Une fuite de documents dévoile comment la Chine sélectionne les Ouïghours à emprisonner
L’ONG Human Rights Watch (HRW) s’est procurée une liste de prisonniers d’un camp d’internement de Ouïghours montrant comment un logiciel du gouvernement chinois cible les membres de cette minorité pour les emprisonner.
C’est une nouvelle preuve de l’oppression des autorités chinoises à l’encontre des Ouïghours. L’association internationale Human Rights Watch (HRW) affirme avoir mis la main sur une liste contenant des détails sur 2000 prisonniers Ouïghours arrêtés entre 2016 et 2018 dans la ville d’Aksu, dans la province du Xinjiang. Les membres de cette minorité musulmane auraient été appréhendés après avoir été repérés par un logiciel nommé “Integrated Joint Operations Platform” (IJOP).
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Il s’agit d’un logiciel qui permet de suivre l’activité en ligne et la vie quotidienne des individus grâce au vaste dispositif de surveillance électronique en place dans la région du Xinjiang. Cette base de données massive collecte de nombreuses informations personnelles telles que le groupe sanguin d’un individu, sa taille, son affiliation politique ou religieuse ou encore sa consommation d’électricité ou de carburant. Les moindres faits et gestes des individus sont scrutés notamment grâce au traçage des smartphones ou aux millions de caméras de vidéosurveillance installées dans la région.
Des entreprises chinoises comme Huawei sont d’ailleurs soupçonnées d’avoir mis en place des logiciels de reconnaissance faciale permettant de repérer des personnes ressemblant à des Ouïghours.
Huawei a travaillé avec une start-up de reconnaissance faciale, Megvii, pour tester une IA: elle scanne les visages d'une foule pour estimer l'âge, le sexe et l'ethnie de chacun. Ce logiciel pourrait lancer une "alerte Ouïghour" en détectant un membre de cette minorité persécutée https://t.co/cfyYkEb9GT
— Thierry Noisette (@tnoisette) December 8, 2020
Être jeune, un motif d’arrestation
D’après l’organisation de défense des droits humains, “l’immense majorité” des 2000 prisonniers de cette liste ont été signalés pour des comportements parfaitement légaux et non-violents tels que discuter avec des personnes vivants à l’étranger, ne pas avoir d’adresse fixe ou fréquemment éteindre son téléphone portable. Le gouvernement chinois justifie ces “camps de rééducation politique” par la volonté de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme, mais seulement 10% des individus de cette liste en sont accusés. D’après les informations de l’AFP qui a eu accès à une partie de la liste, de nombreuses personnes ont simplement été “signalées” par le logiciel sans aucune information sur la raison de leur arrestation.
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D’après des informations relayés par le Guardian, être indigne de confiance ou être né après les années 1980 font partie des comportements qui justifient une détention. Un homme semble être en détention pour ne pas avoir payé son loyer et plusieurs autres pour pratiquer la polygamie. Une détenue aurait même été signalée pour “liens avec des pays sensibles” après que l’IJOP a relevé quatre appels de plusieurs minutes avec sa sœur vivant à l’étranger.
L’ONGI accusée de vouloir “semer le trouble”
“Cela contredit les affirmations des autorités chinoises selon lesquelles leurs technologies ‘sophistiquées’ et ‘prédictives’ comme l’IJOP assurent la sécurité du Xinjiang en ‘ciblant les criminels avec précision”, a déclaré Maya Wang, chercheuse sur la Chine à HRW. Si l’ONGI avait déjà connaissance de ce logiciel et avait interrogé des personnes qui disaient avoir été détenues après avoir été sélectionnées par celui-ci, “c’est la première fois que nous voyons des documents officiels expliquant comment, pour chaque individu, le système les a capturés et détenus”, affirme Maya Wang.
Les autorités d’Aksu et du Xinjiang n’ont pas souhaité répondre aux questions de l’AFP sur le rapport de Human Rights Watch. Lors d’un point presse, le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, a estimé que les informations ne méritaient “pas même d'être réfutées”, accusant l’ONGI de chercher à “semer le trouble” au Xinjiang.
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