France Travail : avancée ou stigmatisation des allocataires RSA ?

A Pole Emploi (National Agency for Employment) sign is seen outside one of its offices in Bordeaux, France, February 16, 2020. REUTERS/Regis Duvignau

Le Haut-Commissaire à l’emploi a dévoilé son rapport devant servir de base au projet de loi travail du gouvernement. La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) est vigilante sur les risques de stigmatisation des allocataires RSA.

Du changement à venir pour les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA). Le Haut-Commissaire à l’emploi et l’engagement des entreprises a dévoilé son rapport qui définit les contours de France Travail, l’entité qui doit remplacer Pôle emploi à partir de 2024. Il y est notamment prévu que les allocataires du RSA s’y inscrivent et effectuent 15 à 20 heures "d'insertion" par semaine pour conserver ce revenu de 607 euros par mois pour une personne seule. Les propositions vont-elles vers une meilleure insertion par l’emploi des personnes les plus précaires ou au contraire, vont-elles les entraîner dans une nouvelle machinerie bureaucratique avec des injonctions impossibles à tenir ?

“Nous sommes très vigilants sur la suite des événements, explique Pascal Brice, Président de La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) qui a participé au “comité des parties prenantes” avec le ministre du Travail, Olivier Dussopt, le 19 avril. Au vu des déclarations récentes de certains membres de l’exécutif, nous avons besoin de clarifications”. Et de poursuivre : “Aujourd’hui ce qu’il manque, c’est l’accompagnement. Si dans le cadre de cet accompagnement, il y a un engagement réciproque, c’est très bien. Mais il faut éviter la stigmatisation”.

"Les allocataires du RSA ne sont pas responsables du malaise social"

Le rapport prévoit d’abord l’inscription obligatoire des allocataires du RSA à Pôle emploi. L’idée du gouvernement est de renforcer l’accompagnement des allocataires. En ce sens, il a commencé à tester le dispositif sur 40 000 allocataires depuis la mi-avril. "L'accompagnement qu'ils ont aujourd'hui, c'est trois contacts par an, e-mail compris, comment voulez-vous qu'ils s'en sortent ?", défend sur franceinfo le Haut-commissaire Thibaut Guilluy. Pierre-Édouard Magnan, président du Mouvement national des chômeurs et des précaires, souligne le problème logistique d'une telle mesure. “Si demain, on veut mettre en place un véritable accompagnement pour 2 millions d'allocataires du RSA, il va falloir commencer par embaucher un sacré paquet de conseillers.”

“L'obligation de chercher et de trouver du travail ne va pas dans le sens des personnes les plus en difficulté", estime Pascal Brice qui s'inquiète des sanctions. Il illustre son propos avec plusieurs cas de figures : "Par exemple, j’ai vu une jeune femme seule avec un bébé dans un centre d’accompagnement près d’Orléans qui a trouvé un travail mais pas de garde pour son enfant. Il y a aussi le cas de cet homme près de Strasbourg qui n’a pas travaillé depuis 15 ans pour s’occuper de ses deux enfants handicapés, comment va-t-il faire ? Je me souviens aussi du cas d’une dame dans la Nièvre qui devait s’occuper de sa maman touchée par Alzheimer. Partout en France, il y a des gens qui ont vécu des chocs dans leur vie, ou qui ont des addictions, et ce n’est pas en leur disant ‘travaillez bandes de fainéants’ qu’ils vont s’en sortir. Les allocataires du RSA ne sont pas responsables du malaise social dans ce pays."

Le risque d'une sanction "automatique"

Le rapport prévoit également une activité obligatoire, entre 15 à 20 heures "d'insertion" par semaine. “Nous allons surveiller la nature de l’activité demandée et comment s’organise le dispositif pour ne pas imposer aux personnes un schéma formaté”, poursuit Pascal Brice. Le haut-commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy, a précisé que ces heures ne sont pas des heures de travail pouvant s'apparenter à du travail gratuit, mais "des immersions d'entreprises, des stages, de la formation pour pouvoir se former à un métier ou pour passer le permis de conduire".

Autre nouveauté pour les allocataires : une sanction plus rapide des bénéficiaires qui ne se présenteraient pas à leurs rendez-vous ou ne tiendraient pas leurs "engagements". “Cette proposition 67 nous gêne particulièrement car elle sous-entend une forme d’automaticité de la sanction si certains points ne sont pas respectés, explique à Libération Noam Léandri, président du collectif Alerte. Cela revient à supprimer un minimum vital. C’est le dernier filet de sécurité.”

La FSA souligne que la situation des allocataires est le plus souvent subie et que ce revenu est un minimum pour survivre. “Si on a une approche punitive et décalée par rapport à ce que vivent les gens, ce serait inacceptable”, souligne Pascal Brice.

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