Furax, l’évènement qui lutte contre la misogynie sur Twitch après le cyberharcèlement au ZEvent et au GP Explorer

TWITCH - « Je me suis retenue de parler de féminisme en ligne pendant des années, parce que je mettais ma vie en danger en le faisant ». D’un ton amer, Nat’Ali se souvient de ses débuts sur Twitch en 2016. Insultes, menaces de mort ou de viol… Tout comme Maghla, Manon Lanza ou encore Ultia, la streameuse a dû faire face à de violentes vagues de cyberharcèlement misogyne.

Sur TikTok, critiquer Abrège frère c’est être visée par un déluge de harcèlement misogyne

C’est de ce constat qu’est né Furax, un marathon de streaming caritatif féministe qui se décrit comme « safe, inclusif et positif ». « Joul, mon amie qui est aussi streameuse, m’a demandé si j’étais partante pour faire un évènement comme le ZEvent, mais pour les associations féministes », explique Nat’Ali au HuffPost.

En 2023, Furax avait levé plus de 57.000 euros pour les victimes de violences conjugales. Pour cette deuxième édition qui aura lieu du 5 au 7 avril, coorganisée par l’association Afrogameuses, les dons seront reversés à l’association Féministes contre le cyberharcèlement.

Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo ci-dessus, parmi les invités on retrouve une grande majorité de femmes, ainsi qu’un mélange de petits streamers et de têtes d’affiche, tels qu’Horty ou Mister MV. Un choix assumé par les organisatrices, qui veulent mettre en avant de nouvelles têtes. « On a moins de dix hommes blancs dans le lineup », précise en riant Mamapaprika, ambassadrice d’Afrogameuses et cofondatrice de Furax.

Un marathon qui assume sa position politique

Cette diversité dans le lineup s’explique avant tout par l’expérience des organisatrices sur Twitch : nombre d’entre elles ont vécu des raids sexistes et racistes sur la plateforme, voire des cas de doxxing (divulgation de données personnelles sur le net, comme l’adresse postale par exemple) ou de stalkers. L’envie de créer un cadre le plus « safe » possible s’impose donc, et ça passe par « compter pour se rendre visuellement compte de qui est non-blanc ou cis à l’écran » explique Cosima, qui gère la communication de l’évènement.

Au menu du week-end, pour équilibrer « militantisme et fun », des ateliers sculpture sur verre, des quiz, du jeu vidéo et des tables rondes sur les possibilités juridiques contre le cyberharcèlement ou sur la modération des réseaux sociaux. « L’association que l’on soutient, ce n’est pas juste l’entité qui va recevoir les dons, c’est le fil rouge », s’enthousiasme Mamapaprika.

« Il y a beaucoup d’évènements caritatifs sur Twitch, » précise Nat’Ali, « mais en général, c’est pour les causes les moins politiques possibles, la faim dans le monde ou les animaux ». Des causes qui ne sont pas sans rappeler les polémiques autour du ZEvent de 2022 : la fondation GoodPlanet, choisie initialement pour récolter les dons, s’était retirée après des accusations de « greenwashing ».

Le silence des gros influenceurs

L’émergence ces dernières années de marathons féministes tels que Furax, Fast and Fabulous ou Et Ta Cause ne fait que souligner le silence de streamers plus connus. « Il y a pas mal d’émissions qui sont censées inviter plein d’influenceurs, mais qui invitent surtout de mecs », soupire Nat’Ali, citant notamment Popcorn, talk-show animé par Domingo, et Zen, l’émission de Maxime Biaggi et Grim.

« Un des arguments qu’avait sortis Domingo, c’était “Si j’invite des femmes, elles vont se faire harceler” », explique la streameuse. Un argument qui fait écho aux attaques sexistes subies par des influenceuses ayant participé aux évènements de gros streamers, comme Ultia au ZEvent de 2021, ou plus récemment Manon Lanza, harcelée suite à son accident de voiture avec Maxime Biaggi lors du GP Explorer de Squeezie.

« Mais c’est la pire prophétie autoréalisatrice ! », rétorque Nat’Ali. « Si vous invitez des meufs, les publics vont s’y habituer, et ça leur donnera de la visibilité ». Un vrai cercle vertueux selon Nat’Ali et Mamapaprika, qui félicitent les efforts récents de Popcorn pour inclure plus de streameuses dans l’émission, ainsi que des initiatives telles que le dernier Fight For Sub de Zerator, réservée aux femmes et aux minorités de genre.

Malgré les progrès de certains streamers et une « prise de conscience de la justice, notamment via la plateforme Pharos », rien n’est gagné pour autant. La polémique autour d’Abrège Frère en février dernier en est une preuve pour les organisatrices de Furax, choquées par le cyberharcèlement subi par Chloë Gervais. « Furax, moi je serais ravie quand on dira “C’est la dernière, parce qu’on en a plus besoin” », résume Mamapaprika. « Sauf que là, on parle déjà d’éditions 3, 4… »

À voir également sur Le HuffPost :