à droite et à l’extrême droite, où celui-ci est perçu comme annonciateur de bien des drames, des émeutes qui ont éclaté après la mort de Nahel au meurtre du jeune Thomas. Éric Zemmour, Éric Ciotti, Jordan Bardella, Valérie Pécresse, Marine Le Pen… Tous citent ce constat, ou y font allusion. « Les prémices de sa terrible prophétie se réalisent le soir de sa mort, à Romans-sur-Isère », disserte sur le réseau social X Marion Maréchal, faisant ainsi un lien entre son discours et la descente de militants d’extrême droite dans le quartier de la Monnaie, d’où viennent une partie des agresseurs de Crépol.

Pourtant, ses anciens adversaires politiques n’ont pas toujours attribué une clairvoyance salutaire à Gérard Collomb, à l’image de Marine Le Pen qui a plusieurs fois réclamé sa démission du ministère de l’Intérieur du temps où il était en poste. En janvier 2018, la même l’accusait d’être dans la « culture du déni » et le décrivait en représentant de « l’angélisme de la vieille gauche ». De quoi relativiser la soudaine conversion au « collombisme » de la part de la droite et de l’extrême droite, qui omettent de citer l’aspect « mixité sociale » défendu par l’intéressé dans ce même discours.

« Au-delà de ce que certains lui font dire »

Ce que l’on retrouve en revanche chez les anciens compagnons de route de Gérard Collomb. « Comme ministre, il n’eut pas le temps de traduire en actes sa lucidité sur les risques de fracturation de notre société. Gérard était doté d’une inépuisable ténacité, d’un rare courage et d’une vive intelligence », a salué François Hollande, qui l’a longtemps côtoyé du temps où ils étaient au Parti socialiste. Interrogé sur cette citation ce dimanche 26 novembre sur franceinfo, le président Renaissance de la Commission des Lois, Sacha Houlié, a loué une sortie qui « va au-delà de ce que certains, à droite ou à l’extrême droite, voudraient lui faire dire ».

Pour le député de la Vienne, qui a compté comme Gérard Collomb parmi les premiers marcheurs issus du PS, le discours « interroge toutes les composantes de la vie politique sur les efforts qu’il y a à produire pour ne pas accroître les tensions, creuser les divisions et organiser ce que lui ne voulait absolument pas, c’est-à-dire une forme de guerre civile ». Ce qui est, paradoxalement, la lecture faite par la droite et l’extrême droite.

Il faut souligner que lui-même semblait avoir conscience de l’instrumentalisation de ses propos. Contacté par Le HuffPost fin juin, deux jours après le début des émeutes, il n’avait pas voulu « s’engager dans le débat politique » estimant simplement que sa citation de l’époque « n’était pas sans fondement ». Comme si, conscient du poids et du caractère sensible de ses mots, il refusait d’endosser le rôle du prophète.

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